Partis politiques et pouvoir
13/11/2011
- Opinión
« Partis politiques et pouvoir ». Quel intérêt cela présente-t-il d’aborder cette thématique ? Notre motivation n’est point liée à l’actualité médiatique qui, avec les affaires de valises et de financement occulte de partis politiques en France, interpelle quant aux relations troubles pouvant exister au sommet de la société. Notre préoccupation est davantage de porter un éclairage sur les enjeux fondamentaux du moment.
Quels sont ces enjeux ?
Nous assistons aujourd’hui, à l’échelle planétaire, à de grandes manœuvres visant à renforcer l’aliénation des êtres humains, à les asservir davantage pour perpétuer l’accaparement des richesses par des fractions minoritaires, celles qui exercent la réalité du pouvoir.
Après la chute du camp socialiste, les tenants de la pensée unique avaient garanti que la libre circulation des hommes, des biens et des capitaux ouvraient à la terre entière les portes de l’eldorado. Le réveil est brutal ! En moins de vingt ans, nous avons vu s’amplifier les inégalités, se renforcer les injustices, s’accentuer la précarité, s’étendre la pauvreté et se généraliser les atteintes aux libertés individuelles et collectives ainsi que le piétinement du droit à l’autodétermination des peuples.
Faute d’une fine compréhension des mécanismes qui conditionnent l’accession et le maintien au pouvoir dans toutes ses dimensions, c’est toute l’espèce humaine qui est vouée à la désagrégation.
La première question sur laquelle nous nous pencherons est la suivante : Qui détient réellement le pouvoir ?
Dans le cadre de la lutte contre la crise financière mondiale, on entend les gouvernements, notamment ceux de l’Union Européenne, annoncer des dizaines de plans et mesures, mais on constate que leurs efforts désespérés pour sauver le système restent stériles.
Les diverses institutions politiques aux commandes de la société sont essentiellement des émanations des partis politiques. On peut légitimement, dans ces conditions, se demander, si ces institutions et, donc, les partis politiques qui les contrôlent, ont un réel pouvoir d’action sur l’économie et plus généralement sur la société. Cette question en appelle immédiatement d’autres : Ce qu’il est convenu d’appeler « le marché » obéit-il à des lois incontrôlables ou, sinon, le pouvoir d’orienter celui-ci réside-t-il entre d’autres mains que celles des gouvernements ?
Observons la réalité :
- d’abord sur le plan financier, puisque c’est, actuellement, la préoccupation majeure du système. Dans tous les pays occidentaux, des législations ont été adoptées pour débarrasser les banques centrales du contrôle des Etats, et il n’existe absolument aucune possibilité de s’opposer à la liberté des détenteurs de capitaux de spéculer.
Elargissons notre questionnement à d’autres domaines :
- celui de la santé, par exemple : La puissance financière des laboratoires pharmaceutiques est telle que ce sont eux, en définitive qui décident de la politique sanitaire au niveau mondial. Le gouvernement Etats-Unien est-il en mesure de s’opposer aux laboratoires Pfizer-Wyeth qui pèsent 75 milliards de dollars. De quelle marge de manœuvres disposent les gouvernements pour lutter contre la violence et l’insécurité ? On sait la place dans l’économie des multinationales de l’armement qui, par ailleurs, contrôlent les médias, l’industrie du film et de la musique.et l’efficacité des lobbies du secteur qui financent les campagnes politiques.
Force est de constater que le monde a connu une mutation fondamentale en ce qui concerne sa gouvernance.
La souveraineté des Etats et le pouvoir détenu par leurs gouvernements, les compétences détenues par les élus sont, aujourd’hui et pour l’essentiel, passées entre les mains des instances supranationales. La puissance des détenteurs de capitaux est telle qu’elle s’est imposée à toutes les sphères de la société.
Cela s’explique par le fait que dans le même temps où la globalisation de l’économie se consolidait sur la planète, le capital financier spéculatif se détachait de l’économie réelle. L’argent étant le moteur premier de l’économie en système capitaliste, seul celui qui le détient peut exercer réellement le pouvoir.
Ainsi, le pouvoir des gouvernements est confisqué mais, plus grave, c’est l’initiative des élus censés incarner la souveraineté populaire, qui est balayée.
