Sans un Etat responsable, la débâcle annoncée ?
29/07/2012
- Opinión
La situation en Haïti ne peut que s’aggraver si l’exploitation minière ne repose pas sur un Etat responsable, capable de se placer en position de force face aux compagnies et également assez intègre pour user des bénéfices à bon escient.
C’est la réaction de Keith Slack, directeur du programme sur les industries extractives à Oxfam Amérique dans un article publié sur le blog d’Oxfam le 25 juillet 2012.
Tout en remettant en question la signification pour un pays d’avoir des ressources minières, Slack se demande s’il s’agit réellement d’un privilège pour Haïti d’avoir dans son sous-sol de l’or, de l’argent et du cuivre.
Il suggère de poser des conditions préliminaires à la venue des compagnies minières afin de garantir que les ressources seront réinvesties dans la société.
Il s’agit d’abord de renforcer la capacité du gouvernement afin qu’il soit en mesure de négocier de façon juste ce qui revient à Haiti de la part des compagnies.
Afin de ne pas léser la société civile, l’Etat doit absolument adopter des mesures de transparence soit en publiant directement les contrats passés avec les compagnies, soit en acceptant un contrôle de la part d’un comité neutre.
Un parcours à l’envers
Engranger des richesses ne suffit pas. L’exploitation des sous-sols ne peut devenir un gain pour toute la société que si des plans de dépenses sont préalablement arrêtés. Il s’agirait d’investir cet argent sur des secteurs clefs : le développement d’une industrie diversifiée, qui trouverait des débouchés aux Etats-Unis, l’agriculture et les programmes de protection sociale.
Ce qui se passe pourtant, c’est que le parcours s’effectue à l’envers. On recherche la richesse avant d’en prendre la responsabilité. Cette année, à la suite de prospections effectuées par des compagnies minières, des gisements d’or, d’argent et de cuivre ont été mis à jour. Ces ressources pourraient représenter 20 milliards de dollars américains (US $ 1.00 = 43.00 gourdes ; 1 euro = 58.00 gourdes aujourd’hui).
Le premier ministre Laurent Lamothe a alors affirmé sa volonté d’exploiter les ressources souterraines du pays. En mai 2012, l’idée d’une nouvelle loi portant sur l’extraction des matières premières a émergé. Les compagnies minières Newmont et Eurasian auraient déjà passé un accord avec le gouvernement haïtien.
Le processus est très rapide et rien ne laisse penser que l’Etat est prêt à responsabiliser ses décisions. Déjà, les compagnies minières sont pressantes et devancent les démarches légales.
Mémé : le premier pas ?
De juteuses perspectives s’ouvrent pour ces transnationales minières en Haïti à l’heure où le gouvernement haïtien a annoncé la réouverture prochaine de la mine de cuivre, d’or et d’argent de Mémé (16 km au nord-ouest des Gonaïves).
La mine de Mémé a été exploitée entre 1960 et 1972 par la Société d’exploitation et de développement des ressources naturelles (Sedren). 1,5 millions de tonnes minerais de cuivre et d’or ont été extraits durant cette période, selon la compagnie qui parle d’un gisement de 3,5 millions de tonnes.
Les minerais extraits ont alors profité aux industries de l’Amérique du Nord. En face des anciens mineurs et des habitants de la zone évoquent des souvenirs amers.
Des mineurs se souviennent…
Interrogé par AlterPresse, Sauveur Du Chatelier, un ancien mineur a fait savoir que travailler dans un tunnel pour tirer les minerais était l’expérience la plus difficile et risquée qu’une personne pouvait effectuer.
« C’était un travail risqué parce que dans le tunnel situé à 1750 pieds de profondeur, un mineur de fond qui n’a que son casque muni d’un flash qui lui permet de voir la lumière pour drealer les mines était exposé à tout », a déclaré Du Chatelier, qui dit se rappeler avoir perdu des camarades dans des accidents.
Il ajoute qu’à chaque lorsqu’il n’y avait pas de mort enregistré dans les tunnels, les patrons de la Sedren organisaient une fête en guise de « célébration de la vie ».
A coté de ces risques, les mineurs ont travaillé pour un modique salaire qui se situait entre cent à deux cent cinquante gourdes, précise Sauveur Du Chatelier.
Pour sa part, Joseph Aloisy Saint-Louis qui a travaillé dans la mine comme assistant forman général (mineur de surface) a rapporté que tous les mois, à chaque paiement, près de 80 macoutes (membres de la milice de la dictature de Duvalier) qui n’avaient rien à voir avec la Sedren débarquaient de Port-au-Prince pour réclamer leur part à la compagnie.
Les grands bénéficiaires de l’exploitation des gisements du sous-sol de Mémé étaient le régime en place et bien sûr la compagnie qui tous deux n’ont pas songé à améliorer la petite localité, encore moins les conditions de vie de ses habitants.
D’autres anciens mineurs de fond, comme Marc Jeannithon et Jean Bar Delva, âgés respectivement de 76 et 78 ans, ont exprimé leur joie par rapport à l’annonce faite par les autorités sur la possibilité d’ouvrir à nouveau la mine de cuivre de Mémé à bassin Magnan.
Ces anciens mineurs disent toutefois espérer que la nouvelle compagnie exploitante prendra en charge la dette de 36 mois d’arriérés de salaires laissés par l’ancienne compagnie First City qui a tenté vainement de rouvrir la mine en 1982, en faisant travailler les anciens mineurs qui n’ont pas été payés pendant 3 ans. [cp mm apr 30/07/2012 00:30]
https://www.alainet.org/fr/active/56913?language=es
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