Haiti « ouverte aux affaires » : Les gagnants et les perdants

01/12/2011
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« Haïti est ouverte aux affaires. » C’est ce que le Président Michel Martelly a affirmé le 28 novembre lors d’une cérémonie de pose de première pierre d’un parc industriel géant dans le nord-est d’Haïti.
 
En Haïti comme dans d’autres pays du monde, Martelly, son gouvernement, et ses “conseillers”, comme l’ancien président américain Bill Clinton, font la promotion d’Haïti comme un rêve devenu réalité.
 
« Nous sommes prêts pour de nouvelles idées et de nouvelles entreprises, et nous créons les conditions nécessaires pour qu’Haïti devienne une destination naturelle et attrayante pour les investissements étrangers », a déclaré Martelly lors d’une rencontre avec des investisseurs étrangers à New York en septembre dernier.
 
« La fenêtre d’opportunités est maintenant ouverte », ajoutait l’un de ses collaborateurs. « Haïti a un nouveau Président et une nouvelle façon de penser les investissements étrangers et la création d’emplois ».
 
Le Président est peut-être nouveau et il y a peut-être de nouveaux acteurs sur la scène, mais il n’y a pas grand-chose de neuf dans les plans. Une fois de plus, le gouvernement et le secteur privé haïtiens, comme leurs patrons internationaux, vantent l’« avantage comparatif » des salaires de misère.
 
Les usines d’assemblage et les zones franches font partie du programme de « développement » d’Haïti depuis des décennies. Maintenant qu’ils ont accès à des milliards en financement, en prêts et en investissements privés, les gouvernements haïtien et étranger, et le secteur privé, sont en train de développer toute une série de zones manufacturières dans le cadre de la « reconstruction » du pays.
 
Pire, ils ont choisi des terres agricoles fertiles pour présenter leur projet modèle : un parc industriel géant, lourdement financé par les contribuables américains avec 124 millions de dollars. Dans six mois, la grande compagnie de textiles Sae-A Trading, de la Corée du Sud, ouvrira ses portes. Pour ses eaux usées, ses usines utiliseront une rivière qui se déverse dans la fragile Baie de Caracol. En plus des dangers potentiels pour l’environnement haïtien déjà dévasté, cette nouvelle méga-usine produira des millions de vêtements pour Wal-Mart, Target, GAP et d’autres chaines de vêtements américains, ce qui probablement mettra plus d’ouvriers américains au chômage.
 
Aucun grand média, en Haïti ou à l’étranger, n’a évoqué ces aspects et répètent qu’il s’agit d’une occasion « win-win » (« gagnante-gagnante ») pour les investisseurs étrangers et le peuple haïtien.
 
Mais dans la « nouvelle » Haïti il y aura assurément des gagnants et des perdants.
 
Ayiti Kale Je (AKJ) a passé des mois à enquêter, à conduire plus de trois douzaines d’entrevues, à visiter des zones manufacturières et des travailleurs dans le nord-est et dans la capitale, et à analyser des douzaines de publications universitaires et de rapports, dont un document interne divulgué par un employé du Ministère de l’Environnement d’Haïti.
 
AJK a notamment constaté que :
 
• Les travailleurs gagnent moins aujourd’hui que sous la dictature des Duvalier.
 
• Plus de la moitié du salaire quotidien est dépensée dans les repas et les frais de transport.
 
• Haïti et ses voisins ont tous essayé le modèle de développement des usines d’assemblage, en obtenant rarement les résultats attendus.
 
• On compte au moins six zones franches ou parcs industriels en développement en Haïti.
 
• Le nouveau parc industriel du nord comporte des coûts et des risques : de grands mouvements de population, une plus grande pression sur la nappe phréatique, la perte de terres agricoles et il sera construit en bordure d’une zone qui allait être classée « aire marine protégée ». [akj apr 30/11/2011 18:30]
 
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* « Ayiti Kale Je » (http://www.ayitikaleje.org/) est une initiative de partenariat médiatique en vue d’assurer des investigations journalistiques sur la reconstruction d’Haïti suite au séisme dévastateur qui a frappé le pays et fait 300.000 morts et autant de blessés.
 
Le Groupe Médialternatif est un des partenaires de cette initiative, à travers son agence multimédia AlterPresse (http://www.alterpresse.org/), avec la Société d’animation et de communication sociale (Saks - http://www.saks-haiti.org/).
 
Deux réseaux participent également : le réseau des femmes animatrices des radios communautaires haïtiennes (Refraka) et l’association des médias communautaires haïtiens (Ameka), qui est composé de stations de radios communautaires à travers le pays.
 
 
https://www.alainet.org/fr/active/51302
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