Veille d’élections dans le Bas Plateau Central
05/02/2006
- Opinión
3.500.000 électeurs et électrices sont appelés aux urnes en Haiti ce 7 février 2006, pour élire un président, 30 sénateurs et 99 députés. Le processus électoral, initié depuis avril 2004, s’apprête donc à franchir une étape décisive, après un parcours semé de divers obstacles, qui ont occasionné plusieurs reports.
A la veille de ce scrutin, quelle situation règne à une centaine de kilomètres de Port-au-Prince, capitale d’un pays fortement centralisé ?
Les citoyennes et citoyens du bas Plateau Central (centre de l'Ile d'Haïti) se déclarent mobilisés pour élire, lors des élections du 7 février 2006, des dirigeants honnêtes capables de mettre le pays sur la voie du progrès et du développement durable, suivant les témoignages recueillis sur place par l'agence en ligne AlterPresse.
De Mirebalais (à 57 kilomètres au nord-est de Port-au-Prince) à Belladère (à 112 kilomètres de Port-au-Prince) en passant par Lascahobas (à 90 kilomètres de la capitale haïtienne), les habitants manifestent de l'enthousiasme à se rendre aux urnes.
« J'ai déjà retiré ma carte électorale. Quelle que la soit la distance qui me sépare de mon centre de vote, je vais aux urnes », rassure Jean Parfait (Ti Jean), un jeune sculpteur rencontré à Lascahobas par un reporter d'AlterPresse.
Ti Jean rejette l'idée d'échanger son vote contre un emploi ni contre une modique somme. Cependant, le jeune artiste demande aux candidates et candidats qui représenteront le département du Centre de défendre au nouveau parlement les intérêts communs de la population.
« Nous avons besoin de routes, de l'eau pour irriguer nos terres, de centres de santé. Nous ne devons pas croire que nos élus vont nous créer tous des emplois », indique Jean Parfait.
Richard Calixte, un agriculteur, annonce qu'il ira voter pour élire des parlementaires devant représenter convenablement le secteur paysan.
« Nous ne voulons ni de députés ni de sénateurs qui vont défendre leurs intérêts mesquins, nous avons besoin de parlementaires qui tiennent compte de la disparition de la production nationale », réclame Calixte qui soutient que de bonnes élections peuvent sortir Haïti de la grave situation dans laquelle la république se trouve.
Louis Cédieu, président du Bureau Electoral Communal (BEC)de Lascahobas, espère aussi que le prochain scrutin emmène au pouvoir des dirigeants honnêtes, compétents et dynamiques qui feront preuve de patriotisme et de responsabilité citoyenne pour redorer le blason du pays.
Cependant, toutes les dispositions ne sont pas tout-à-fait prises du côté des responsables du BEC de Lascahobas.
Le BEC fonctionne comme à l'ordinaire, les matériels nécessaires ne sont pas encore installés, un rationnement drastique de l'électricité se fait sentir.
« C'est au prix de grands sacrifices que nous arrivons à fonctionner ici. Tous les moyens nous manquent. Pas d'électricité, les matériels disponibles ne sont pas opérationnels. C'est la responsabilité citoyenne qui nous anime, qui nous pousse à nous engager dans ce processus électoral pour sortir Haïti du bourbier », déclare Cédieu à AlterPresse.
Sur le plan de la sécurité, le président du BEC de Lascahobas signale n'être en mesure de donner aucune garantie. Il envoie la balle dans le camp de la Mission de Stabilisation des Nations Unies en Haïti (MINUSTAH).
« Je crois que les autorités de tutelle ont déjà élaboré un plan national de sécurité. Il revient à la MINUSTAH de garantir le bon déroulement du scrutin », affirme le numéro 1 de ce BEC.
La commune de Lascahobas et ses sections environnantes disposent de 4 centres de vote répartis en 58 bureaux. Les paysans doivent parcourir plusieurs kilomètres pour aller remplir leur devoir civique, suivant les mécanismes adoptés par les autorités électorales.
« Les paysans sont plus que jamais déterminés à se rendre aux urnes, mais la distance qui les sépare des centres de vote pourrait diminuer leur participation à ces élections », craint le président du BEC.
Des habitants du Bas Plateau Central confient à AlterPresse que certains candidats ont promis d'assurer le transport des électrices et électeurs le jour du 7 février 2006. Ils annoncent qu'ils vont profiter de cette opportunité pour arriver à leur centre de vote.
« Cela ne veut pas dire que nous allons voter pour ces candidats », soulignent-ils.
Des forums et débats entre les paysans et des candidats aux différents postes ont eu lieu durant tout le processus électoral, d'octobre 2005 à février 2006. Ces assises portent toujours la marque d'organisations de la société civile haïtienne coiffées par des organismes non gouvernementaux internationaux, dont Oxfam et Action Aid.
Le Bas Plateau Central n'est pas touché par ces débats. Les paysans disent n'avoir jamais eu la chance, durant l'actuel processus électoral, de questionner un candidat sur son programme de développement pour le pays en général et pour sa communauté en particulier.
« En matière de développement, nous ne savons pas ce qu'ils envisagent pour le secteur paysan. Aucun candidat n'est venu nous écouter, seulement ils continuent à faire de beaux discours pour nous leurrer », critique un jeune rencontré à Belladère.
Dans cette ville frontalière avec Elias Pina de la République Dominicaine, l'agence en ligne AlterPresse s'est entretenue, sur le processus électoral de 2006, avec une dizaine de ressortissants Haïtiens, tout juste rapatriés par les autorités voisines d'Haïti.
Ces sans papiers haïtiens déclarent espérer « que les présidentielles et législatives du 7 février apportent des gouvernants qui vont créer des emplois pour empêcher les voyages massifs d'Haïtiens en territoire voisin à la recherche d'une vie meilleure ».
« J'ai ma carte d'identification nationale et je vais remplir mon devoir civique le jour du vote », revendique un rapatrié qui a été intercepté dans un taxi par les agents de l'immigration dominicaine.
Selon les informations disponibles sur le site Internet du Conseil Électoral Provisoire, environ 237,277 citoyennes et citoyens se sont inscrits sur le registre électoral dans le département du Centre. Ce nombre représente 6.71% de l'ensemble de l'électorat haïtien estimé à 3,5 millions d'électeurs (3, 535,025).
Dans la commune de Lascahobas, 22,142 personnes sont inscrites sur la liste électorale. La majeure partie de ces électrices et électeurs potentiels ont déjà retiré leur Carte d'Identification Nationale (CIN ou carte électorale), selon les précisions du président du BEC de cette ville.
Une note de presse, en date du 31 janvier 2006, du Bureau du Premier Ministre Gérard Latortue fait état de la remise de 200, 373 Cartes d'Identification Nationale dans le département du Centre. Au BEC de Lascahobas, AlterPresse a pu constater un ensemble de cartes électorales non encore récupérées.
Un employé de cette structure, qui s'exprimait sous couvert de l'anonymat, a précisé que le nombre de cartes remises dépasserait les 80 %.
Les élections présidentielles et législatives doivent se tenir dans les prochaines 48 heures, soit le mardi 7 février 2006. La fermeture de la campagne électorale est maintenue pour ce 5 février, conformément à l'article 145 du Décret Électoral.
Dans un communiqué daté du 25 janvier 2006, le CEP rappelle aux candidats, aux partis politiques et aux regroupements de partis que la propagande par voie de presse parlée, écrite ou télévisée ou par apposition de nouvelles affiches est formellement interdite le jour du scrutin et jusqu'à la proclamation des résultats.
Source: Alterpresse
https://www.alainet.org/fr/active/10547
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