Europe, Venezuela, Guatemala : Quel futur choisissons-nous ?

18/03/2014
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Il n’est pas nécessaire de sortir de l’Europe pour constater les ravages, les dévastations causées par le système politico-économique qui domine la planète, celui des multinationales, de la grande finance et des Etats prédateurs qui les soutiennent : disparition de milliers de petites et moyennes entreprises, augmentation continuelle du chômage, impossibilité pour les jeunes sans emploi de louer un logement et de fonder une famille, pauvreté et misère croissante, des dizaines de milliers de migrants ensevelis dans la Méditerranée. Les ravages se manifestent également dans la culture et les relations entre les personnes. Les liens de solidarité qui fondent une communauté nationale ou internationale se dissolvent et l’individualisme devient la façon habituelle d’affronter les problèmes. Une dépression de masse paralyse une grande partie des victimes de ce système dominant.
 
Toutefois il y a des personnes, des associations de base, des communautés, des mouvements alternatifs avec une culture du partage et de l’amitié et une vision politique centrée sur les personnes et les communautés humaines et non sur le profit. Ils sont encore minoritaires mais leur présence et leur influence grandissante permettent d’espérer un renversement de la dictature mondiale de l’argent.
 
Si nous allons en Amérique latine, l’horreur économique nous apparaît telle qu’elle est avec le visage de la mort. Il y a des Etats (Argentine, Cuba, Bolivie, Chili, Nicaragua, Uruguay, Venezuela) qui essayent de réduire les inégalités entre les citoyens et d’améliorer les conditions de vie surtout des plus pauvres. Ce n’est pas facile parce qu’il faut aller à contre-courant, c’est-à-dire contre la classe dominante, es multinationales, les intérêts des Etats-Unis C’est difficile de changer les mentalités, de vaincre les égoïsmes individuels et collectifs. Et il y a souvent des déviations, des comportements autoritaires, de la corruption parfois, un manque de rigueur qui attirent des critiques.
 
Le cas du Venezuela est emblématique. Contre le gouvernement de ce pays, on a déclenché une campagne médiatique diffamatoire en le présentant comme dictatorial et oppressif. Essayons de comprendre la situation.
 
Depuis qu’il y a 15 ans Hugo Chavez a été élu président, le parti qu’il a fondé a gagné 18 élections sur 19. Il jouit donc d’un vaste soutien populaire qui se manifeste aussi aujourd’hui dans les moments difficiles que passe le Venezuela.
 
Beaucoup d’associations populaires (entre autres la JOC du Venezuela et la JOC de toute l’Amérique) demandent notre soutien pour sauver leur pays : « Nous voulons dénoncer la guerre psychologique qu’ont lancé les grandes corporations de la communication dans le monde, ceux qui diffusent des images et vidéos sur prétendues répression policière et tortures du front aux manifestations « pacifiques » au Venezuela, nous voulons alerter que beaucoup de ces images sont faux. Nous dénonçons au gouvernement américain et au patronat international, avec ses alliés au Venezuela, qui sont en train de financier groupes fascistes au Venezuela pour promouvoir violence et confrontations qui génèrent morts et, de cette façon, justifier un coup d’État qui romps la démocratie au Venezuela et, en conséquence, affaiblir les gouvernements progressistes dans le continent. Nous voulons mettre en évidence que les faits, qui stimulent aujourd’hui l’oligarchie internationale au Venezuela, cherchent à répéter les coups d’État qui se sont faits au Venezuela en 2002, au Honduras en 2009, au Paraguay en 2012 et la tentative avortée en Equateur en 2010 ; tous face aux gouvernements démocratiques qui stimulent des transformations profondes en bénéfice des majorités populaires et qui promeuvent une indépendance et souveraineté face aux puissances impériales. Nous demandons la solidarité du mouvement international face à cette nouvelle tentative des puissances oligarchiques dans le monde de rompre avec le processus démocratique et participatif qui se vit au Venezuela, et les invitons à se manifester en répudiant ces événements et en faisant un appel à continuer la construction d’un pays en paix et solidarité en respectant les différences en démocratie.  De la même manière, nous exigeons à ces puissances de respecter l’autodétermination de nos peuples et cesser le financement de groups minoritaires et fascistes au Venezuela qui cherchent seulement à promouvoir la violence dans le pays », selon Jeunesse Ouvrière Chrétienne JOC Venezuela.
 
Le gouvernement bolivarien a mis en place une politique sociale surtout dans les secteurs de l’éducation, de la santé, du travail et des pensions. Le salaire minimum légal est, avec celui de l’Argentine, le plus élevé en Amérique Latine. Pour financer cette politique il utilise les bénéfices de l’industrie du pétrole qui auparavant étaient accaparés par les multinationales et la classe dominante locale. Le Venezuela a de vastes réserves de pétrole, à deux pas des Etats-Unis. On comprend donc la raison de ces attaques médiatiques qui préparent le terrain pour une intervention armée. Le scénario est connu depuis longtemps, il a déjà été décrit par La Fontaine dans sa fable « Le loup et l’agneau ». L’agresseur tente de se faire passer pour la victime. Comme on a déjà vu en Irak, les Etats-Unis essayent de nous faire croire qu’ils interviennent pour sauver la démocratie et les droits humains, alors que c’est uniquement le pétrole qui les intéresse.
 
