Young Boys et un autre trophée

Champion de l’antiracisme et de la diversité

Les messages électroniques anti-racistes, anti-sexistes et anti-homophobes sont constants dans le Stade du Wankdorf, celui de Young Boys, lorsque l’équipe joue à domicile.

20/04/2021
  • Español
  • English
  • Français
  • Deutsch
  • Português
  • Opinión
young_boys_suiza.jpg
Acción contra el racismo de Young Boys el 21 de marzo pasado
-A +A

Sept matchs avant la fin de la saison du football suisse, le club bernois Young Boys (YB) vient d’être consacré champion national avec sa victoire ce dimanche 18 d’avril contre FC Lugano. La différence de 24 points avec FB Basel, l’actuel club classé en seconde position, assure à l’équipe de la capitale helvétique le trophée pour la quatrième année consécutive.

 

Ainsi se termine une saison très intense qui avait démarré en septembre 2020. Malgré la pandémie et les stades vides, YB a joué déjà 29 parties pour le championnat. De plus, il a affronté douze matchs dans des ligues européennes, tant pour le classement en Ligue des champions que pour la Coupe UEFA. Il a rencontré sur son chemin lors des huitièmes de finale en mars 2021 Ajax Amsterdam, des Pays Bas, après avoir éliminé de la compétition dans le match antérieur le club allemand Bayern 04 Leverkusen.

 

Cette dynamique sportive a été accompagnée de nouveaux succès culturels et sociaux du club. Le 21 mars – Journée mondiale contre le racisme – fut très spécial pour YB. Le club a dédié sa partie contre le F Zurich à cette cause si chère.

 

Un autre paradigme sportif

 

Lors de cette journée particulière, les joueurs portèrent un maillot spécial, de couleur noire, donnant ainsi une visibilité symbolique à toute une partie de la population mondiale réprimée et exclue en raison de sa couleur de peau.

 

Le 21 mars 1960, la police du régime d’apartheid en Afrique du Sud avait ouvert le feu sur une manifestation pacifique contre la loi des passeports, promulguée par le gouvernement sud-africain, une action qui causa la mort de 69 personnes. En 1966, l’assemblée générale décida d’intégrer ce jour, chaque année, dans le calendrier officiel de l’Organisation des nations unies (ONU). Et elle demanda à la communauté internationale de redoubler d’efforts pour éliminer toutes les formes de discrimination raciale.

 

Les maillots utilisés par Young Boys ce 21 mars furent ensuite vendus aux enchères. Le bénéfice de 22.000 francs suisses fut attribué par le club au travail de sensibilisation mené par Gemeinsam gegen Gewalt und Rassismus (Ensemble contre la violence et le racisme). Il s’agit d’un service d’information et de consultation sur les thèmes du racisme, de la discrimination, de la violence dans l’espace public et contre l’extrémisme de droite. Ce service fut initié par les communes de la région de Berne et de Burgdorf et peut compter aussi sur l’appui du canton de Berne.

 

Cette initiative sportive de YB a été réalisée dans le cadre d’une semaine d’action entre le 20 et le 27 mars dénommée « Le racisme ferme les portes. Ouvrons-les ». Il s’agit de la 11e journée de cette nature, impulsée par la ville de Berne, et elle a rassemblé plus de 40 actions et événements, la majorité en ligne en raison des restrictions sanitaires causées par la pandémie. Le jeudi 25 mars, par exemple, une activité spéciale fut menée en collaboration avec les Eglises catholique et évangélique réformée du canton de Berne.

 

Dans la convocation à cette journée le club bernois signalait que « Young Boys envoie un signal fort contre le racisme et la discrimination et en en faveur de l’ouverture ».

 

Ensemble contre la violence et le racisme mène une activité incessante de protection contre la discrimination dans le canton de Berne. « L’origine, la religion, la couleur de peau, le style de vie ou la langue peuvent être des sources de discrimination ou d’exclusion, y compris en Suisse », explique le site web de ce service. Et il demande : « L’avez-vous expérimenté en sortant dans la rue, en faisant du sport, au travail, en cherchant un appartement ou en traitant avec les autorités ? Vous sentez-vous discriminé-e par votre origine, votre langue, votre style de vie, votre couleur de peau ou votre religion ? N’hésitez pas à prendre contact avec nous pour obtenir d’avantage d’information. Nous vous conseillerons gratuitement et nous travaillerons avec vous pour trouver des solution », affirme ce service soutenu par YB.

