Budget : Un document « maladroit », bourré d’anomalies et déconnecté des priorités nationales pour l’exercice 2013-2014 ?

27/08/2013
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« Budget criminel », « document maladroit », « budget truffé d’anomalies », « budget anti-national »... les qualificatifs et étiquettes pleuvent de tous les secteurs pour parler de la loi de finances 2013-2014, que l’actuel gouvernement a soumise au vote du parlement.
 
Parlementaires, militants politiques et économistes trouvent « incohérente » la thèse de l’austérité, soutenue par les autorités et manifestée par un budget, dans lequel des dépenses courantes du secteur politique du gouvernement ont augmenté jusqu’à 157% par rapport à l’exercice précédent (2012-2013).
 
Au cas où la loi des finances, pour le prochain exercice, est sanctionnée dans les mêmes termes par les deux chambres du parlement, le budget de fonctionnement du ministère de l’économie et des finances (Mef) passerait de 41 à 90 millions de gourdes (US $ 1.00 = 44.00 gourdes ; 1 euro = 60.00 gourdes aujourd’hui).
 
Dans cette perspective, les ministères de la justice et de l’intérieur verraient leurs dépenses courantes augmenter respectivement de 156% et de 157%.
 
Dans la foulée, le titulaire du ministère de l’économie et des finances, Wilson Laleau - qui ne connait pas le montant du per diem des voyages du président Joseph Michel Martelly - propose des augmentations de 99% du budget de la présidence et de 150% de celui du bureau du premier ministre.
 
C’est cette loi de finances que les députés ont déjà ratifiée, dès la première lecture, le 7 juin 2013.
 
Convoqué, le 20 août 2013, par la commission économie et finances du sénat de la république, Laleau (professeur et ancien vice-recteur d’université) n’a pas su convaincre les sénateurs de « ses propositions », qui seraient « de nature à changer la donne en matière économique et sociale en Haïti ».
 
Le budget, soumis au pouvoir législatif, s’élève à 126, 4 milliards de gourdes, réparties en : 46,26 milliards pour le fonctionnement ; 77, 48 de dépenses d’investissement et 2,65 pour l’amortissement de la dette publique.
 
Après l’audition, il apparait que les convictions des sénateurs sont formées sur le budget, jugé « criminel » par le sénateur Steven Benoit.
 
Les sénateurs comptent retourner à l’exécutif le projet de loi de finances 2013-2014.
 
Le sénateur Jocelerme Privert (autrefois principal dirigeant de la direction générale des impôts / Dgi) a déjà dénoncé la tendance de ce budget à instituer de nouveaux impôts et à modifier des lois fiscales, sans passer par les procédures régulières.
 
Là ou les yeux du ministre Laleau semblent indiquer « cohérence », le professeur Camille Charlmers, de la plateforme de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda), lui, n’y voit « dans ce document maladroit, aucune relation claire avec une vison de développement d’un pays ».
 
Budget, priorités gouvernementales, priorités nationales… « patrimonialisme »
 
Martelly a décrété 2013 « année de l’environnement ».
 
De surcroit, l’environnement est l’un des 5 E de son slogan-programme, à savoir « Éducation, Environnement, État de Droit, Énergie, Emploi ».
 
Or, il est surprenant de constater que la proposition de budget du gouvernement n’accorde que 1.34% au ministère de l’environnement, relève, dépité, le professeur Charlmers.
 
Diminué, le budget du ministère de l’agriculture n’obtiendrait qu’un infime 5.7 %.
 
Alors que le budget de l’exercice précédent a réprimé, fiscalement, la classe moyenne, le prochain budget s’attaquerait, maintenant, aux paysans, tout en protégeant les riches, souligne le sénateur Jean-Charles Moïse.
 
Économiste politique, Charlmers n’est pas loin dans cette compréhension du budget comme médiation de la lutte des classes, quand il dénonce « les choix irrationnels de l’État, l’utilisation « patrimonialiste » des ressources du pays au profit de l’oligarchie ».
 
Le directeur exécutif de la plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda) prend, en exemple, les 800 millions de gourdes consacrées à l’achat de lampadaires solaires, alors que rien ne garantit que ce soit une solution durable.
 
Le ministère des travaux publics devrait obtenir 26, 3 milliards de gourdes, soit 20.8%, tandis que le ministère de l’éducation nationale et celui de l’économie et des finances recevraient respectivement 16,1 et 11,7 milliards de gourdes, selon la proposition de loi de finances 2013-2014.
 
Budget anti-constitutionnel ?
 
Oui, répond Camille Charlmers, puisque ce sont les organes centraux de l’État qui l’ont élaboré. Ce qui est contraire à l’esprit de la Constitution de 1987.
 
« Démarche inappropriée », tance Charlmers, car, selon les prescrits constitutionnels, les priorités budgétaires se définissent d’abord et avant tout au niveau des collectivités territoriales.
 
Taxes et impôts pour la paupérisation ?
 
Même s’il faut consentir que la perception fiscale soit faible par rapport au produit intérieur brut (Pib) du pays, la répression fiscale - sans égard à la différenciation de classe - est inadmissible, estime l’économiste.
 
Les impôts et les taxes, prévus dans cette proposition de budget, toucheraient alors toutes les classes sociales, sans tenir compte du niveau des revenus.
 
La conséquence serait, sans doute, « la paupérisation des classes déjà appauvries », anticipe Chalmers.
 
A une conférence de presse, le mercredi 21 août 2013, le secrétaire d’État à la réforme fiscale, Ronald Gray Décembre, explique que le passeport valide pour 5 ans continuera d’exister.
 
Mais, le droit de passeport passerait tout de même de 1,600.00 gourdes à 3,500.00 gourdes.
 
« Certains industriels et hommes/femmes d’affaires voyagent souvent. Pour leur faciliter la tâche, nous offrons le passeport valide pour 10 ans, dont le nombre de pages pourra même être le triple de celui de 5 ans », affirme Décembre.
 
A son avis, cette catégorie de personnes - « voyageant en première classe » généralement - peut se le payer à 10,000.00 gourdes.
 
Permis de conduire, tarifs douaniers, taxes d’abattage des animaux, pièces de rechange de véhicules ... tout risque d’être doublé, voire triplé, selon la loi de finances proposée.
 
Avec toutes ces critiques de la proposition budgétaire et tenant compte de la prestation peu convaincante, au sénat, de l’ancien professeur d’université, Wilson Laleau, devenu ministre, faudrait-il encore soutenir que c’est « un projet de budget de combat au service du développement, de la réduction de la pauvreté » ?
 
Le va-et-vient du projet de budget, entre l’exécutif et le législatif, promet de l’intensité !
 
Entre-temps, l’horloge du délai constitutionnel s’égrène…et on s’achemine, peut-être, vers une reconduction du budget 2012-2013.
 
Le lundi 9 septembre 2013, les députés partent en vacances pour revenir seulement le deuxième lundi de janvier 2014, sauf sur convocation extraordinaire de la présidence.
 
 
https://www.alainet.org/fr/active/66803
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