Deux ans d’une gouvernance marquée par des hésitations et un manque de crédibilité
25/05/2014
- Opinión
L’industrie de l'optique sur le marché international est dominée par la France, cependant, le gouvernement de François Hollande n'a pas voulu changer de lunettes pour voir de plus de près la réalité laissée par les dix années de gouvernement de droite. Certainement s'il avait changé de verres avant sa prise de fonction, il aurait sans doute effectué un inventaire et immédiatement, convoqué les représentants de la presse et de la société civile pour dire que face au cadre catastrophique des finances publiques laissé par les gouvernements précédents, ses promesses de campagne électorale seraient révisées. Dans la première semaine de son gouvernement, il aurait dû dire: Moi Président, je suis confronté à une illusion d’optique. Maintenant, que je vois plus clair je me rends compte de la réalité nationale, et je suis obligé de gouverner dans un état d’urgence, sinon, mon gouvernement ne sera pas en mesure de garantir le modèle social français. J’assume que je ne serai pas en mesure de remplir toutes les promesses faites aux français. Cependant, je ne manque pas de la volonté politique d'agir en conséquence face à un État en faillite.
Malheureusement, la vanité des hommes empêche parfois le politicien de dire qu'il avait tort, qu’il avait des doutes. Le philosophe allemand Nietzsche disait: « Les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges. ». C'est le grand dilemme lorsque les politiciens deviennent les acteurs de la gestion du pouvoir démocratique, surtout dans une situation où le quatrième pouvoir (le monde des médias) impose la démocratie de l'opinion. Beaucoup gouvernent en fonction des sondages d'opinion ou de la pression des médias.
Le goût de la victoire de la gauche socialiste est amer après ses deux ans de pouvoir. Le président François Hollande a dû avaler de travers sans pouvoir savourer la bonne cuisine française ... Laissant du côté les métaphores, au cours des deux années de gouvernement socialiste/écologique, le président a vu sa côte de popularité chuter de manière vertigineuse et est devenu aujourd'hui le président le plus impopulaire de la France républicaine. A force de marteler qu’il assumera toutes ses promesses sans prendre en compte le trou de la comptabilité publique, l’augmentation de la dette nationale laissée par les gouvernements de droite depuis dix ans, l’ampleur de la crise économique mondiale, il a fini par assumer les erreurs de gouvernance de Chirac et de Sarkozy, même en les critiquant. Par manque d’explications, de pédagogie politique M. Hollande n’a pas su diagnostiquer ni donner une réponse cohérente quant à sa manière de gouverner face à cette calamité nationale. Ni le président ni son premier ministre n'ont eu le courage politique de présenter un vrai diagnostic socio-économique de la France à l’opinion publique, cela aurait exigé une réorientation de ses promesses. Puis en concertation avec l’ensemble de son gouvernement, les principaux représentants des régions et des départements mettre en place un programme de gouvernance en définissant de nouvelles priorités pour faire face à un État en faillite.
Au lieu de cela, le président François Hollande a continué obstinément le martelage des promesses clés de son gouvernement, par exemple: faire baisser le chômage en 2013!
Face à un État défaillant, une Europe en crise, et une crise internationale sans précédent, cette promesse, même pour un économiste amateur, était intenable. Complètement dépendant d'une Union européenne régie par une majorité conservatrice, le capitaine ne pouvait pas naviguer à contre-courant ni résister au tsunami sans changer de cap. Il a donné l’image d’un pédalo en état de détresse incapable de demander du secours !
Le gouvernement a échoué dans sa promesse en 2013 d’inverser la courbe du chômage en France ; en Décembre il y avait une augmentation supplémentaire faisant passer le nombre record de chômeurs à plus de 3,3 millions. La réalité d'un chômage structurel met en jeu la crédibilité de la parole politique.
François Hollande semble ne pas se soucier de son impopularité et il assume son entêtement ; son gouvernement continuera à s’investir pour surmonter le chômage, cette persévérance à remplir sa promesse de lutter contre le chômage est louable, mais la recette fournie par le Dr Hollande n’a pas améliorée l’état de la santé de l’économie française. Il n’arrive pas même à convaincre l'aile gauche de son propre parti.
Il décide alors de faire une pirouette idéologique et s’assume comme social-libéral-démocrate, et propose une politique économique fondée sur l'offre, sa proposition n'est pas si différente de la gestion économique des gouvernements de droite.
Le président va alors proposer un «pacte de responsabilité » pour inciter les entreprises à embaucher des chômeurs, en leur donnant 30 milliards d’Euros et en diminuant les charges jusqu'en 2017. Compte tenu de la faible croissance économique, la prévision optimiste est d'environ 1% en 2014, les économistes restent prudents ... Selon l'INSEE, l'Institut de la statistique, le taux de chômage est actuellement de 10,5% et devrait continuer à augmenter à 10,6% à la fin de Juin.
Il était déjà impopulaire auprès de l’électorat de droite mais avec cette politique de l’offre qui favorise le monde des affaires, l'économie financière, le gouvernement vit aujourd'hui une «débâcle» politique parmi les couches populaires qui ont désertées les urnes pendant les élections municipales. C’est pourquoi le parti socialiste va souffrir sa plus grande défaite lors des élections municipales de mars. Pendant des décennies, le Parti Socialiste a tenu la majorité des municipalités en France.
