Investigation sur les activités de mercenaires
02/09/2006
- Análisis
Des membres du « Groupe de travail des Nations unies sur l’utilisation de mercenaires » visite présentement plusieurs pays d’Amérique latine, région où “l’on observe un nombre toujours grandissant de citoyens engagés par des compagnies sous-traitantes d’entreprises multinationales, qui ont une personnalité juridique dans le pays et qui prêtent des services à des pays tiers. »
Au Honduras, au Chili, au Pérou, en Colombie et possiblement en Équateur, des entreprises privées militaires et de sécurité ont recruté et envoyé des centaines de mercenaires combattre en Irak, pays occupé militairement par les États-Unis et leurs alliés. En Irak, il y aurait quelques 25 000 mercenaires, constituant la deuxième force d’occupation après les États-Unis et devançant ainsi l’armée britannique. Depuis 2003, le Bureau des Finances des États-Unis a accordé des contrats d’une valeur supérieure à 766 millions de dollars à des entreprises privées de sécurité.
Les experts Amanda Benavides et José Luis del Prado, deux des cinq membres du Groupe de travail créé par la Commission des Droits humains en 2005, ont commencé leur visite au Honduras, l’ont poursuivi en Équateur pour aller ensuite au Pérou, et ils sollicitent le consentement du gouvernement pour visiter le Chili. Dans ces pays, les entreprises de sécurité recrutent des personnes, principalement d’ex-militaires et d’ex-policiers, généralement avec des promesses de revenus alléchants, d’assurances et de garanties de condition de travail qui, dans bien des cas ne sont pas respectées et constituent un leurre. Plusieurs reviennent blessés ou ne reviennent jamais. Depuis le commencement de la guerre en Irak, quelques 428 mercenaires sont morts et 4 000 autres ont été blessés.
Selon Amanda Benavides, pour le recrutement, les entreprises tiennent compte de trois conditions fondamentales: 1) Dans des situations de chômage et de sous-emploi, la population est attirée par les salaires offerts, bien que ces gens sachent qu’ils vont a des endroits à très risqués et sans sécurité. 2) Les pays choisis présentent une très grande propension a migrer, les citoyens cherchent à émigrer. 3) Les entreprises privées de sécurité profitent de la faiblesse de la législation du pays pour recruter.
En août 2005, en Équateur, on a appris que la compagnie de sécurité “EPI & Security”, sans enregistrement légal, dirigée par le citoyen étasunien Jeffrey Shippy, aurait engagé et recruté, par le biais d’annonces dans les journaux, des Équatoriens et des Colombiens pour aller travailler à l’étranger. Quand l’affaire est arrivée aux oreilles des autorités, Shippy, s’est échappé sans que les juges n’aient pu réussi à clarifier la situation. Ancien pompier, il travaillait pour la compagnie Dyncorp des États-Unis, laquelle prête ses services sur la base étasunienne de Manta (Équateur), dans le cadre de l’opération « Plan Colombia. Le Groupe de travail des Nations unies a recommandé qu’il y ait « une conclusion rapide de l’investigation entreprise par les autorités compétentes.
La Coalition « Pas de bases militaires en Équateur », intégrée par des organisations de la société civile, a présenté au Groupe un rapport élaboré dans lequel elle questionne les services de Dyncorp par les Forces de l’air des États-Unis en appui aux opérations de certaines bases militaires, y compris celle de Manta. Cela implique, selon la Coalition, la privatisation de la guerre dans les opérations de Manta. Ainsi l’Équateur se voit indirectement impliqué dans la guerre sale colombienne, main dans la main avec une compagnie privée qui opère en Colombie et en Équateur dans des régions de hautement exposées à la guerre et ce, sans aucune supervision ni contrôle des autorités équatoriennes.
