L’arbre qui cache la forêt

Les limites du modèle américain

26/11/2010
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La somme que les gouvernements dépensent en moyenne pour les élections varie entre un dollar américain par électeur, dans les pays qui ont une grande expérience électorale, et 45 dollars américains par électeur dans les pays en « transition » comme le Cambodge.
 
En Haïti le processus de 2005 a coûté entre 49 millions et 70 millions de dollars… les chiffres varient suivant les sources consultées. Cela signifie en tout cas que ce processus a coûté jusqu’à 30 dollars américains par électeur, suivant l’un des rapports.
 
Les Sénatoriales de 2009 ont couté 16 millions de dollars, selon ce que rapporte la presse.
 
Le budget des élections de 2010 est de 29 millions de dollars américains. La majorité de ce montant provient de bailleurs étrangers. Selon un rapport, la mission conjointe d’observation OEA/CARICOM, qui comptera 100 observateurs en Haïti le jour du scrutin, coute 5,3 millions de dollars.
 
D’après les medias, 7 des 29 millions de dollars le financement des joutes du 28 novembre proviennent du trésor public. Près d’un million de dollars américains de cette somme est allé aux candidats à la présidence, parce que chaque candidat approuvé par le CEP a reçu 50 000 dollars.
 
Mais considérant les dépenses effectuées pour la propagande électorale ( affiches, annonces à la radio et la télévision) et tous les déplacements effectués par les candidats, beaucoup d’entre eux ont dépensé plus de 50 000 dollars. Cela signifie que les élus, le président, ne représenteront pas ceux qui les auront choisis, comme l’a expliqué Anselme Rémy, ancien président du Conseil Électoral Provisoire (CEP).
 
Les élections en Haïti « coutent de plus en plus d’argent », a admis Granderson, qui souligne « la dimension américaine avec les posters ». Mais, ajoute-t-il, « nous avons des élections avec des candidats très peu connus. Comment donc les faire connaitre ? »
 
Haïti serait-elle en voie d’adopter le système américain où c’est l’argent qui domine ? Depuis 30 ans, Washington travaille à cet effet.
 
Outre l’argent alloué au processus formel - enregistrement des électeurs, bureaux de vote, centre de tabulation et financement de la campagne des candidats - les gouvernements étrangers et les agences internationales, spécialement les américains, dépensent plusieurs millions de dollars dans « l’éducation » politique et la construction de partis politiques depuis 1987.
 
La France, le Canada et surtout les Etats-Unis ainsi que ses organisations partenaires- comme l’Institut National Démocratique(NDI), l’Institut National Républicain (IRI) et le Fonds National Pour la Démocratie (NED), de même que plusieurs autres agences - ont alloué plusieurs millions de dollars à la promotion de la démocratie. Leur site Web donne certains détails sur leurs programmes récents, mais ils sont insuffisants.
 
Il y a des cas d’intervention de diplomates américains ou d’autres pays étrangers dans le processus formel. La tentative d’intervention dans les élections de 1990 et le rôle de la CIA dans le coup d’Etat contre Aristide en 1991 sont abordés par plusieurs auteurs.
 
Remy a vécu une intervention de ce genre alors qu’il était président du CEP en 1995. Le gouvernement américain a exigé que les bulletins de vote soient imprimés en Californie aux Etats-Unis.
 
« C’était un cas classique d’ingérence étrangère » se souvient-il. « Les Haïtiens s’inquiètent pour l’instant de l’ingérence gouvernemental. L’ingérence du gouvernement haïtien existe elle aussi. Mais…l’ingérence américaine est davantage intolérable ».
 
Selon lui, l’ancien président des Éats-Unis, Bill Clinton, et d’autres autorités américaines ont fait pression pour l’écarter du CEP. « Ils ont dit qu’ils allaient reconsidérer toute l’aide, toutes les relations entre Haïti et les Etats-Unis », se rappelle t-il. « J’ai analysé le pour et le contre…et je me suis retiré…c’est cela l’ingérence »
 
Quelle alternative et quels défis ?
 
Peut-être que les élections suivant le modèle américain et la « démocratie bourgeoise » n’offrent pas à Haïti les réponses qu’elle cherche ?
 
« 23 ans se sont écoulés depuis le départ de la dictature des Duvalier, et ce sont 23 ans d’instabilité politique. Et même si la conférence de New York (31 mars), même si les bailleurs de fonds ont promis des milliards à Haïti, tant que nous n’avons pas cette stabilité nous ne pourrons pas développer le pays », a déclaré Préval aux journalistes au cours du mois d’Avril de cette année.
 
Mais Préval s’est pratiquement contredit. Ces 23 ans de « démocratie » n’ont toujours pas conduit à la stabilité et au « développement ». Les élections de 2010 produiront=-elles un résultat différent ?
 
Selon Rémy la société capitaliste est vouée à l’échec et ne peut apporter que le malheur au peuple haïtien. Il se dit prêt comme, beaucoup d’individus et d’organisations, à appuyer des élections dans le cadre d’une démocratie « réelle » ou une « démocratie populaire ». Pour lui le plus important ce n’est pas seulement le type d’élections ou la qualité des représentants politiques, mais la nécessité de « restructurer la société haïtienne ».
 
Les élections du 28 novembre auront lieu en dépit de la méfiance de Rémy et de celles de plusieurs organisations populaires et paysannes, ainsi que d’un ensemble de partis politiques et d’acteurs nationaux et internationaux.
 
Cependant, quels que soient les élus, ils auront à faire face à de grands défis- sans doute les plus grands auxquels le peuple haïtien aura à répondre depuis 1804. Outre une économie en crise qui- comme l’a dit Remy- ne peut offrir rien de plus que ce qu’elle est en train de fournir- la réalité d’Haiti est marquée par :
 
-  une capitale en ruine,
 
-  plus d’un million de personnes qui vivent pratiquement dans les rues, sous des tentes et sans logement, plus de 10 mois après le séisme,
 
-  une situation sanitaire très précaire au moment où une épidémie de choléra frappe sévèrement l’ensemble des régions d’Haiti,
 
-  plusieurs millions de personnes qui ont besoin de vrais emplois et non de « cash for work », en plus,
 
-  L’omniprésence d’une série d’acteurs étrangers et d’organisations non gouvernementales qui œuvrent sur le terrain suivant leurs propres intérêts.
 
Ces défis, entre autres, conditionnent fortement l’avenir d’Haiti. [akj apr 26/11/2010 14:00]
 
- * « Ayiti Kale Je » (http://www.ayitikaleje.org/) est une initiative de partenariat médiatique en vue d’assurer des investigations journalistiques sur la reconstruction d’Haïti suite au séisme dévastateur qui a frappé le pays et fait 300.000 morts et autant de blessés.
 
Le Groupe Médialternatif est un des partenaires de cette initiative, à travers son agence multimédia AlterPresse (http://www.alterpresse.org/), avec la Société pour l’Animation de la Communication Sociale (SAKS - http://www.saks-haiti.org/). Deux réseaux participent également : le Réseau des Femmes Animatrices des Radios Communautaires Haïtiennes (REFRAKA) et l’Association des Médias Communautaires Haïtiens (AMEKA), qui est composé de stations de radios communautaires à travers le pays.
 
https://www.alainet.org/es/node/145876
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