Guyane : De la réhabilitation du militant indépendantiste et de la légitimité de son combat
22/02/2012
- Opinión
Du moyen âge à l’Empire et aujourd’hui au sein de la République les défenseurs, Souverains ou Élus, des grands intérêts de la Nation n’ont eût de cesse de confisquer des territoires hors de leur frontières métaphysiques aux moyens des artifices juridico-administratifs que nous connaissons eût égard à la toute dernière assimilation par la France de l’île de Mayotte comme « 101ème département » le 29 mars 2009 sous des prétextes humanitaires dans un premier temps puis comme Région Ultrapériphérique (RUP) de l’Europe dès le mois de juin dans un deuxième temps.
Au vu de la violation du droit international (vertement contestée par l’ONU compte tenu de sa Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale du 14 décembre 1960) que constitue cette tentative d’extension du territoire français, la Commission Européenne n’approuvera probablement pas, à l’unanimité requise pour « rupéîser » Mayotte, cette façon de procéder.
Observons cependant dans la même veine plus récente encore la revendication de la souveraineté des Îles Malouines par l’Argentine une nouvelle fois aux prises avec la City. En effet la donne à bien changée en Amérique du Sud, Centrale et dans la Caraïbe. Le MERCOSUR, le CELAC, et l’ALBA viennent de faire bloc avec Buenos-Aires.
In-memorum la prétendue consultation organisée par N. Sarkozy actuel Chef de l’État français les 10 et 24 janvier 2010 en Guyane. Les deux questions posées par le « referendum » aux électeurs de bonne foi restaient jalousement encadrées dans le bloc de la constitutionnalité. In fine cette consultation tournait le dos à toute autre forme d’évolution légitime. La 4ème Commission principale de l’ONU, émanant du Département des politiques spéciales et de la décolonisation a érigé dès 1961 le Comité Spécial de la décolonisation de l’Assemblée Générale, appelé Comité spécial des 24. Ces 24 États détenant le pouvoir de recevoir et d’inscrire les demandes formulées par des pays sous tutelle d’une puissance administrative et de mettre à jour la liste actuelle des 16 pays toujours listés actuellement comme territoires non-autonome dont la Nouvelle Calédonie, ne joueraient-ils plus leur rôle ?
Qu’en est-il des autres pays sous autorité française tels que la Polynésie, la Réunion, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane qui ne se sont jamais encore prononcés dans un cadre international ? À considérer la déclaration de 1970 de l’Assemblée Générale stipulant que l’émergence de toute forme de statut politique, dès lors qu’il a été librement choisi peut aussi bien être pris comme un exemple de mise en oeuvre du droit des peuples à s’autodéterminer, l’ONU ne renonce-t-elle pas à lutter contre le colonialisme dans un contexte de domination de fait, ouvrant ainsi plus large encore le champ de ce fléau qu’elle s’est pourtant promis d’éradiquer en entrant aujourd’hui dans sa troisième décennie 2011-2020 vouée à la disparition de ce phénomène ?
La prévalence d’en sortir n’incombe pas à la supériorité d’un ordre biologique. Eût égard à l’ethnocentrisme affiché du ministre français de l’intérieur à l’Assemblée Nationale ces derniers jours on peut s’interroger sur les tentations du pouvoir à liquider les contestations sous toutes leur formes et notamment humaine, nous en voulons pour preuve la tentative d’assassinat en bande organisée dont Raymond Charlotte, militant indépendantiste de 1974 à nos jours (Cofondateur de l’Organisation Guyanaise des Droits Humains, OGDH), altermondiste, a fait l’objet dans la nuit du 6 au 7 juin dernier à son domicile à Cayenne par un commando de quatre personnes cagoulées et portant une combinaison identique. Il était 23h lorsque l’ordre a été donné par un français : « achevez-le !».
Une citation directe portée par les avocats Me Leblanc Alex, Me Donzenac Louze, Me Guéril Serge et Me Sagne Marize du barreau de Cayenne, Me Briolin Raoul du barreau d’Evry a été déposé au doyen des juges d’instruction du tribunal de Cayenne. M. R. Charlotte s’est rapproché de la Communauté des États Latino-Américains et de la Caraïbes (CELAC), de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, du Centre brésilien de la solidarité envers les pauvres et de la lutte pour la paix (Cebrapaz), des syndicats CGTG Guadeloupe, CGT Montreuil, la Cgt/Air France, l’Union des Travailleurs Guyanais (UTG), l’USTKE Kanaky, d’autres contacts sont en cours. Le colonialisme n’a jamais été aboli, il a été légalisé sous un voile de démocratie, de département, de région et son effet talion est repoussé par le combat légitime des imbattables indépendantistes ! Quand la Guyane se lève elle s’approprie toutes ses richesses et ses royalties !
Appel à l’UTG, aux forces nationalistes et autres courants progressistes, à la société civile guyanaise, au monde universitaire, à la jeunesse à nous rejoindre pour l’inscription de la Guyane sur la liste de l’ONU des pays non-autonomes à décoloniser. Enfin retenons que la mission de l’ONU dans le texte de sa Charte est : « d’exhorter les Puissances administrantes à garantir et protéger les droits inaliénables des peuples des territoires non-autonomes sur leurs ressources naturelles et leurs terres »…
- Raymond Charlotte et Pierre Carpentier (membre de l’Institut du Tout-Monde).
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