Les haïtiens face à une nouvelle crise politique

Haïti est entré, une fois de plus, dans une grave crise politique et institutionnelle. Mais le refus de Jovenel Moïse de quitter le pouvoir avant le 7 février 2022 et la répression sanglante qu’il mène, conduisent le pays au bord de l’implosion.

05/04/2021
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Reuters
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Avant tout, il faut rappeler que le bilan de Jovenel Moïse est catastrophique pour la population : aggravation de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire, moins d’heures d’électricité disponibles qu’au début de son mandat, corruption endémique galopante illustrée par le détournement au profit de responsables politiques et d’hommes d’affaires haïtiens de plusieurs centaines de millions de dollars d’un fonds destiné à des projets sociaux et de développement. Sans oublier la prolifération de gangs armés liés avec la police et les fonctionnaires, responsables de massacres et d’une violence généralisée dans le pays. La volonté de Moïse d’imposer un référendum constitutionnel (pourtant interdit par la Constitution actuelle) et des élections n’empêche pas le Conseil de sécurité des Nations unies de lui apporter son soutien.

 

Jovenel Moïse : le néolibéralisme « quoiqu’il en coûte »

 

L’État, déjà affaibli avant le tremblement de terre du 12 janvier 2010 qui a fait 230 000 morts, a été liquidé avec l’aide des ONG dans la mesure où celles-ci l’ont contourné pour aider directement la population. L’Etat a abandonné toute politique de santé, d’éducation ou d’aide sociale. Il a été reconfiguré, dans une pure optique néolibérale, autour de deux pôles, l’un sécuritaire, l’autre économique, avec la seule volonté d’attirer les investisseurs étrangers. La plupart des ONG se sont retirées et l’ONU estime, pour l’année 2021, que plus de 4,4 millions d’Haïtiens seront en insécurité alimentaire. Mais peu importe le malheur du peuple. Le président Jovenel Moïse continue d’être soutenu par l’ensemble de la « communauté internationale » avec à sa tête les États-Unis qui veulent un ordre stable dans leur pré-carré et préfèrent un pouvoir corrompu à une force politique moins sensible aux intérêts américains et plus soucieuse de sa souveraineté .


La « communauté internationale » (en fait, les pays néolibéraux) s’aligne sur la position des États-Unis, notamment l’Union européenne, tout en jappant mollement pour tenter de sauver les apparences. Comme d’habitude, elle préfère soutenir J.Moïse contre la population haïtienne qu’elle méprise. Ce soutien, inquiétant et cynique, permet à J.Moïse, président illégitime аu pouvoir dictatorial, de contrôler les institutions, d’utiliser la répression de la police à son service et la corruption comme une arme. Bref, il fait ce qu’il veut avec l’accord des États-Unis et de l’Union européenne, notamment d’ici d’hypothétiques élections en 2022.
Aujourd'hui, si le rejet de Jovenel Moïse est bien réel et la colère populaire bien là, avec les mots d’ordre de 2019 : rupture, relèvement, réorganisation, rigueur (les 4R), la plus grande partie de la population est passive. D'autant qu'il est difficile et dangereux de se réunir et de manifester, en raison de la terrible répression. Le peuple qui a connu la dictature de Duvalier de 1957 à 1971, a peur, et en particulier des kidnappings qui ont augmenté de 200 % en un an.

 

L’opposition haïtienne s’unit

 

Face au coup de force de J.Moïse, les partis politiques de l’opposition, dont la base sociale est faible - le taux de participation a été de 20 % lors des dernières élections - se sont alliés avec des syndicats, des associations de défense des droits humains ou des mouvements de paysans. Ils tous d’accord sur un point : le départ de Jovenel Moïse. Ils ont nommé Joseph Mécène Jean-Louis dirigeant de transition. Ils veulent en effet, après le départ de Moïse, mettre en place une période de transition pour sortir le pays des crises institutionnelles à répétition et de la corruption. Mais au-delà de cette période transitoire, aucun acteur n’est actuellement assez fort pour unir tout le monde et incarner l’avenir politique du pays.


A cette difficulté s'ajoute le fait que tous ceux qui sont opposés à Moïse ne sont pas des saints, beaucoup traînant des casseroles. Ainsi, une transition de rupture ne devrait-elle pas viser uniquement le pouvoir en place mais l’ensemble des partis, groupes et individus qui ont conduit sciemment le pays au bord du gouffre, au détriment du bien commun. C’est pourquoi les Haïtiens auraient intérêt à rejeter, sans faiblesse, le personnel politique et tous ceux qui se sont compromis, de près ou de loin, avec les gouvernements et les organisations qui ont conduit le pays et le peuple au bord de l’abîme.

 

Une chose est sûre : Moïse ne partira que s’il y est forcé. Il ne partira que s’il est privé du soutien des « acteurs internationaux » et de la classe dominante haïtienne, composée de quelques dizaines de familles hyper-riches qui contrôlent l’économie du pays. C'est en outre une mobilisation massive du peuple haïtien qui sera déterminante pour imposer les mesures fortes nécessaires : changer de système économique et social, mettre de l’ordre dans les institutions, assainir le système électoral, lutter efficacement contre la corruption, refuser l’impunité, juger les responsables…

 

Solidaire avec cette mobilisation populaire, un soutien international des peuples permettrait d’imposer le départ de Moïse et aux Haïtiens de reprendre en main leur destin. Mais d’où ce soutien pourrait-il venir aujourd’hui ?

 

 Joël Perichaud, Secrétaire National du Parti de la Démondialisation, chargé des relations internationales.


https://www.pardem.org/les-haitiens-face-une-nouvelle-crise-politique

 

https://www.alainet.org/fr/articulo/211657?language=es
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