Entre questionnements, doutes et drame
08/02/2012
- Opinión
En clôturant le premier mois de cette année de 2012, l’ordonnance du juge d’instruction Carvès Jean sur Jean-Claude Duvalier (avril 1971 - février 1986) - transmise le 30 janvier au parquet du tribunal civil de la capitale - est venue raviver les questionnements et les doutes pour l’avenir, relève l’agence en ligne AlterPresse.
Dans l’intervalle, la nouvelle équipe au pouvoir, cent jours après l’installation (18 octobre 2011) du gouvernement de Garry Conille et huit mois après celle (14 mai 2011) du président Michel Joseph Martelly, continue de promettre « une autre Haïti ».
L’ex-dictateur ne devrait pas pas à répondre des crimes de sang perpétrés sous son règne, mais uniquement des détournements de fonds publics que lui reproche l’État haïtien, si aucun appel n’est fait contre la teneur de l’ordonnance du 30 janvier 2012.
« Ni le code pénal haïtien ni aucune loi pénale particulière ne prévoient l’incrimination de crimes contre l’humanité, de telle sorte que toute recherche dans notre droit interne est vaine », déclare notamment le juge instructeur Carvès Jean.
Haïti n’étant pas partie ou n’ayant pas ratifié les conventions reconnaissant les crimes contre l’humanité comme le Statut de Rome, « on est bien forcé de reconnaitre alors…qu’il n’existe aucun moyen pour les tribunaux haïtiens d’utiliser la notion de crime contre l’humanité à l’encontre du nommé Jean Claude Duvalier », soutient l’ordonnance.
Une ordonnance qui est venue comme un coup de massue dans les milieux de défense de droits humains : « un déni de justice » et « une honte ».
Pendant que beaucoup critiquent et s’indignent, d’autres y voient une issue annoncée.
Quelques jours auparavant, alors qu’il prenait part au 42e forum économique à Davos du 25 au 29 janvier 2012, Martelly a déclaré qu’il était prêt à pardonner le dictateur.
Des propos qu’il démentira par la suite.
Sans convaincre, car Jean Claude Duvalier, objet de poursuites, n’a jamais été inquiété.
A plusieurs reprises, l’ex-dictateur viole l’assignation à résidence, prononcée par le cabinet d’instruction.
Duvalier ira même jusqu’à se présenter à la cérémonie officielle, donnée le 12 janvier 2012 en hommage aux victimes du séisme de 2010.
Sa présence non loin de la communauté de Titanyen (au nord de la capitale), lieu honni, réputé comme charnier des anciens miliciens duvaliéristes, les tontons macoutes, est perçue plus comme une provocation, une insulte à peine voilée aux victimes.
Des victimes qui ont porté plaintes et qui, comme ce fut annoncé, se voient ignorées par la justice.
Une fois de plus, l’indépendance du pouvoir judiciaire haïtien est remise en cause.
Une fois de plus, le président Michel Martelly apparait en figure de continuité d’une époque. Parce que, durant les 8 premiers mois de son mandat, près de 4 commissaires du gouvernement se sont succédé à la tête du parquet. Parce qu’il a promis le « changement » et que l’État de droit constitue l’un des piliers de sa politique.
Parallèlement, le président a cherché, au cours de janvier 2012, à asseoir sa politique, basée sur « la diplomatie des affaires ».
Sa participation au forum économique de Davos essaie de donner le ton. Même considération pour une visite du ministre des affaires étrangères, Laurent Lamothe, de la ministre du tourisme Stéphanie Balmir en France.
La transformation du Sud du pays en pôle d’attraction des touristes en provenance de l’Europe, l’intégration des jeunes cadres haïtiens dans l’administration publique, sont vantés devant la communauté haïtienne et les autorités françaises.
En retour, l’administration politique du président Nicolas Sarkozy et du premier ministre François Fillon promet notamment une aide pour la remise sur pied de l’armée, projet cher au chef de l’État.
Le gouvernement crie au « succès ».
Dans la foulée, un projet d’allègement de la procédure de création d’une entreprise est lancé.
Désormais, le délai d’installation d’une entreprise passe de 105 jours à 14 jours, se félicitent Martelly et le ministre du commerce et de l’industrie Wilson Laleau.
Janvier 2012 est aussi marqué par un drame.
Le 16, dans la soirée, un camion fonce sur des vendeuses et vendeurs, des automobiles et des piétons, avant de finir sa course insensée sur la cour de la télévision nationale d’Haïti (Tnh) à Delmas (municipalité au nord-est de Port-au-Prince).
Le bilan est lourd : 30 morts et une cinquantaine de blessés.
Cet accident tragique a fait rejaillir des problèmes bien connus, mais souvent oubliés :
• le transport, secteur anarchique, la règlementation de la circulation des véhicules, les capacités de secours…
L’accident du 16 janvier 2012 survient aussi dans un contexte de tension et de panique dans certaines zones du pays, par rapport aux phénomènes naturels, comme les aleas sismiques.
De nouvelles secousses sismiques ont frappé le Nord de l’île d’Haïti, entre le dimanche 22 et le lundi 23 janvier 2012. Ces secousses n’ont pas causé de dégâts, mais ont réussi à raviver la peur.
Le 30 janvier, une étude indique que les deux pays, Haïti et la République Dominicaine, semblent être entrés dans un nouveau cycle sismique et qu’ils devraient se préparer à subir de grands tremblements de terre.
Frappée par un séisme de magnitude 7.1 le mardi 12 janvier 2010, la république d’Haïti,ne s’est toujours pas remise ni relevée du choc et du traumatisme, plus de deux ans après.
https://www.alainet.org/es/node/155819
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