Création d’un réseau sud-américain de défense des migrant(e)s, des réfugié(e)s et des déplacé(e)s

19/08/2002
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La Première Rencontre Sud-américaine de la Société Civile sur les Migrations, qui s’est tenue à Quito du 14 au 16 août, s’est conclue par la création d’un réseau qui travaillera pour les droits des migrant(e)s, des réfugié(e)s et des déplacé(e)s. Le réseau, qui se constitue en un espace de dialogue, d’articulation et de renforcement des secteurs de la société civile qui travaillent autour du thème de la migration, est composé de 75 organisations de 14 pays. Les représentant(e)s de la société civile ont analysé durant trois jours la situation des personnes qui vivent en dehors de leur pays d’origine, ainsi que les politiques migratoires et les accords bilatéraux signés par les gouvernements. Finalement, ils ont établis une liste de demandes et de propositions pour les gouvernements, la société civile, les organismes financiers internationaux et les médias. Ces demandes ont été reprises dans la Déclaration de Quito : Migrations, Démocratie, Développement et Droits Humains, qui permet d’aborder la question migratoire dans une perspective large et en relation, non seulement avec les questions économiques et juridiques, mais aussi avec la démocratie, le respect de la diversité culturelle et les droits humains. La Déclaration de Quito a été présentée aux vice-ministres des Affaires étrangères sud-américains qui se sont réunis aux mêmes dates dans la capitale équatorienne, pour la IIIè Conférence Sud-américaine sur les Migrations. Le document élaboré par les représentants d’organisations de droits humains, de l’église, de familles de migrants et de centres académiques, insiste pour que les gouvernements sud-américains ratifient et intègrent dans leur législation nationale les traités internationaux de protection des migrant(e)s, des réfugié(e)s, des déplacé(e)s, de ceux et celles qui reviennent et de leurs familles, en particulier la Convention Internationale sur la Protection des Droits de tous les Travailleurs Migrants et de leurs Familles. La nécessité de ce que les gouvernements garantissent la migration inter- régionale dans les pays de l’Amérique du Sud en autorisant la libre circulation des migrant(e)s et de leurs familles, est une autre proposition inclue dans la Déclaration de Quito. Cet aspect était également à l’ordre du jour des gouvernements sud-américains et ils y travaillent. Cependant, il s’agit d’une question qui n’est pas facile à aborder puisqu’il faut aujourd’hui faire face à la réalité de milliers de déplacés et de déplacées du fait du conflit interne colombien. Selon les organisations de droits humains qui ont participé à la Rencontre de la Société Civile, il y a, en Colombie, environ mille déplacés par jour (un peu plus de 100.000 jusqu’en mars 2002, selon la Pastoral Social Colombiana). Beaucoup parmi eux passent les frontières quotidiennement -surtout celles de l’Equateur et du Venezuela- mais sans aucune protection ou sécurité que ce soit, et ils sont bien souvent l’objet d’une stigmatisation de la part des populations d’accueil. Ces thèmes et d’autres, relatifs au phénomène migratoire, continueront d’être débattus au sein du réseau sud-américain, dont les représentants se réuniront de nouveau l’année prochaine au Paraguay. Dans l’immédiat, le réseau Equateur a été désigné comme lieu de coordination et d’organisation de cette prochaine rencontre régionale. Convergences et différences entre gouvernements et société civile Les gouvernements et les représentants de la société civile sud- américaine ont été d’accord pour donner la priorité sur leurs ordres du jour au problème de la circulation des personnes et du respect des droits humains des populations migrantes. De plus, ils ont convenus de la nécessité d’harmoniser les législations des pays sud-américains en matière de migration. Le besoin de créer un observatoire sud-américain des migrations, qui promeuve l’élaboration de mécanismes d’information adéquats et un système de veille permanente, est un autre point en commun. Bien qu’il y ait convergence de vue sur de nombreux thèmes, beaucoup de représentants de la société civile se sont montrés critiques vis-à-vis de l’attitude des gouvernements sud-américains, car ils considèrent qu’il n’y a pas eu de volonté suffisante pour adopter des politiques publiques face à la question de la migration. C’est pourquoi la Déclaration de Quito signale que, malgré les résolutions adoptées lors de la IIè Conférence Sud-américaine sur les Migrations, il y a un an, les avancées vers le respect de ces engagements ont été très lentes. De la même façon, ceux qui ont participé à la Première Rencontre de la Société Civile sur les Migrations ont mis en question le fait que la société civile soit exclue des rencontres officielles