Les conditions de la victoire sont en nous!

08/01/2016
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La plupart des rétrospectives qui nous sont proposées mettent en avant les drames terribles qui ont obscurci 2015. Nous préférons, quant à nous, poser d’abord notre regard sur tous les flambeaux qui nous ont permis de traverser la forêt.

 

Nous pensons à la détermination des centaines d’habitants de Bangui qui ont organisé une caravane traversant les barrages afin de remettre à la Mission des Nations Unies un mémorandum lui demandant de « chasser les ennemis de la paix ».

 

Nous pensons au courage de ces passagers musulmans qui, au Kenya, ont mis leur vie en danger pour protéger des chrétiens dans un bus attaqué par des intégristes Shebab,

 

Nous pensons à l’humanisme de ces milliers d’hommes et de femmes qui se sont mobilisés pour protéger et aider les immigrés venus trouver refuge en Europe,

 

Nous pensons à l’empathie de cette boulangère française qui a permis de sauver un client dont elle s’inquiétait de l’absence,

 

Nous pensons à la solidarité dont nos compatriotes ont fait massivement preuve pour aider nos voisins Dominiquais à se relever de la catastrophe du 27 août.

 

Nous pensons enfin à ces milliers et milliers d’actes et de sentiments, pleins d’amour et de générosité qui, partout sur la surface de notre planète et chaque jour, ont confirmé que le bien et le beau nourrissent encore l’humanité.

 

Pourtant, au sortir de 2015, ce sont les inquiétudes, le découragement, l’angoisse qui règnent majoritairement dans les esprits et dans l’opinion publique. Comment s’en étonner ? Quotidiennement, universellement, nous sommes désorientés par les images horrifiantes que privilégient systématiquement les médias : crimes barbares perpétrés par des terroristes de tout acabit, catastrophes naturelles meurtrières, déraillements de train, drames familiaux dénichés dans les moindres villages perdus, etc. 

 

On aurait tort de croire que pour ces médias, il s’agirait seulement de faire grimper l’audimat, leur prétexte étant que le public ne s’intéresserait qu’au sensationnel. Non ! Le véritable objectif est politique. Il s’agit de confiner les populations dans des réactions émotionnelles ininterrompues pour empêcher chez elles toute réflexion approfondie et les amener à accepter des mesures réactionnaires censées les protéger.

 

Les menaces qui planent sont serieuses

 

Il n’est pas question de nier l’ampleur des dégâts subis en 2015 : la barbarie terroriste a connu un essor sans précédent ; les victimes des catastrophes climatiques se sont comptées en millions ; les drames sociaux causés par le système économique dominant ont concerné, eux, des milliards d’êtres humains.

 

Par contre, en nous penchant sur les événements qui ont ponctué 2015, il est essentiel de dépasser les réactions de compassion, qui sont légitimes, pour définir les orientations et les actions qui nous permettront de conjurer les dangers.

 

Tout d’abord, concernant le terrorisme, on notera que l’attention a été principalement concentrée sur l’attentat contre Charlie Hebdo et sur ceux qui ont secoué Paris le 13 Novembre. Nous avons été particulièrement touchés par l’assassinat de notre compatriote Clarissa Jean Philippe. Mais, force est de constater que tous les autres crimes terroristes qui ont fait des centaines de tués et des milliers de blessés au Mali, au Kenya, en Tunisie, au Yémen, au Liban, en Turquie, en Afghanistan, au Pakistan et ailleurs, ont été indignement banalisés. Quant aux commentaires relatifs aux actes terroristes commis aux USA par les adeptes de la « suprématie blanche » contre 7 églises fréquentées par les afro-américains ou en Palestine occupée par des sionistes israéliens, ils ont été plus que parcimonieux. Rappelons aussi comment ont été traités les meurtres racistes d’hommes, de femmes et enfants noirs par des policiers aux Etats-Unis. 1100 civils ont été abattus par ces derniers en 2015 !

 

Les principaux médias occidentaux s’appliquent à susciter dans l’opinion une compassion sélective afin d’ouvrir la voie aux manœuvres des impérialistes. En occultant les enjeux et les véritables explications, en attisant des peurs irrationnelles, en associant de façon totalement éhontée le terrorisme à l’islam, ils permettent à leurs gouvernements de justifier l’adoption de législations liberticides, de piétiner le droit international et de légitimer leur interventionnisme militaire. Comme s’ils pouvaient ignorer la complicité des gouvernements occidentaux avec les monarchies du Golfe qui financent et arment les organisations terroristes ! Comme s’ils ne savaient pas que c’est leur politique de soutien aux pires dictatures et aux multinationales prédatrices qui alimente le vivier dans lequel sont recrutés les fanatiques.

 

En 2015, la poussée de l’extrême-droite s’est confirmée

 

Partout dans le monde, les gouvernements représentant les classes dominantes ont renforcé les dispositifs leur permettant de contrôler les individus et de réprimer les mouvements qui remettent en cause leur système.

