La diversité, patrimoine universel
11/08/2002
- Opinión
L'humanité a toujours été diverse et plurielle. Les vies
de la planète n'ont jamais été réduites à nos seules vies
d'êtres humains, la planète a depuis toujours une origine
plurielle, diverse, multiculturelle, multiéthnique,
multilingue et, surtout, elle possède cette grande
biodiversité qui, pendant de longues années, n'a été
approchée que par les cultures millénaires, comme nous les
peuples indigènes, qui avons l'honneur de participer et
d'appartenir à ce système. Mais les lois naturelles ont
été violentées de plusieurs façons : par le pillage de la
richesse de la planète ou la surexploitation des pauvres
ou des biens des pauvres en général. C'est pour cela que
nous ne comprenons plus la dimension et la profondeur de
la diversité. Nous continuons d'être une minorité à parler
de la diversité, quand en réalité la diversité est
patrimoine universel.
Comment être acteurs de la diversité ? Il ne suffit pas de
dire « je suis différent ». Etre acteurs de la diversité
implique un effort pour créer des règles et des façons
d'agir différentes, et ces règles passent par notre
appropriation des valeurs collectives. C'est-à-dire que
non seulement les personnes liées à certaines valeurs
associées à la diversité peuvent être acteurs, mais tous
et toutes nous pouvons faire nôtres et défendre ces
valeurs, qui sont collectives. Entamer cette tâche
n'implique pas de perdre nos valeurs individuelles, au
contraire, nous allons les maintenir, mais toujours dans
le cadre d'un bien commun. Tout cela est très facile à
dire, mais dans la pratique tous les mouvements liés au
respect de la diversité ou à la demande de son respect
sont pleins de stéréotypes, et ces préjugés se retrouvent
non seulement dans les secteurs qui doivent prendre des
décisions, mais aussi dans ceux qu'on qualifie
d'alternatifs.
Il faut dire tout d'abord que, bien souvent, les secteurs
liés au pouvoir et à la prise de décision n'ont pas une
vision réelle du monde, mais une vision virtuelle. En
réalité, nous sommes des citoyens virtuels en ce début de
nouveau millénaire, parce que les stéréotypes veulent nous
obliger à être citoyens virtuels. La question est :
comment revenir à une citoyenneté réelle ?
Pour l'instant nous sommes confrontés à la destruction des
valeurs familiales, des valeurs collectives, au manque de
bon sens pour résoudre les problèmes. Notre logique est
bien souvent guidée par la légitimisation de nos actes et
l'application des normes imposées par le système, même si
nous devons pour cela abandonner notre dignité. Il semble
que les normes nous dominent et que nous devions entrer
dans le schéma préétabli. Ce schéma vient en grande part
des années passées, parce que les traces du colonialisme
n'ont pas disparu ; au contraire, tous les jours nous en
faisons l'expérience, et il ne s'agit pas d'un
colonialisme d'il y a 500 ou 600 ans, mais du colonialisme
d'aujourd'hui.
Pour rendre réelle la citoyenneté, nous devons commencer
par reconnaître que le monde réel est constitué de ces
80 % de la population la plus dépossédée. Et ces 80 % se
retrouvent dans les favellas, parmi les immigrant(e)s et
les chômeur(euse)s. Ils sont dans ces groupes qui
survivent au jour le jour dans le marché informel de
n'importe quel pays du monde. Si nous voulons construire
des propositions qui tiennent compte de ce monde réel,
elles doivent être plus en accord avec la réalité des
peuples.
Je vais maintenant aborder plus particulièrement la
question des peuples indigènes. Ces peuples ont souffert
la marginalisation, le génocide, la destruction, le
harcèlement, les préjugés. Aujourd'hui, ce que demandent
les peuples indigènes c'est la participation, mais une
participation dans une logique différente, parce que pour
nous la participation ne se réduit pas à la consultation
mais elle implique la possibilité de construire un agenda
commun. Cependant, ceci n'est pas accepté facilement. Ce
n'est pas accepté parce que nous ne reconnaissons pas la
diversité qui caractérise la population.
La solution peut être alors de construire des alternatives
qui passent par les alliances. Si je ne peux pas conclure
d'alliances, je pourrai sûrement faire une lutte héroïque,
mais ce sera une lutte inutile. La gauche latino-
américaine n'a pas toujours compris les peuples indigènes
et n'a pas fait d'eux ses alliés numéro un. Ce que je
propose c'est de réfléchir à un schéma beaucoup plus
participatif et pertinent culturellement et
historiquement. Il faut faire des propositions et des
plans de travail qui contribuent à la diversité qui
caractérise aujourd'hui l'Amérique Latine qui, pour être
le continent le plus riche de la planète, n'en est pas
moins le plus inégal, totalitaire et répressif.
Si nous voulons construire une véritable opposition, nous
devons revoir nos agendas. C'est une lutte que nous devons
mener, et la gauche doit s'emparer à nouveau des problèmes
sociaux et de la diversité. La diversité est une
alternative de paix et d'avenir, c'est dans ces termes que
nous, peuples indigènes, envisageons la lutte.
*Rigoberta Menchú Tum, guatémaltèque, leader indigène et
prix Nobel de la Paix.
Traduit de l'espagnol par ALAI.
https://www.alainet.org/pt/node/108214
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