Une année de bouleversements politiques, sur fond de méfiance

26/12/2014
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P-au-P, 26 déc. 2014 [AlterPresse] --- La mise en place d’un Conseil électoral provisoire (Cep) non consensuel, la signature (le vendredi 14 mars 2014) d’un accord (à l’hôtel El Rancho) controversé, le retard enregistré dans le vote de l’amendement à la loi électorale et les consultations politiques ont contribué à créer, au cours de l’année 2014, une situation tendue, observe l’agence en ligne AlterPresse.
 
Les tergiversations du président Joseph Michel Martelly d’organiser les élections législatives partielles, municipales et locales dans le pays ont entraîné des bouleversements politiques, débouchant sur l’indignation et la méfiance des secteurs de l’opposition face à son pouvoir.
 
Pourtant, devant l’Assemblée nationale, à l’occasion de l’ouverture de la première session ordinaire annuelle du parlement, le lundi 13 janvier 2014, Martelly s’est donné comme objectif de faire des élections l’une de ses priorités pour l’année 2014.
 
Ces élections concernent 20 sénateurs, 112 députés, 140 maires, 570 Conseils d’administration des sections communales (Casec) et 570 Assemblées de sections communales (Asec).
 
L’accord El Rancho, un document controversé
 
Après plusieurs turbulences, des partis politiques, l’exécutif et le parlement ont décidé, en mars 2014, de reprendre la table des négociations, en vue d’une issue à la crise pré-électorale.
 
Déjà, plusieurs partis politiques, dont Fanmi Lavalas, Fusion des sociaux démocrates, Kontra pèp et le Mouvement patriotique de l’opposition démocratique (Mopod) soit ont boudé, soit se sont retirés dans ce « dialogue inter haïtien ».
 
Les protagonistes, impliqués dans le dialogue, ont procédé à la signature, avec certaines modifications et réserves, du document final dénommé « protocole d’accord El Rancho », le vendredi 14 mars 2014, annonçant le cap vers les élections pour le dimanche 26 octobre 2014.
 
La mise en application, arbitraire, des exigences formulées dans le document, comme la formation d’un Conseil électoral provisoire (Cep) et d’un gouvernement d’ouverture, a soulevé la colère de plusieurs sénateurs et responsables de partis d’opposition.
 
Un Cep vicié à la base
 
Par arrêté en date du 6 mai 2014, l’exécutif a procédé à la création de ce nouveau Cep, conformément à l’accord d’El Rancho, faisant fi de l’avis du sénat de la république, qui préconise la formation d’un organisme électoral provisoire, suivant les règles de la Constitution.
 
Selon l’accord du 14 mars, le Collège transitoire du conseil électoral permanent (Ctcep), fruit d’une précédente entente entre exécutif et législatif, a été transformé en Conseil électoral provisoire, avec possibilité de changer certains membres.
 
Ce nouveau Cep constitué a connu, tour à tour, divers changements au sein de ses membres.
 
Frizto Canton, choisi par l’exécutif, dans un premier temps, a été remplacé par Emmanuel Ménard, suivi de Max Mathurin.
 
Après la constitution du Cep, les 6 sénateurs de l’opposition ont continué de manifester leur refus de voter les amendements à la loi électorale, sans la prise en compte de l’application de l’article 289 de la Constitution, afin de former un nouveau Conseil électoral crédible et honnête.
 
L’exécutif ne cille pas.
 
L’amendement à la loi électorale, un point litigieux
 
La chambre des députés, regorgeant de partisans pro-Martelly, n’a pas hésité à accorder, le mardi 1er avril 2014, un vote favorable à l’amendement de cette loi.
 
A maintes fois, le Palais national a brandi la possibilité d’organiser les élections sans cet amendement, en attente de sanction au sénat de la république.
 
Fin septembre 2014, Martelly a décidé de lancer une série de consultations, auprès de partis politiques et membres de la société civile, autour de la crise pré-électorale qui perdure.
 
Les sénateurs John Joël Joseph, Jean William Jeanty, Jean Baptiste Bien-Aîmé et Pierre Francky Exius, membres du groupe des six de l’opposition, après plusieurs réticences, ont rencontré Martelly, le vendredi 3 octobre 2014, dans le cadre de ces consultations.
 