 

Ainsi, soi-disant au nom de la lutte anti-terroriste, le gouvernement Français a annoncé qu’il dérogera à la Convention Européenne des Droits de l’Homme ; il a interdit des manifestations et assigné des écologistes à résidence. C’est dans ce contexte que s’explique la poussée de l’extrême droite. En France, le Front National a recueilli 6,8 millions de voix lors des dernières élections régionales et, dans tout le reste de l’Europe, la pieuvre étend ses tentacules : UKIP en Grande Bretagne, Ligue du Nord en Italie, de l’UDC en Suisse, FPÖ en Autriche, JobbiK en Hongrie, PPD au Danemark, Aube Dorée en Grèce, etc. En Pologne, la Présidence a été gagnée par le Parti ultraconservateur « Droit et justice » qui dispose de la majorité absolue au parlement. Par ailleurs, on constate que tous les gouvernements européens, qui prétendent dénoncer l’extrême droite, surfent sur des thèmes qui lui sont propres.

 

Les maîtres du monde ont compris que leur système est miné par les contradictions internes, par la corruption et par l’impossibilité de juguler les excès des multinationales et des spéculateurs.

 

-L’année 2015 a vu s’accroître encore les inégalités entre une minorité vivant dans un luxe insolent et l’écrasante majorité des habitants de la planète vivant dans une misère insupportable. Des millions de réfugiés ont dû encore fuir la famine et la guerre et des milliers d’entre eux ont péri en mer. Des dizaines de milliers d’êtres humains sont encore morts quotidiennement, victimes du terrorisme économique de l’impérialisme et du néo-libéralisme.

 

Jamais, les abus, la fraude et la corruption n’ont atteint un tel niveau, comme l’ont rappelé, par exemple, les scandales touchant des constructeurs automobiles, des institutions internationales comme la FIFA et même l’ONU ou encore les événements révélant les accointances entre maffia et pouvoirs politiques, en Italie, au Mexique, et ailleurs.

 

Les maîtres du monde sont tout à fait conscients que le système monétaire, sur lequel s’appuie tout leur mécanisme d’exploitation et de pillage, va imploser du fait de l’anarchie liée à la spéculation, de la coupure entre masse monétaire et économie réelle, et également avec la montée en puissance de la monnaie chinoise face au dollar.

 

Les pays impérialistes ont compris, aussi, que leur hégémonie est définitivement menacée par l’essor des puissances rivales et, aujourd’hui, ils jouent leur va-tout en intensifiant la subversion, en semant le chaos et, surtout, en se préparant à un conflit majeur.

 

-C’est ainsi qu’ils ont renforcé la guerre économique et les menées subversives contre les pays d’Amérique du Centre et du Sud, dont les dirigeants sont systématiquement diabolisés, alors que leurs politiques sociales ont pu arracher des millions d’êtres humains de la pauvreté. C’est seulement l’échec du blocus qui a contraint les USA à changer leur stratégie concernant Cuba.

 

- Au plan mondial, les dépenses militaires ont fortement augmenté. A titre d’illustration : au Japon, le budget de la Défense a augmenté pour la quatrième année consécutive pour atteindre le record de 41,4 milliards de dollars. Les ventes d’armement aux régimes les plus réactionnaires se sont intensifiées. Citons l’exemple de la vente de rafales par la France au régime obscurantiste et sanguinaire Saoudien. Les préparatifs de guerre vont bon train. L’accord sur le nucléaire signé avec l’Iran ne doit pas faire illusion. Les occidentaux n’y ont consenti que contraints par les difficultés à contenir DAECH, Al QAIDA et les Talibans. Leurs projets d’agression ne sont que suspendus.

 

2015 a confirmé que la mutation du monde est inéluctable

 

Mais, l’évolution des réalités et les événements survenus en 2015 ont clairement montré que les mutations qui affectent le monde sont inéluctables.

 

- Au détriment des impérialistes occidentaux, la Chine et d’autres pays émergents ont continué à progresser dans leur conquête des marchés internationaux et dans leurs partenariats avec les pays fournisseurs de matières premières. Des accords internationaux entre pays émergents, en dépit des vicissitudes, sanctionnent un basculement des forces au plan mondial.

 

- Si, à l’occasion de l’afflux massif de réfugiés en Europe, le débat s’est cristallisé sur l’aspect dramatique des situations et sur leurs conditions d’accueil, les phénomènes migratoires qui se développent au plan mondial, sont annonciateurs d’un profond bouleversement. Au-delà des informations européocentristes, il faut rappeler que ce sont environ 250 millions de migrants qui ont fui leur pays à cause des guerres, de la misère et des catastrophes climatiques. La « crise migratoire » en Europe n’a concerné que moins de 10 % de ce chiffre. Les déplacements de populations, qui seront de plus en plus constants et massifs, vont impacter profondément le visage du monde avec des modifications du tissu social et de l’organisation économique tant dans les pays de départ que dans les pays « d’accueil ».