Pour comprendre mieux ce qui se passe, une visite au Guatemala sera des plus utiles. Dans ce pays, de 1944 à 1954, les gouvernements, d’Arevalo et Arbenz ont mis en place une politique semblable à celle du gouvernement bolivarien au Venezuela. Ils ont dû nationaliser des milliers d’hectares incultes des grands propriétaires fonciers et de la multinationale des Etats-Unis, la « United Fruit Company » (celle qui produit la banane Chiquita). Les Etats-Unis ont ALORS financé, armé et entrainé la droite militaire qui en 1954 a renversé le gouvernement d’Arbenz. Par la suite ils ont soutenu les dictatures militaires qui se sont succédées dans ce pays jusqu’en 1986. Dans les années 80, ils ont collaboré avec l’armée guatémaltèque dans un des génocides les plus féroces de l’histoire récente. Plus de 200.000 personnes, en grande partie des Mayas et des paysans pauvres, ont été massacrés.
 
Maintenant au Guatemala, les multinationales ont les mains libres. Elles peuvent chasser des centaines de familles de leur terre. Du jour au lendemain, des villages entiers disparaissent. Les gens perdent leur maison, leur communauté. Ils n’ont plus de travail, ils n’ont plus rien. Les multinationales peuvent contaminer le sol et l’eau pour des centaines d’années et provoquer des dégâts incalculables à la santé. Certaines font appel à des bandes armées pour réprimer les protestations des communautés indigènes en assassinant souvent les leaders communautaires et en cas de nécessité ils demandent le renfort de la police et de l’armée. Ils accaparent les bénéfices en ne laissant que des miettes au Guatemala.
 
Même s’il le voulait, le gouvernement n’a pas les ressources nécessaires pour garantir à toute la population le droit à la santé, à l’éducation, au travail, à une pension suffisante.
 
Le président actuel, l’ex-général Otto Perez Molina, n’a pas réussi à maintenir la promesse qui lui a permis de gagner les élections de 2011, celle de rétablir l’ordre, d’éliminer en six mois la violence et la criminalité, problèmes qui sont communs à beaucoup d’autres pays. Pour atteindre cet objectif, il a augmenté de plusieurs milliers le nombre de policiers et utilisé l’armée pour des tâches policières. Malheureusement la criminalité a encore augmenté en 2013. Dans le classement des pays les plus violents au monde, le Guatemala figure toujours dans les dix premiers avec l’Irak et l’Afghanistan. Plus de dix personnes, en majorité des jeunes, sont assassinés chaque jour dans la seule capitale. Des dirigeants mayas, syndicaux, des défenseurs des droits de l’Homme sont assassinés ou dénoncés comme délinquants. Beaucoup de femmes sont violées et assassinées.
 
Il n’y a pas de politique sérieuse et les moyens de la réaliser pour faire respecter les droits des enfants et des jeunes. Il y a des gosses de dix, douze ans qui sont utilisés comme courriers de la drogue, percepteurs des extorsions ou tueurs à gage. Des bébés, fillettes et des garçons sont kidnappés pour des adoptions illégales, le trafic d’organes ou la prostitution. Beaucoup de jeunes n’étudient pas, ne travaillent pas, n’ont pas d’avenir. En réaction ils forment des bandes souvent violentes et utilisées par les narcotrafiquants et autres criminels.
 
L’impunité est la règle générale. La condamnation de Rios Montt, dictateur militaire le plus féroce, a été annulée par la Cour Constitutionnelle. Peu des criminels et militaires qui ont participé au génocide sont inquiétés par la justice, même si des juges courageux accomplissent leur tâche de façon exemplaire, comme le procureur général Claudia Paz y Paz.
 
Le général avait également promis d’éliminer la faim qui malheureusement a encore augmenté ainsi que la misère et le chômage.
 
Heureusement l’espérance n’est pas morte dans ce pays. Il y a beaucoup de personnes, d’associations, comme le mouvement des jeunes des rues (Mojoca), des communautés catholiques, évangéliques ou mayas qui n’acceptent pas la politique du gouvernement, des multinationales, des narcotrafiquants. Ils tentent de créer une vie différente, d’amitié, de partage, d’économie solidaire, de respect de la nature.
 
Nous sommes parfois tentés de limiter notre attention sur ce qui est négatif, sur les maux qui affligent l’humanité et nous risquons de nous décourager et de nous sentir impuissants. Mais si nous nous rendons compte qu’il y a des dizaines de milliers d’associations, de communautés, de mouvements dans le monde entier, y compris aux Etats-Unis, qui cherchent une alternative de vie au projet de mort du système dominant, nous reprenons courage et nous nous engageons pour le changement. C’est là, à la base, parmi les exclus qu’sont en train de naître des mutants, des femmes, des hommes, des sociétés nouvelles qui seront capables de sauver l’humanité.
 
 
- Gerard Lutte, ancien salésien de 85 ans, professeur de psychologie de l’enfance et de l’adolescence à Rome, se consacre depuis trente ans à l’étude théorique et empirique de l’adolescence tout en étant engagé dans un travail pratique avec les jeunes les plus marginalisés d’un bidonville et d’un quartier populaire de MoJóCa, Movimiento de Jóvenes de la Calle – Guatemala. Il collabore également avec des mouvements de jeunesse comme la Jeunesse Ouvrière Chrétienne Internationale et des communautés de jeunes marginalisés.
 
- Cristiano Morsolin, actuellement opérateur de réseaux internationaux pour les droits des enfants à Bogota. Educateur de rue à Palermo (Italie) dans les années 90.  Coordinateur des programmes sociaux pour lenfance de coopération internationale à Quito (Equateur), Lima (Pérou), Rio de Janeiro (Brésil) dans la dernière décennie. Auteur de notes et de livres sur les droits de l’homme et les mouvements sociaux en Amérique Latine.
https://www.alainet.org/pt/node/84073?language=es
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