qui analysent le phénomène migratoire, et ont demandé la création d’espaces de rencontre entre les gouvernements et les organisations non gouvernementales. Pour sa part, la Déclaration Finale des gouvernements reconnaît la participation des institutions religieuses et des ONG sud-américaines et propose d’inviter leurs représentants à la prochaine réunion des vice- ministres des Affaires étrangères qui se tiendra en 2003 en Uruguay. Pour des représentants comme Jorge Rojas, de la Consultation pour les Droits humains et le Déplacement, de Colombie, la vision qu’ont les gouvernements sur la question des migrations est, dans de nombreux cas, radicalement opposée à celle que défendent les représentant(e)s de la société civile. Rojas explique que les gouvernements essayent d’administrer de façon bureaucratique ce qu’ils considèrent comme un problème, alors que la société civile persiste à voir les migrant(e)s non seulement comme sujets de droit, mais aussi comme participants des processus de construction de la richesse sociale, culturelle et économique. De même, les représentants de la société civile ont mis l’accent sur l’analyse des causes de la migration et ont fortement mis en question les modèles de développement économique adoptés par les gouvernements sud- américains, modèles qui ont accru la pauvreté, la discrimination et la violence et par là ont forcé de nombreuses personnes à quitter leur pays. La Déclaration de Quito relève que le Plan Colombie a provoqué la militarisation des frontières de nombreux pays voisins et a augmenté le nombre de déplacés. Les initiatives pour créer une Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA) ont également été mises en question en considérant qu’à la mettre en place « on court le risque de générer un plus grand appauvrissement et d’accentuer l’inégalité entre classes sociales ». De leur côté, les gouvernements sont plus brefs pour identifier et analyser les causes de la migration ; ils se contentent de souligner qu’il existe une corrélation entre pauvreté et mobilité migratoire. Le fait que les politiques migratoires des Etats-Unis et de l’Union Européenne se durcissent, surtout depuis les événements du 11 septembre et les accords du Sommet de Séville en juin dernier, est un thème qui a été discuté aussi bien dans la Rencontre de la Société Civile que dans le Sommet des vice-ministres. Les gouvernements et la société civile s’accordent sur le fait que ces politiques restrictives ont pour conséquence l’augmentation des flux migratoires illégaux et le développement par des groupes sans scrupules du trafic d’hommes et de femmes migrants. Face à cette réalité, les gouvernements sud-américains ont reconnu le caractère indispensable d’une co-responsabilité de la migration entre les pays d’origine et les pays de destination ; la responsabilité partagée dans la lutte contre le trafic de personnes et la responsabilité internationale face au phénomène des réfugiés. La réalité migratoire en Amérique Latine On estime que quelques dix millions d’hommes et de femmes d’Amérique Latine vivent hors de leur pays de naissance. La plus grande partie émigre vers les Etats-Unis. La migration inter-régionale est moindre et, bien qu’elle ait baissé encore plus ces dernières années du fait de la crise à laquelle est confrontée la région, on peut dire que jusqu’aux années 90, l’Argentine était le pays qui recevait le plus grand nombre d’immigrant(e)s latino-américain(e)s, alors que le Pérou, la Bolivie et la Colombie étaient les pays les plus « expulseurs » de population. Aujourd’hui, quelques quinze millions de migrants d’origine hispanique vivent aux Etats-Unis ; auxquels s’ajoutent plusieurs millions de migrants « sans papiers », principalement mexicains. Pour Amy Gottlieb, de l’American Friend Service Comitee (AFSC), une ONG nord-américaine, il existe bien aux Etats-Unis des problèmes de préjudice envers les migrant(e)s latino-américain(e)s, bien qu’il fasse observer qu’il s’agit d’un problème difficile à résoudre pour autant « qu’on ne peut légiférer sur l’amour du prochain ». Gottlieb, qui a participé à la rencontre de la société civile, signale que le contexte migratoire aux Etats-Unis a changé depuis le 11 septembre, mais il explique que les changements ont eu lieu non pas du fait de nouvelles lois, mais du fait de lois déjà existantes qui n’étaient pas appliquées jusqu’alors. Par exemple, il fait état d’une loi qui date de 50 ans et qui exige des étranger(e)s qu’ils signalent tout changement de domicile dans un délai de 10 jours. Cette loi qui n’était pas appliquée est aujourd’hui mise en pratique avec l’avertissement que tout étranger qui y déroge court le risque d’être expulsé, y compris ceux qui sont en situation régulière. Traduit de l’espagnol par ALAI.
https://www.alainet.org/pt/node/106297
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