Lors de cette rencontre, les quatre sénateurs ont conseillé à Martelly d’entreprendre des négociations, au lieu de consultations, avec les six entités politiques.
 
Deux sénateurs du groupe des six, Westner Polycarpe et Jean-Charles Moïse, n’ayant pas pris part à la réunion avec Martelly, ont fustigé la volonté exprimée par ce dernier de diriger le pays par décrets, après la date d’échéance du mandat de parlementaires, qui rendrait le parlement dysfonctionnel, en janvier 2015.
 
Un spectre qui fait frémir plus d’un.
 
Le lundi 13 octobre 2014, les partis politiques de l’opposition, favorables à des négociations avec le pouvoir, ont boudé une réunion avec l’exécutif, parce que celui-ci ne veut pas transiger sur ses consultations.
 
Dans ce contexte, mêlé d’imbroglio et de mésentente, des adversaires politiques jurés du pouvoir en place ont annoncé la reprise de la mobilisation de rue pour obtenir la démission de Martelly.
 
Cascade de manifestations et arrestations arbitraires
 
A l’occasion du 208e anniversaire, le vendredi 17 octobre 2014, de l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, fondateur de la nation haïtienne, une manifestation de l’opposition - organisée par le Mouvement patriotique de l’opposition démocratique (Mopod) et la force patriotique pour le respect de la Constitution (Foparc) - a été violemment dispersée par des tirs nourris de la police et à coup de gaz lacrymogènes à Delmas (périphérie nord-est).
 
La mobilisation exigeait la démission de toute l’équipe au pouvoir pour sa mauvaise gestion du pays.
 
Plusieurs personnes sont blessées et plus d’une vingtaine de manifestants arrêtés et ensuite emprisonnés : tel est le bilan de la manifestation.
 
Le dimanche 26 octobre 2014, qui devrait être jour de scrutins, une nouvelle mobilisation est enclenchée.
 
Les responsables de la Foparc, Byron Odigé et Rony Timothée, sont arrêtés.
 
Ils ont été écroués à la prison civile de Carrefour, puis transférés au pénitencier national et ensuite libérés le jeudi 11 décembre 2014, suite à la mise en application des recommandations d’un rapport de la commission consultative présidentielle, pour la recherche d’une solution à la crise politique qui secoue le pays.
 
Le rapport de la commission consultative présidentielle
 
Ce rapport, contenant les recommandations de la Commission consultative présidentielle, a été remis officiellement au président Martelly, dans la soirée du mardi 9 décembre 2014.
 
Le document de la commission appelle, entre autres, à la démission du gouvernement de Laurent Lamothe, la formation d’un nouveau Conseil électoral provisoire (Cep), la démission du président du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (Cspj), Anel Alexis Joseph, la libération de tous les prisonniers politiques et une trêve entre l’opposition et Martelly.
 
Seulement deux des 40 prisonniers politiques sont encore en prison.
 
Formée, le vendredi 28 novembre 2014, de 11 membres et investie le lundi 1er décembre 2014, cette commission a eu pour objectif de faire des propositions de synthèse des recommandations, issues des consultations « présidentielles » sectorielles, conduites du lundi 22 septembre au lundi 24 novembre 2014 par le président Joseph Michel Martelly.
 
Mobilisation, tractations et incertitudes
 
Après la libération des prisonniers politiques et la démission du premier ministre, Laurent Salvador Lamothe, dans la nuit du samedi 13 au dimanche 14 décembre 2014, comme l’exige le rapport, l’opposition continue d’appeler à la mobilisation contre Martelly et à des élections générales anticipées, seule issue, dit-elle, au blocage du pays.
 
Le parlement devrait être convoqué, à l’extraordinaire par l’exécutif, en vue de la ratification, en chambres séparées, d’un nouveau premier ministre et d’un nouveau plan de politique générale pour 2015.
 
Dans ce contexte de tractations politiques et d’incertitudes, Haïti aura-t-elle la chance de démarrer sur une nouvelle voie plus stable ?
 
Ne devrait-on pas craindre des pages d’histoire encore plus troubles, comme celles d’aujourd’hui ou celles annoncées à la fin du mandat du parlement en janvier 2015, faute de la non-réalisation des élections haïtiennes en retard depuis 2011 ?
 
26 décembre 2014
 
https://www.alainet.org/fr/active/79864
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