Le temps des grandes manœuvres… dangereuses

04/11/2015
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 elecciones Haiti
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P-au-P., 02 nov 2015 [AlterPresse] --- Quand prennent fin les élections en Haïti, commencent les grandes manœuvres. Ou du moins, des opérations s’accélèrent et passent à la phase décisive pour permettre à certains groupes de s’emparer du pouvoir ou de le garder.

 

C’est à ce spectacle que l’on assiste depuis des dizaines d’années dans le pays, où l’expérience de transition démocratique a débuté en 1986, suite à la chute de la dictature trentenaire des Duvalier.

 

Huit rendez-vous électoraux présidentiels ont eu lieu au cours des 28 dernières années, avec très peu de cas où il n’y a pas eu à redire.

 

Si les premières élections générales de cette période ont été étouffées dans l’œuf par l’armée le 29 novembre 1987, très tôt, le signal a été donné, en terme de manœuvres pré ou post-électorales.

 

Au temps de l’armée, elle manoeuvrait grossièrement, comme avec les élections de janvier 1988, ayant suivi le massacre des électeurs de novembre de l’année précédente. Elle a concocté un coup d’État, trois mois après l’accession au pouvoir, en février 1988, de Leslie Manigat.

 

Plus tard, elle a laissé faire aux élections de décembre 1990, pour se rattraper sauvagement avec le soutien de ses tuteurs étrangers, en évinçant, en septembre 1991, le président élu Jean-Bertrand Aristide, au septième mois de son mandat de 5 ans.

 

Manœuvres et tractations ont empoisonné la vie politique à la veille des élections de 1995, après le retour d’exil, en octobre 1994, du président Aristide, devancé par les marines américains. Fallait-il récupérer les 3 ans d’exil ou organiser des élections au terme de son mandat, comme le prévoit la constitution ?

 

Il est vrai que l’élection présidentielle de 1995 n’a pas été questionnée. Mais des forces à peine dissimulées, sous la houlette de l’ancien président Aristide, ont pratiquement contrôlé les allées du pouvoir de René Préval, au point où ce dernier a reconnu qu’il ne faisait que chauffer le fauteuil présidentiel.

 

Dans sa toute-puissance à l’époque, Aristide a dominé le processus électoral, et le parti Lavalas a voulu rafler totalement les législatives de mai 2000.

 

Ce cas a été, maintes fois, évoqué ces derniers jours, puisque, comme le 21 mai 2000, les élections du 25 octobre 2015 se sont apparemment déroulées sans gros problème. Mais, dès la tombée de la nuit, des opérations obscures ont été entreprises pour trafiquer le vote.

 

Ces manœuvres imprudentes ont ouvert la voie à des crises en cascade, avec, au passage, la chute, en février 2004, d’Aristide, qui avait entamé un second mandat en 2001.

 

Après une transition de 2 ans, les élections de 2006 ont été accompagnées de fortes pressions internes et externes, et les résultats ont été proclamés, après le partage irrégulier des votes blancs entre les candidats arrivés en tête, pour éviter un second tour entre le favori René Préval et son poursuivant Leslie Manigat.

 

Les élections de 2010/2011 ont été, elles, émaillées de violences. La force a joué en faveur du candidat Michel Martelly contre Jude Célestin (poulain de Préval), à qui il a été refusé l’accès au second tour.

 

On sait aujourd’hui que, loin de la vérité des urnes, Martelly a été imposé par la communauté internationale : les ouvrages du professeur brésilien Ricardo Seitenfus, représentant de l’Organisation des États américains (Oea) et de la conseillère électorale Ginette Chérubin l’ont établi. Le directeur général du Conseil électoral provisoire (Cep) de 2011, Pierre-Louis Opont, devenu président de l’actuel Cep, l’a reconnu.

 

Comme en 2011, de grandes manœuvres seraient-elles en cours peu avant l’annonce des résultats préliminaires des scrutins présidentiel, législatifs et municipaux du 25 octobre 2015 ?

 

Des fraudes et irrégularités massives ont été dénoncées par des organisations nationales d’observation. Des rapports nuancés ont été publiés par des organismes internationaux d’observation, après avoir exprimé leur satisfaction du déroulement de la journée électorale.

 

Selon les informations disponibles, des bourrages d’urnes auraient été mis en œuvre suite à un vaste trafic de cartes de mandataires, délivrés par le Cep et dont le nombre est estimé à plus de 700,000. Ce trafic impliquerait différents partis présents dans la course.

 

L’institution électorale a mis en place une commission interne pour se pencher sur des plaintes concernant les irrégularités et fraudes. 162 plaintes ont été reçues.

 

Mais, tel que le lui rappelle une coalition d’organisations nationales d’observation, il appartient au Cep en tant qu’institution responsable de l’organisation des élections d’établir la vérité du vote.

 

C’est un bien grand défi.

 

Car, le Cep, qui n’a pas su sanctionner les crimes électoraux qu’il a lui-même documentés durant le premier tour des législatives du 9 août 2015, aurait à assurer, contre les manoeuvriers, l’authenticité des prochains résultats électoraux.

 

C’est donc le temps des grandes opérations où, paradoxalement, l’issue des élections se négocie. Les rapports de force dominent sous l’influence de la « diplomatie » internationale, parfois très peu diplomatique.

 

Quelle que soit la méthode, tous les moyens sont bons pour transmettre le pouvoir d’un président en poste à l’« élu » choisi. La « stabilité » est ainsi garantie.

 

Pourtant, des élections aux résultats échafaudés, arrangés, n’ont fait que nous conduire de crise en crise.

 

Il est temps d’en finir avec les manœuvres pré et post-électorales, néfastes à la construction démocratique en Haïti. L’avenir économique et social du pays passe par des processus crédibles de renouvellement du personnel politique, librement choisi par les citoyennes et citoyens.

 

Certes, cette affirmation ne renferme en soi aucune nouveauté. Mais, que d’obstacles pour que l’idée qu’elle sous-tend s’incruste dans la conscience de ceux et celles qui assument ou aspirent à endosser des responsabilités politiques.

 

Le rejet des élections frauduleuses ou arrangées est une exigence citoyenne. La lutte en faveur de la vérité des urnes et l’authenticité du vote est une vraie bataille démocratique.

 

3 novembre 2015

http://www.alterpresse.org/spip.php?article19132#.VjqCqG5lGyc

https://www.alainet.org/fr/articulo/173415
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