De Trump à Macron, les grands cimetières sous la « une »
- Opinión
Lorsqu’il remonte ce 13 février les couloirs feutrés du Congrès jusqu’aux aux lambris du House Committee on Foreign Relations, Elliot Abrams, l’envoyé spécial de Donald Trump pour le Venezuela, a de quoi se réjouir. Le leurre des caisses à moitié vides a fonctionné. L’opinion publique occidentale s’est aussitôt étranglée: “pourquoi Maduro refuse-t-il l’aide humanitaire alors que son peuple meurt de faim ?”.
Convoyées par l’USAID, l’ONG de la CIA, jusqu’à une région de Colombie en proie à une pauvreté extrême, ces caisses que ni la Croix Rouge ni Caritas ne veulent distribuer car elles n’y voient pas d’“aide humanitaire” (1), ne concerneraient en fait que 20 mille vénézuéliens pour quelques jours, selon l’autoproclamé “président” Juan Guaido. Ce cheval de Troie, entouré d’une nuée de médias, a une fonction plus plausible : servir de décor à un incident militaire, voire à une invasion.
Depuis près de deux ans le gouvernement bolivarien résiste à la hausse des prix pratiquée par les oligopoles privés de l’alimentation. Via des Comités Locaux d’Approvisionnement et de Production (CLAP), il distribue une à deux fois par mois des caisses de nourriture à six millions de familles des classes populaires. Le prix des aliments est symbolique : 1 % de celui du secteur privé. Le gouvernement verse également des allocations pour tenter de défendre un salaire attaqué de toutes parts. En fait, au grand étonnement des voyageurs, on, n’observe nulle “crise humanitaire” au Venezuela, comme l’a expliqué l’expert dépêché sur place par l’ONU, Alfred de Zayas. Pour qui “l’aide, la seule, serait de lever le blocus et de cesser la guerre économique”. (2)
Tout cela a été occulté par les médias occidentaux. Mais ce 13 février, lors de son audition par le Congrès, malgré l’avantage du “sens commun” construit par les journalistes, Elliot Abrams est mis sur le grill par la ténacité d’une représentante démocrate, issue du mouvement féministe: Ilhan Omar. Celle-ci rappelle à Abrams son passé d’organisateur et de financeur des escadrons de la mort dans l’Amérique Centrale des années 80. Elle prononce le nom qui fait mal : El Mozote. Le 10 décembre 1981, le bataillon de réaction immédiate Atlacatl, formé aux États-Unis, a torturé, violé, dépecé plus de 800 civils, hommes, femmes et enfants de cette communauté paysanne du Salvador. 136 des restes identifiés par les médecins-légistes argentins correspondent à des enfants de moins de six ans. “Propagande communiste” s’était alors gaussé Abrams. « Allez-vous appuyer des groupes criminels et le génocide au Venezuela comme vous l’avez fait au Nicaragua, au Salvador et au Guatemala, si cela favorise les intérêts des Etats-Unis? » insiste la membre du Congrès. “Je refuse de répondre à ce qui n’est pas une question” rétorque Abrams. Ilhan Omar lui répond dans les yeux : “Savoir si, alors qu’un génocide a lieu, vous détournerez le regard car cela sert les intérêts américains, est une question légitime pour le Congrès et pour le peuple états-unien”. La représentante du Minnesota sait de quoi elle parle : à l’âge de dix ans, elle a dû quitter la Somalie, un pays qui a subi une intervention militaire des Etats-Unis soucieux d’y acheminer leur “aide humanitaire”.
Version française : https://www.facebook.com/venesolidarite/videos/429506354461296/
Dans les années 80, lorsque le Congrès décida de ne plus leur octroyer de budget officiel aux paramilitaires antisandinistes, Abrams organisa le financement clandestin des opérations meurtrières de la « Contra » et leur fit livrer des armes camouflées en « aide humanitaire ». Abrams mentit au Congrès à deux reprises sur son rôle, plaidant coupable avant d’être grâcié par George W. Bush. Défenseur enthousiaste de l’invasion de l’Irak, il oeuvrait de nouveau à la Maison Blanche au moment du coup d’Etat avorté de 2002 contre Hugo Chávez. « Je n’arrive pas à comprendre », assène Ilhan Omar, « pourquoi les membres de ce Comité ou le peuple américain devraient considérer comme véridique tout témoignage que vous donnez aujourd’hui ».