La réalité de l'injustice climatique révélée au grand jour par le typhon Haiyan

11/12/2013
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(Jakarta, le 3 décembre 2013) Le 8 novembre 2013, untyphon d'une violence inégalée s'est abattu sur les Philippines, avec des rafales allant jusqu'à 314 km/h. Le typhon Haiyan a détruit plusieurs villes des îles Visayas, faisant sur son passage plus de 5000 morts, plus de 1000 personnes portées disparues ainsi que des millions de sinistrés dont des milliers de foyers privés de nourriture, d'eau ou de logement.
 
Chaque année, 20 typhons en moyenne touchent les Philippines. Pourtant, c'est la première fois qu'un typhon de catégorie 5 survient et que sa force est telle qu'il raye des villes entières de la carte. Mais telle est la nouvelle réalité qu'implique le changement climatique.
 
L'augmentation de la température des mers et de la température atmosphérique contribue à la formation de cyclones plus violents. Le changement climatique est une réalité ; comme l'a indiqué le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) dans son rapport : “bon nombre des changements observés sont sans précédents depuis des décennies voire des milliers d'années.”
 
Pourtant, cette catastrophe aussi effroyable que tragique n'a pas amené les pays développés à prendre des engagements en matière de mesures concrètes de lutte contre le changement climatique. Pis, ces derniers ont fait machine arrière ! Le Japon, l'un des plus gros pollueurs de la planète, avait promis de réduire de 25% ses émissions de gaz à effet de serre, avant de revenir sur ses pas et d'annoncer une augmentation de 3% par an d'ici 2020 par-rapport au niveau des émissions de CO2 de 1990. La Plateforme de Durban, nouvel accord global devant succéder au Protocole de Kyoto et s'appliquer à tous les pays, devrait être adoptée en 2015 pour entrer en vigueur à l'horizon 2020. Cependant, au cours des récentes négociations climatiques, y compris lors de la dernière conférence climat qui s'est tenue en Pologne, certains pays développés ont continué de se dérober à tout accord contraignant, préférant les engagements volontaires et restant flous en matière d'objectifs ou de réductions.
 
Les pays développés sont aussi revenus sur leurs engagements. Lors de la Conférence des Parties (COP) organisée à Doha, les pays en développement se sont battus âprement pour que soit intégrée la question des “pertes et dommages.” En principe, cela signifierait qu'en fonction de leur responsabilité historique, les pays riches verseraient une compensation financière aux pays pauvres victimes du changement climatique. En réalité, l'accord conclu lors de la COP de Varsovie a été édulcoré au point d'en devenir inconsistant et n'offre qu'un mécanisme stérile dépourvu de volet financier. Les pays développés sont par ailleurs restés insensibles aux suppliques implorantes du délégué des Philippines, en grève de la faim pendant 13 jours, et aux grèves de la faim entamées par de nombreux militants pour la justice climatique.
 
Pour le Secrétaire Général des Nations unies, le typhon Haiyan sonne l'alarme du changement climatique. Mais ce typhon est bien plus qu'une alarme : il constitue un exemple tragique d'injustice climatique. Si le changement climatique relève de la responsabilité historique de quelques pays industrialisés seulement et de la responsabilité actuelle d'un certain nombre de grands pays en développement, nous en payons tous les conséquences, en particulier les populations pauvres et défavorisées. En effet, ces dernières sont dans l'incapacité de fuir, de s'adapter voire de survivre à la violence du changement climatique, alors qu'elles en sont le moins responsables.
 
Suite au typhon Haiyan et aux négociations pitoyables de la conférence climat de Varsovie, nous, membres de la Via Campesina, mouvement international paysan représentant plus de 200 millions de petits producteurs aux quatre coins du globe, sommes plus que jamais déterminés à mettre en place des solutions concrètes pour lutter contre le changement climatique sur le terrain, en exerçant une agriculture durable fondée sur les principes tels que l'agroécologie, la souveraineté alimentaire et le respect des droits de la Terre-Mère.
 
Nous dénonçons par ailleurs l'inaction des gouvernements au cours des négociations climatiques et appelons tous les pays à prendre des engagements concrets en matière de réduction des émissions en fonction de leur responsabilité historique. Nous appelons également les gouvernements de pays en développement à ne pas emprunter eux aussi la voie développement “sale” mais à tourner le dos dès à présent aux énergies polluantes, au pillage de la nature et à la croissance démesurée.
 
La Via Campesina réaffirme sa détermination à lutter contre cette folie climatique et en faveur de la justice climatique. Par ailleurs, en gage de notre solidarité, nous envoyons à nos frères et soeurs des Philippines des semences porteuses du germe de l'espoir et de la résistance. Nous ne resterons pas des victimes muettes. L'heure de la justice climatique a sonné.
 
Plus que jamais déterminés à nous battre pour mettre un terme à cette folie climatique
 
https://www.alainet.org/fr/articulo/81641
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