 

- Le développement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication est l’un des autres facteurs qui rend irréversible la transformation du monde. S’il est vrai, qu’entre les mains des classes dominantes, elles sont outils de domination, d’exploitation et de mise sous tutelle de la société, les NTIC deviennent de plus en plus un champ de bataille où se joue l’avenir du système. En attestent les luttes idéologiques menées à travers les réseaux sociaux, les cyber-attaques mais aussi leur utilisation pour la construction d’alternatives.

 

- En 2015, la montée en puissance des luttes populaires et des dynamiques citoyennes, de par le monde, a illustré le fait que la désinformation et la répression ne suffisent plus à assurer la survie du système. Les peuples ont remporté de grandes victoires, comme au Burkina Faso où la mobilisation des masses a pu faire échec au coup d’état. Les mouvements alternatifs ont connu des succès électoraux exceptionnels. Toutefois, les coups d’état institutionnels orchestrés par les impérialistes, les pressions maffieuses exercées par les institutions financières, par exemple sur la Grèce, piétinant la souveraineté des peuples, indiquent que la bataille ne fait que commencer.

 

- Un autre facteur traduit la mutation qui s’est affirmée en 2015, c’est le développement des alternatives économiques. Partout, confrontées à la crise du système et aux conséquences dévastatrices des politiques néolibérales, les populations ont recouru à des stratégies de survie et ont réinstauré des circuits économiques décrochés du modèle dominant. L’économie Sociale et Solidaire, quoique soumises aux manœuvres de récupération par le système, a pu expérimenter des formes d’organisation alternative ouvrant la voie à la construction d’un autre monde.

 

Les solutions ne viendront jamais du système en place.

 

Au bout du compte, ce qu’a confirmé 2015, c’est que les classes dominantes, leurs institutions et leurs gouvernements, n’accepteront jamais d’abandonner leur hégémonie et leurs privilèges. Il s’agit donc pour les peuples de démasquer ceux qui, pour justifier les reniements, les compromissions et les moratoires, nient l’acuité de la lutte idéologique qui oppose des classes aux intérêts fondamentalement antagoniques. Il s’agit de tourner le dos à l’illusion que l’alternance entre partis politiques institutionnalisés permettra de changer la vie, pour construire et imposer l’alternative par l’engagement solidaire et la mobilisation populaire.

 

Les conditions de la victoire sont en nous!

 

Le monde fera un bond fantastique vers le meilleur, dès lors qu’en majorité nous aurons réalisé l’immense pouvoir dont nous pourrons disposer en nous libérant de toute aliénation et en reprenant le contrôle de notre vie. Il convient, d’abord, que nous prenions conscience du potentiel qui réside en chacune et en chacun d’entre nous. En changeant progressivement nos comportements individuels nous pouvons contribuer à améliorer la vie à un niveau que nous ne saurions imaginer.

 

Prendre des dispositions pour se libérer du conditionnement qui nous pousse à une consommation aveugle, c’est contribuer concrètement à combattre la pollution, les effets du changement climatique et c’est porter solution à maints problèmes de santé.

 

Se défaire de toutes les aliénations, conforter l’estime de soi, c’est rendre possible un épanouissement individuel et collectif, c’est ouvrir la voie à un modèle social, culturel et économique endogène pouvant contribuer au bonheur et au bien-être collectif.

 

Apprendre à se remettre en cause et se former à la compréhension des relations humaines, permet de retisser les liens et de favoriser le recul des violences.

 

Refuser le chauvinisme de chapelle, la personnalisation des débats, les affrontements politiciens qui s’apparentent à des « guerres de gangs », c’est contribuer à l’émergence d’une forme nouvelle de la politique, basée sur l’éthique et correspondant à l’intérêt collectif.

 

S’engager personnellement, au niveau possible, pour participer aux dynamiques alternatives, que ce soit sur les plans économique, culturel, éducatif, social ou politique, c’est s’acquitter de son devoir envers la société.

 

La démarche de transformation et l’engagement individuels du plus grand nombre sont la condition première pour changer la réalité. Mais, c’est la lutte organisée des masses qui permettra d’éradiquer la prédation capitaliste et impérialiste. La puissance et l’agressivité de la minorité qui profite du système ne doivent pas être sous-estimées.

 

Il n’est plus besoin de démontrer que la folie productiviste des exploiteurs menace la survie de la planète et de l’humanité. Alors, nous tous et toutes qui avons sincèrement à cœur de construire un monde plus juste, plus équitable, plus solidaire et plus heureux :

 

 Mobilisons nous et « nos rêves d’aujourd’hui seront les lois de demain ».

 

Martinique - 04 / 01 / 2015

 

 

https://www.alainet.org/fr/articulo/174645
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