Ce faisant, une seule promesse a été fatale pour détruire l'image du président devant l’opinion publique. La presse a commencé à marteler que François Hollande était un homme politique sans fermeté, qui a gouverné ces deux ans dans l'improvisation, et qu’il n’avait aucun leadership auprès de ses ministres. L'hésitation était évidente, ses ministres ont créés des couacs en permanence. Dans chaque intervention dans la presse, sur les plateaux des télévisions, les journalistes ont été pugnaces avec les ministres et ont toujours cherché à mettre en avant leurs contradictions politiques. Ce sera aussi le retour du journalisme français. Les journalistes ne seront plus considérés comme des moutons, comme pendant le gouvernement Sarkozy ; ils conservent une certaine indépendance face à leurs patrons qui sont des amis de l'ancien président Sarkozy.
Il y a eu l’autre événement qui a fait une tache à l’image du Président François Hollande. « La République exemplaire » promise par le candidat afin de se distinguer de son prédécesseur Nicolas Sarkozy, va être discréditée par le comportement honteux et ignoble de son ministre du budget. Après la tempête de ce scandale intervient, un an après, un autre scandale cette fois lié au conseiller politique du Président de la République, Aquilino Morelles contraint à la démission après une enquête de Mediapart qui a révélé son lien avec les laboratoires pharmaceutiques pendant la période où Aquilino Morelle avait travaillait à l'IGAS - Inspection générale des affaires sociales – lien considéré comme un conflit d'intérêts. Cet organisme assure la surveillance et l'évaluation de la mise en œuvre des politiques publiques de sécurité sociale, de la santé du bien-être social, du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.
Il est à noter que ce n'est pas le président Hollande qui est accusé de malhonnêteté. Il fournit simplement une preuve de sa naïveté vis-à-vis la parole de son ministre. M. Cahuzac était doté d'une grande capacité à transformer le mensonge en vérité, surprenant l'ensemble de la classe politique. En ce qui concerne le conseiller politique Aquilino Morelle il a confirmé avoir travaillé pour un laboratoire en 2007, mais qu'il y n’avait pas un «conflit d'intérêts». Pour l'instant, on attend le résultat de l'enquête judiciaire. Ces deux cas, même si différents, ont ébranlé la promesse de Hollande d’une République exemplaire. La droite et l’extrême droite ont profité de ce scandale politique. Pour les « sarkozystes » touchés par différents scandales cela a été une réhabilitation face de l'opinion publique. Pour la droite habituée à profiter des bienfaits du pouvoir, il n’existe pas de république exemplaire, la république de Hollande est la même que celle de Sarkozy. Pour l'extrême droite, qui profite également de la faiblesse du gouvernement de Hollande et de la crise internationale, tous les politiciens sont pourris : Les deux partis de gauche et de la droite et les alliés de Sarkozy sont tous pareils.
Pendant ce temps, l'extrême gauche pratique une opposition permanente au gouvernement socialiste, en confondant parfois l’ennemi politique avec l'adversaire politique. Parfois ses ténors reproduisent le même discours que la droite. Au lieu de faire des critiques constructives et d'élaborer des propositions qui pourraient offrir des solutions, des alternatives viables pour faire sortir la France de la crise économique et de proposer un autre mode de développement, ils contribuent à accroître la division dans leur propre camp et fragilisent l’ensemble de la gauche dans la confrontation avec la droite. Ils ne se présentent pas devant l’opinion publique comme une alternative crédible.
La perte de nombreuses municipalités lors des dernières élections a montré que lorsque la gauche ne cherche pas à élaborer des politiques fondées sur des stratégies de convergence pour assurer un programme de gouvernance, les partis politiques de droite sortent toujours victorieux.
De plus il manque une stratégie politique pour arrêter la progression de l'extrême droite auprès de l’électorat populaire. La gauche devrait au moins se demander pourquoi le discours de l'extrême droite gagne en légitimité dans les médias, ainsi que, dans l'électorat ouvrier, antérieurement militant du Parti communiste français. Dans un moment où l’extrême droite devient puissante et cherche la conquête du pouvoir, les partis de gauche sont divisés sur la stratégie politique permettant de faire pression sur le gouvernement actuel, élu par le peuple de gauche, mais qui fait une gestion de droite. Il faut savoir que de nombreux militants socialistes désapprouvent certaines mesures dans le pacte de responsabilité.
Au cours des dernières décennies, la politique française est écrasée par le rouleau compresseur de la doctrine néolibérale où l’économie prime sur la politique. Avec des discours formatés il n’est plus possible de voir la différence idéologique entre la gauche et la droite. Les politiciens ont rendu la politique fade et sans aucune possibilité de faire rêver. Les gouvernements de droite et la social-démocratie sont en train de détruire progressivement le modèle social français. Il leur manque une conception sur la façon de faire de la politique, qui suppose que tout projet politique dans une société complexe vise à trouver des solutions capables d’ordonner de façon plus juste la vie sociale.
Même si la politique est faite d’intérêts contradictoires, pour un homme de gauche, le pouvoir devrait être idéalement juste dans la poursuite du bien commun. Cependant, l'intérêt général dans le pays de Jaurès où les droits humains ont été proclamés est progressivement remplacé par les intérêts du grand capital.
Le Président François Hollande doit évaluer la raison de son impopularité, Il lui reste trois ans pour retrouver et reconquérir son électorat, sinon, il enterrera complètement l'idéal socialiste prôné par Jaurès. Cette année de l'anniversaire de la mort de Jean Jaurès, il faut se rappeler l'une de ces phrases: « Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel ».
Note : Cet article a été publié au Brésil dans les journaux Correio do Brasil et Brasil 24/7
26 mai 2014
https://www.alainet.org/fr/articulo/85812
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