 

25 années de travail en faveur de la diversité

 

Ce même dimanche, le 21 mars, hormis les maillots spéciaux, Fabian Lustenberger (le capitaine de Young Boys) portait les couleurs arc-en-ciel sur son brassard de capitaine. Et les petits drapeaux dans les coins du terrain arboraient aussi, à cette occasion, ces mêmes couleurs, symboles de la diversité.

 

Les messages électroniques anti-racistes, anti-sexistes et anti-homophobes sont constants dans le Stade du Wankdorf, celui de Young Boys, lorsque l’équipe joue à domicile, que ce soit avec la présence de ses 31.000 supporters, ou vide, comme cela se passe actuellement durant la pandémie.

 

Depuis 1996, un secteur du club des supporters du champion suisse est organisé au sein de l’association HalbZeit (Mi-temps) et promeut depuis des initiatives contre le racisme.

 

En 25 ans d’existence, les avancées de la conscience collective sont significatives. Auparavant, les expressions racistes et néo-nazies étaient d’usage dans une partie des groupes de spectateurs, qui huaient les joueurs de couleur des équipes visitantes. Depuis lors, on a vu se multiplier les débats publics, les articles dans les publications du club, les espaces dans les moyens de communication, les annonces par mégaphone et la participation – durant la dernière décennie – à des initiatives plus larges impulsées par les autorités municipales. L’ensemble du club s’est approprié les bannières anti-racistes et en faveur de la diversité, déjà intégrées à l’ADN collectif de l’institution.

 

La diversité aussi sur le terrain

 

Les valeurs éthiques défendues par Young Boys – et correspondant à la lutte anti-raciste du club, durant ces 25 dernières années – constituent en plus le miroir d’une équipe multinationale et très diverse par les couleurs de peau.

 

Sur les 26 joueurs de la 1ère équipe, 12 sont étrangers ou possèdent une autre nationalité, en plus de la citoyenneté suisse. Neuf ont la peau sombre. Plusieurs attaquants, les joueurs favoris du public, appartiennent à ce groupe : Jean-Pierre Nsamé, butteur vedette, est Camerounais et Français; Jordy Siebatcheu, Français et Etatsunien; Meschak Elia, de nationalité congolaise, et Felix Mamimbi, Suisse à la peau cuivrée, tout comme Marvin Spielman, double national suisse et congolais.

 

Ces dernières années, des dizaines de joueurs étrangers – en grande partie d’origine africaine – ont joué et jouent toujours dans la ligue suisse. Selon le site web Transfermarkt, l’un des plus actualisés du football mondial, 150 footballeurs étrangers jouent actuellement dans la ligue supérieure suisse. Dans des équipes où ils sont majoritaires comme Lausanne Sport (22 dans le groupe), Sion et Servette (18) et Bâle (16). Dans cette première division, on arrive à une moyenne nationale de 50,7 % de joueurs étrangers. Un fait déterminant pour promouvoir les valeurs de l’interculturalité dans le football suisse.

 

Une dynamique essentielle dans une réalité mondiale où le sport devient, chaque jour davantage, un thème de débat prioritaire dans la société. Ce qu’indiquent par exemple les protestations de plusieurs équipes nationales de football européen, ces dernières semaines – dont les équipes de la Norvège, de l’Allemagne des Pays Bas et du Danemark. Elles critiquent la violation des droits humains essentiels au Qatar, organisateur du prochain Mondial 2022. Un reportage du journal britannique The Guardian de février passé et des ONG internationales ont dénoncé la mort de plus de 6.500 travailleurs, durant cette dernière décennie, dans les travaux de construction du stade. En promouvant, ainsi, une vision globale des droits humains dans un sport aux répercussions mondiales. La lutte contre le racisme et l’homophobie, en tout cas, sont déjà des bannières arborées avec conviction par le champion suisse avec son nouveau trophée : sportif et pour la diversité.

 

- Sergio Ferrari , de Berne, Suisse.  Journaliste RP/periodista RP
sergioechanger@yahoo.fr

 

 

https://www.alainet.org/fr/articulo/211895?language=en
S'abonner à America Latina en Movimiento - RSS