La crise politique sud-américaine : réorientation de la lutte contre le cancer

Une stratégie novatrice : du réseau UNASUR au réseau d'Amérique latine et des Caraïbes

06/03/2019
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Walter Zoss
Foto: Instituto Nacional del Cáncer de Argentina 2017
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La santé des citoyens doit primer sur les contradictions institutionnelles régionales. La lutte contre le cancer ne peut être conditionnée par les crises politiques de l'UNASUR (Union des nations sud-américaines). Combattre le cancer du col de l'utérus en Amérique latine est un objectif essentiel pour l'ensemble du continent et nécessite une nouvelle stratégie pour y parvenir.

 

Ce sont là quelques-uns des principaux axes de travail de la réunion d'experts d'Amérique du Sud, d'Amérique centrale et des Caraïbes, qui s’est tenue en octobre dernier, à Rio de Janeiro, Brésil. Cette réunion a été organisée afin d'examiner et définir la mise en œuvre du Plan d'action pour la prévention et la lutte contre le cancer du col de l'utérus (CCU), pour la période 2018-2030.

 

Un mois plus tôt, entre le 23 et le 27 septembre de 2018, le conseil d'administration de l'Organisation panaméricaine de la santé avait approuvé ce Plan, apportant ainsi un appui décisif à la proposition élaborée par le Réseau des instituts et institutions nationales du cancer (RINC) pour l'Amérique du Sud.

 

La principale organisation continentale de santé – qui fait partie de l'Organisation mondiale de la Santé – a appelé les Etats membres à « donner la priorité à la prévention et à la lutte contre le cancer du col de l'utérus dans le programme national de santé publique ». De manière plus générale, elle a également recommandé aux Etats de développer « les services de santé en fonction des besoins et selon une approche centrée sur la personne, en gardant à l'esprit que, dans la plupart des cas, une dépense publique de 6% du PIB pour le secteur de la santé est un paramètre de référence utile... ».

 

La crise de l'UNASUR. Chercher une alternative cohérente

 

La réunion d'octobre, mise sur pied au Brésil par l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS), visait à clarifier un nouveau modèle de coopération régionale, susceptible de soutenir et assurer un plus grand impact dans la lutte contre le cancer du col utérin.

 

En toile de fond du conclave figurait la décision d'éviter l'affaiblissement, voire la disparition de l'un des programmes phares du RINC, un réseau fondé en 2011 par l'UNASUR.

 

Après sept ans de travaux et de progrès soutenus, le RINC et son Plan en faveur d'une « Région libérée du cancer du col de l'utérus » ont vécu les conséquences directes de la crise politique que traverse cette agence d'intégration.

 

En 2018, les gouvernements de l'Argentine, du Brésil, du Chili, de la Colombie, du Paraguay et du Pérou ont décidé de suspendre leur participation à l'UNASUR. C'est la conséquence d'une nouvelle phase politique dans la région, marquée par l'arrivée au pouvoir d'administrations de droite qui proposent des ajustements – réductions – budgétaires significatifs dans les secteurs du social et de la santé. Cette nouvelle vague politique remplace les gouvernements progressistes de plusieurs pays qui, en mai 2008, en fondant l'UNASUR, avaient cherché à renforcer l'intégration sud-américaine, en y incluant des plans de santé donnant la priorité à la lutte contre le cancer.

 

« Ce retrait de l'UNASUR de la part de plusieurs Etats a immédiatement paralysé toutes les activités du Réseau, les ministères des affaires étrangères de ces pays interdisant le développement ultérieur de toute activité liée à l'Union », explique au Bulletin Suisse du Cancer, Walter Zoss, journaliste et communicateur qui, entre 2012 et 2018, a été directeur exécutif du RINC UNASUR.

 

Sous-évaluée dans l'agenda géopolitique régional prioritaire, l'UNASUR a perdu de sa légitimité et, avec elle, de nombreux programmes de référence dans le domaine de la santé et de la lutte contre le cancer. 

 

Les signataires de la Déclaration de Rio, en octobre dernier, ont décidé de refonder le RINC, en lui assurant une projection et une stratégie plus continentale que sud-américaine, et en lui donnant un nouveau nom : Réseau des Institutions Nationales du Cancer d'Amérique latine et des Caraïbes (RINC-ALC). Le but est d'assurer la continuité des travaux de l'ancien RINC-UNASUR paralysé, mais dans une perspective géographique nouvelle et plus large.

 

En outre, ils se sont engagés à mettre en œuvre le Plan régional de lutte contre le cancer du col de l'utérus élaboré par l'ancien RINC. Cela par le biais d'une Plateforme technologique d'assistance technique (PlaTeAT), de concert avec le Plan d'action de l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS) pour la période 2018-2030.

 

De plus, un élément fondamental donne force à la nouvelle stratégie : compter à ce stade sur l'appui technique de l'OPS et des Etats membres dans la mise en œuvre du Plan d'action.

