Progressisme : la vague qui commence

13/07/2018
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Les événements ont vite montré que le dénommé progressisme -mutatis mutandis- qui a bourgeonné en divers points de l’Amérique latine était loin de constituer un « cycle » qui se serait terminé. Et encore moins de n’avoir été qu’un simple effet d’oscillation des prix internationaux des matières premières.

 

Au début des années 90, la première grande offensive néolibérale s’est développée avec l’effondrement soviétique ; en plus d’imposer de grands changements de politique économique, elle a articulé un vaste tsunami idéologique que des gauches divisées et désorientées n’ont pu que difficilement affronter. Ni cette politique ni ses effets culturels ont terminé ; la crise globale qui affleurait en 2008 a démasqué le néolibéralisme sans encore le remplacer.

 

En moins de 10 ans, les effets des politiques néolibérales ont accumulé des mécontentements sociaux suffisants pour dynamiser une marée progressiste bigarrée mais encore nourrie plutôt de rejets que de projets durables et qui a animé les trois premiers lustres de ce siècle. Les gouvernements que ce processus a permis d’élire, en plus d’apporter des progrès dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités, ont réalisé des avances significatives dans l’autodétermination nationale et la solidarité latinoaméricaine.

 

Il était plus qu’ingénu de supposer que cela pourrait se passer sans motiver une controffensive de l’impérialisme états-unien et des élites locales. Grâce à d’amples soutiens économiques, sociaux et médiatiques, la droite a reconfiguré l’image, réactualisé les méthodes et récupéré l’initiative politique pour revenir au Palais et entreprendre un roll back (un retour) plus ambitieux : renverser les conquêtes citoyennes obtenues depuis les années 50. J’ai déjà traité ces phénomènes en détail (1).

 

Mais on ne peut pas réduire tous les succès obtenus par la controffensive réactionnaire à l’avidité, les magouilles et le pouvoir économique et médiatique des droites, ni au parrainage commun de l’impérialisme. Il faudrait plutôt les attribuer aux arrangements, imprévisions et erreurs du leadership des gouvernements progressistes et à la sous-valorisation du rôle des partis et des organisations populaires. Il est peu utile d’attribuer l’actuel reflux seulement à la bassesse des médias de la classe dominante et de ses membres étrangers : ces médias sont au moins aussi efficaces que les déficiences des gauches qui leur ont facilité le travail en rendant leurs gouvernements plus vulnérables.

 

Trois lustres de succès et de fiascos de cette diversité de gouvernements progressistes engrangent une expérience d’énorme valeur politique qui doit être analysée avec une responsabilité autocritique. Ce qui donnera un sens à cette évaluation est l’obtention de leçons pratiques pour éradiquer les erreurs et développer les réussites de la récente vague progressiste passée pour donner une meilleure armature éthique, politique et d’organisation populaire à celle qui s’approche.

 

Parce qu’elle approche et plus vite que ce que nous imaginions. Les bassesses de Macri et Temer ainsi que de ceux qui ont remplacé des gouvernements progressistes recommencent à montrer l’échec des droites -vieilles ou « nouvelles »- comme option de gouvernement. Leurs exploits alimentent de nouvelles offensives sociales qui exigent des leaderships et des projets qui donnent confiance. Les voix obtenues par Petro, les espoirs que soulèvent un Lula et un Parti du Travail regénéré, la puissante victoire électorale de López Obrador, ne sont que les premiers indices.

 

À Washington, les grossièretés d’un pachyderme démesuré montrent que le système global de domination est loin de pouvoir récupérer une vision et une cohérence stratégique. L’affaire réside alors, non à se demander si les processus progressistes, de libération nationale ou d’orientation au socialisme démocratique ont diminué ou conclu, mais à trouver comment mener la prochaine vague pour qu’elle soit plus efficace et concrétise des objectifs durables de plus grande portée.

C’est-à-dire : qu’avons-nous appris de notre expérience passée ?

 

Nils Castro est un écrivain et enseignant panaméen.

 

(1) Voir par exemple Qui est la nouvelle droite ? dans ALAI du 14 avril 2009 ; Une conjoncture libératrice… et après ? dans Rébellion du 23 juillet 2009 ; Une libération à compléter, dans ALAI du 17 août 2009 ; La brèche à combler, prix du concours Penser à contre-courant, La Havane, février 2010 ; Le défi des gauches latinoaméricaines, dans Rébellion du 27 avril 2012 ; Pourquoi et pour quoi ces gouvernements sont-ils progressistes ?, dans Rébellion du 20 juillet 2012 ; Les disjonctives progressistes et la controffensive des droites, dans Rébellion du 1er décembre 2014 ; La controffensive des élites dominantes, dans ALAI du 2 décembre 2013 ; La controffensive des droites et les options des gauches, dans Rébellion du 5 novembre 2014 ; Combattre les erreurs et accumuler de nouvelles forces, dans ALAI du 24 octobre 2016, et Convertir l’indignation sociale en militance politique, dans ALAI du 14 janvier 2016.

 

L’URL de l’article en Espagnol publié par ALAI est https://www.alainet.org/es/articulo/194057

Traduit par Jac Forton

 

https://www.alainet.org/fr/articulo/194099
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