Lors de sa visite au Honduras, les fonctionnaires des Nations unies ont découvert des évidences et des nouveautés dans leur recherche. De ce pays, entre août et octobre 2005, seraient partis 218 Honduriens, 105 Chiliens et 18 Nicaraguayens, pour travailler comme “gardiens de sécurité”. Certains Honduriens ont commencé à retourner chez eux en avril suivant, prétextant les mauvais traitements et le changement dans leurs fonctions. Actuellement, ils resterait 60 Honduriens au Moyen Orient. La compagnie étasunienne qui les a recrutés est la “Your Solution”, celle-la même qui n’aurait pas respecté les conditions du contrat en matière de paiements, d’assurances et de services de santé. Selon les fonctionnaires des Nations unies, les Honduriens avaient « de mauvaises conditions de travail, un nombre excessif d’heures de travail, non-paiement ou paiement incomplet de la rémunération, un traitement dégradant, une situation d’isolement et de non respect des besoins de base. »
Les Honduriens engagés initialement pour servir comme gardiens de sécurité pour les installations et les convois de distribution d’aide humanitaire, ont fini comme combattants de guerre avec des mitrailleuses de gros calibre.
Après avoir rencontré les autorités de l’État et des organismes publics, le Groupe de travail a fait remarquer que l’État hondurien est responsable par omission des problèmes vécus par les Honduriens en Irak. La mission de l’ONU a également publié des rapports sur les 105 Chiliens recrutés comme mercenaires en Irak, qui ont reçu un entraînement militaire au Honduras, faisant remarquer à la chancellerie et au ministère de la Défense et de la sécurité, qu’ils se devaient de réagir énergiquement face à la présence de ces Chiliens au Honduras.
Dans le cas du Pérou, des informations de la presse indiquent que des centaines de Péruviens ont été recrutés par l’entreprise « 3 D Global Solutions », par le biais de sa filiale à Lima, « Gestión de Seguridad Sociedad Anónima Cerrada (GESEGUR SAC). Un mercenaire péruvien, qui a préféré garder l’anonymat et qui est rentré d’Irak après y être demeuré seulement un mois, a confessé au journal La Razón de Lima qu’alors que les mercenaires des pays développés reçoivent des salaires de 9 à 12 mille dollars par mois, on paie les Péruviens à peine 1000 dollars, ce qui équivaut à « une aumône à des mendiants ».
Le Groupe de travail a exprimé sa préoccupation pour les droits des personnes dans les entreprises de sécurité, mais que se passe-t-il avec les droits humains de leurs victimes ?, puisqu’on accuse les mercenaires de commettre des tortures et d’autres actes atroces, et en cela, quel rôle jouent les États. C’est la question que nous avons posée à Armanda Benavidez.
Voici sa réponse : « Comme nous parlons du cas latino-américain, nous sommes centrés sur les droits des latino-américains qui sont violés par ces entreprises, mais définitivement, une forme utilisée pour contourner certaines responsabilités des États est d’utiliser des sous-traitants pour des fonctions qui auparavant dépendaient de l’Armée et qui sont maintenant le fait des sous-traitants. C’est là que se trouve le vide légal international, car les États et les Armées nationales sont fortement contrôlés contre les abus des droits humains aux populations, mais ces sous-traitants qui parfois opèrent à côté des entreprises des Armées no sont pas contrôlées de la même manière que les Armées et les sociétés d’État. D’où notre défi d’essayer de préciser quelques éléments qui permettent que ce vide légal ne soit pas utilisé au profit des entreprises. Effectivement, il y a eu des cas d’employés des entreprises qui ont été reliés à des violations graves des droits dans d’autres contextes de conflit armé ou de conflit mondial. »
Les fonctionnaires des Nations unies devront présenter deux rapports : un premier au nouveau Conseil des Droits humains et l’autre à l’Assemblée générale des Nations unies. Madame Benavides a ajouté : « Un des éléments imposé par le mandat est de proposer de nouvelle règles légales pour qu’on puisse tenir compte de ce vide juridique qui existe entre les entreprises militaires de sécurité et les entreprises transnationales de sécurité et qu’on ne permette plus cette zone grise dans laquelle ces entreprises se meuvent et opèrent. En ce sens, nous avons comme obligation, comme mandat, de définir, faire une proposition de règles internationales et qui, probablement, pourrait conduire à un protocole additionnel à la Convention international contre le recrutement, l’utilisation et l’entraînement de mercenaires de 1989 ».
Article en français :
"Colombie: ex-officiers de l'armée et de la police mercenaires en Irak"
Articles en espagnol :
“Las empresas privadas de seguridad:¿Mercenarios o corsarios del Siglo XXI?”, José L. Gomez del Prado,
https://www.alainet.org/fr/articulo/161912?language=en
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