C’est Pierre RIMBERT qui, dans un article intitulé « Bâtisseurs de ruines » et paru dans la dernière parution de « Manière de voir », rappelait qu’en Août dernier, la Banque centrale Européenne demandait à Sylvio Berlusconi, comme condition d’une aide à l’Italie, qu’il agisse « par décret à application immédiate et non par projet de loi que le parlement met toujours trop de temps à étudier. »
Qui détient la réalité du pouvoir aujourd’hui ? Ce sont des organismes non élus, non soumis à l’autorité des gouvernements, mais qui, au contraire détiennent le pouvoir d’imposer à ceux-ci leurs directives. L’OMC en est la plus évidente illustration.
Nous ne nous attarderons même pas sur les sociétés secrètes internationales qui pilotent les plus grands «décideurs » de la planète. On pense au groupe Bilderberg !
Tout ce qui a été dit précédemment nous amène à nous questionner sur les rapports entre Partis politiques et pouvoir.
Peu de gens contestent sérieusement la thèse marxiste qui présente les partis politiques comme des organisations visant à défendre des intérêts de groupes sociaux ou de classes particulières. Si dans le cadre des Etats Nations cette réalité était évidente, l’évolution du système économique dont nous avons parlé plus haut, a forcément bouleversé les donnes. La puissance des maîtres réels de l’économie s’est répercutée sur la vie politique dans son ensemble. Ceux qui détiennent les capitaux
- achètent ou contrôlent les médias (l’exemple de Berlusconi est connu, mais c’est un mouvement général). L’opinion peut ainsi être manipulée sinon conditionnée.
- disposent d’immenses ressources financières obtenues légalement ou pas permettant de fausser les règles du jeu démocratique. (affaire des rétro-commissions).
Au final, les partis, d’instruments d’accession au pouvoir qu’ils étaient, ont de plus en plus de peine à être, volontairement ou pas, autre chose que des outils entre les mains de ceux qui détiennent effectivement le pouvoir.
Une autre dimension mérite d’être abordée. Elle concerne l’évolution interne des partis en tant qu’institution humaine. S’il est vrai que les différents partis sont généralement créés par des groupes d’individus ayant la même perception des réponses à porter face au développement de la cité, que ces réponses sont dictées par leurs intérêts de groupe ou leur situation sociale, il n’est pas moins vrai que tous les partis se présentant au public annonceront des objectifs d’intérêts commun donc pourront être rejoints par des gens aux intentions et intérêts divers, voir contradictoires. Une rapide vérification révélera à coup sûr que, dans la plupart des partis, peu de militants en connaissent vraiment les statuts, le règlement ou le programme précis, ce qui ne les empêche pas de les défendre mordicus.
Et puis il y a une donnée trop souvent sous-estimée : les partis réunissent des individus. Ceux-ci peuvent être convaincus, fidèles, ou au contraire, opportunistes et versatiles. Beaucoup désarçonnent par les changements spectaculaires que peuvent provoquer leur accession au pouvoir ou le changement de leurs conditions de vie !
Voila qui explique que l’homogénéité n’existe pas dans les partis politiques et que tous sont inévitablement secoués par des contradictions qui mènent à des changements d’orientation, à des siyak et autres scissions.
Nous en arrivons à notre conclusion :
La conception actuelle que nous avons des Partis politiques est née en occident. Elle a muri dans un type de société particulier dans un cadre historique donné. Elle ne peut être une réponse universelle et achevée garantissant l’exercice de la démocratie et de la souveraineté populaire.
Les mutations qui affectent la société sont profondes. Les défis sont nouveaux. Il nous appartient de nous interroger sur le profond fossé existant entre la population et les politiques, de tirer toutes les leçons de notre pratique et de repenser des formes nouvelles de structuration et de fonctionnement susceptibles de rassembler tous ceux qui ont réellement à cœur les valeurs de justice sociale, tous ceux qui sont conscient qu’il faut ramer ensemble pour empêcher le bateau de couler et atteindre le port où nous serons en sécurité.
- Alain Limery, Directeur de Coopérative agricole, Martinique, militant du CP de Fort-de-France. Intervention présentée a la Colloque «Pouvoir et démocratie », vendredi 11 novembre 2011, Salle de la Mutualité Fort-de-France, Martinique.
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