 

Malgré tout… des mesures positives

 

« Des décisions très importantes ont été prises pour assurer la continuité de la lutte contre le cancer. Cette collaboration continentale suscite l'enthousiasme de nombreux acteurs car elle ouvre de nouvelles perspectives et opportunités », souligne le journaliste helvéto-brésilien.

 

« Le nouveau réseau développera ses activités en étroite collaboration avec les institutions nationales dédiées au cancer et avec l'OPS », affirme-t-il. « Cela implique une vision pour le futur qui reprendra la forme de l'échange horizontal, pratiquée jusqu'à présent, à travers laquelle les pays plus avancés dans certains domaines partageaient leurs connaissances en les mettant à disposition des autres ».

 

« Durant ces sept années d'existence s'est construit un modèle de collaboration régionale que l'on ne trouve nulle part ailleurs. Il était donc essentiel de maintenir cette collaboration et de la poursuivre », souligne Walter Zoss qui, tout au long de cette période, a été un acteur essentiel de la mise en œuvre du RINC.

 

L'impact du CCU est toujours aussi dramatique sur le continent. Selon le RINC, sur les 500'000 femmes qui, dans le monde, souffrent chaque année de ce type de cancer – dont la moitié en meurent – 11% se trouvent en Amérique latine.

 

Selon les experts, la CCU est la tumeur qui reflète de la manière la plus crue l'inégalité sociale et sexuelle en matière de santé. Elle touche des femmes de tous âges, en particulier celles des classes sociales les plus pauvres, qui sont exposées à différentes situations de vulnérabilité. Les tendances pour l’avenir sont inquiétantes. Selon le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC-OMS), si aucune action efficace n'est entreprise, le taux de mortalité par CCU continuera d'augmenter à l'échelle mondiale. On prévoit qu'en 2030, environ 300'000 femmes mourront du CCU dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, soit près de 50% de plus qu'aujourd'hui. Circonstance aggravante : en termes de santé publique, c'est une maladie qui pourrait être éradiquée si les plans de prévention nécessaires étaient appliqués. D'où l'importance essentielle que les progrès réalisés à partir des propositions du RINC-UNASUR ne disparaissent pas et soient poursuivis et potentialisés par le RINC-ALC, explique Walter Zoss.

 

Plateforme technologique pour l'assistance technique

 

La PlaTeAT a été conçue dans la phase précédente du RINC et bâtie avec le soutien du secteur privé et des organisations internationales. Elle pourrait jouer un rôle clé dans la nouvelle stratégie promue au niveau continental.

 

Conçue comme une plateforme virtuelle, composée d'outils dynamiques, interactifs et simples d'utilisation, elle vise à améliorer les pratiques professionnelles en temps réel et à faciliter l'accès à l'information sur le cancer du col utérin.

 

La plateforme permettra la systématisation des connaissances et des expériences disponibles sur le continent, afin de consolider les systèmes existants d'information et de suivi. Elle s'articulera autour de formations virtuelles, de forums d'échanges et d'un centre de ressources en ligne.

 

Ce projet, développé depuis un certain temps sur Internet, a occupé une place particulière dans les réflexions de la réunion d'octobre, explique Walter Zoss. Des avancées concrètes dans le processus d'installation ont été présentées.

 

Selon le procès-verbal du conclave brésilien, « la Fondation brésilienne du cancer a accompagné l'élaboration du plan de contrôle régional du CCU du RINC. En partenariat avec la Fondation, IBM a développé gratuitement le PlaTeAT pour la CCU ». Sur la base de l'échange d'expériences et d'informations, il a été proposé, qu'après une phase de test, la plateforme soit disponible dans les différents pays concernés.

 

Outre la mise en œuvre de cette plateforme, les experts présents à cette réunion ont convenu de continuer à travailler dans trois groupes régionaux (Amérique centrale, pays andins et Amérique du Sud), pour renforcer la coopération bilatérale sur des questions et projets d'intérêt commun, en plus de l'échange d'informations et d'expériences au niveau technique, sur un plan régional et subrégional. Il s'agira également de poursuivre la réflexion sur la structure, avec un secrétariat technique. Celui-ci aura besoin d'un soutien financier pour gérer les actions et les projets, les termes de référence et les modalités du travail en commun dans le nouveau réseau. Cet appui devrait provenir des pays membres, des organisations internationales, des fondations et des acteurs privés, c'est-à-dire de la communauté internationale dans son ensemble et dans son expression la plus large et la plus diverse.

 

« Une perspective d'avenir qui renforce notre conviction constante que combattre le cancer du col de l'utérus doit rester une priorité essentielle dans la lutte globale contre le cancer sur le continent et dans le monde », conclut Walter Zoss.

 

- Collaboration avec le Bulletin Suisse du Cancer

 

Traduction Rosemarie Fournier

 

https://www.alainet.org/fr/articulo/198520?language=es
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