Lettre à Barak Obama

16/02/2009
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Buenos Aires, le 9 février 2009

Monsieur Barak Obama, Président des Etats-Unis d'Amérique du Nord,

Recevez un fraternel salut de Paix et de Bien.

Je voudrais d'abord vous souhaiter beaucoup de force et d'espoir pour le plus grand bien du peuple nord-américain et pour le monde entier.

Après un parcours difficile, vous êtes parvenu à une nouvelle étape de votre vie politique en commençant à assumer la Présidence des Etats-Unis d'Amérique du Nord où vous êtes confronté à de très grands défis pour surmonter les conflits et les guerres et récupérer les espaces perdus. Vous avez sans doute pris conscience que vous êtes arrivé à la tête du gouvernement, mais non au véritable pouvoir.

Le système de domination actuel a développé une grande capacité pour se recycler et se reproduire en utilisant toute une stratégie de pressions pour domestiquer et soumettre les gouvernants. Il existe pourtant des peuples et des gouvernants qui ne se laissent pas domestiquer et qui font preuve d'une grande capacité de résistance en luttant pour leur liberté d'action. Mais, malheureusement, certains autres se soumettent et sont colonisés et gouvernés par les plus forts. Ils deviennent domesticables comme ces petits chiens qui attendent que leur maître leur donne un os à ronger et qui remuent la queue en signe de remerciement.

Depuis quelques jours, vous vous trouvez confronté au pouvoir exécutif; vous vous rendez compte que c'est une chose de vouloir le changement et autre chose de pouvoir changer le tour des choses et que, de toutes façons, la bonne volonté ne suffit pas. Vous rencontrez de sérieuses difficultés face à ceux qui détiennent le pouvoir réel et qui décident de ce qu'ils vont vous laisser faire. Vous devrez rompre avec ces conditionnements et résister aux pressions afin de pouvoir appliquer des politiques nouvelles pour le plus grand bien de votre peuple qui espère que vous allez enfin prendre en compte les problèmes toujours en suspend comme ceux de la pauvreté, du chômage, de l'analphabétisme, de la qualité de la vie et de tout ce qui va contre le consumérisme.

Ce n'est pas là un chemin très facile mais le peuple vous demande de revenir à ces principes de base et à ces valeurs éthiques qui forment la base fondatrice de ce grand pays.

En ce qui concerne la prison de Guantánamo et la base militaire que les Etats-Unis possèdent à Cuba, je voudrais vous poser une question: “Avez-vous réellement fermé ce centre de torture ou en avez-vous seulement exprimé le désir?... Est-ce que votre gouvernement est disposé à restituer à Cuba cette base militaire de Guantánamo qui est occupée illégalement?... Va-t-il enfin lever le blocus immoral et injuste contre le peuple cubain et va-t-il aussi revoir la situation des cinq prisonniers cubains qui sont victimes aux Etats-Unis d'un jugement infâme prononcé par des juges influencés par les pressions ou même complices?”… Vous aves dit que votre gouvernement établirait un dialogue même avec les pays qui ne partagent pas les mêmes critères et les mêmes options politiques que le vôtre. Le moment est venu de réaliser ce souhait en respectant le droit, guidé par la Vérité et la Justice.

Il est urgent d'arrêter définitivement de pratiquer la torture aux Etats-Unis, mais aussi à Abou Graïb en Irak et en Afghanistan, cette torture pratiquée par les soldats nord-américains et leurs alliés. Il s'agit là de pratiques aberrantes qui offensent l'humanité. Toute personne, qu'elle soit coupable ou non, a droit à un procès juste et doit pouvoir exercer sa défense et ne pas être traitée de façon inhumaine, cruelle et dégradante. Cela viole les bases fondamentales du droit.

C'est un fait très préoccupant qu'une des premières mesures de votre gouvernement ait été d'ordonner des bombardements en Afghanistan. Ces bombardements ont tué bien des personnes de la population civile (d'après le journal pakistanais “The News” du 25/1/2009). Tout cela en prétextant que ce sont des “terroristes”. Vous avez aussi décidé d'envoyer 30.000 soldats de plus dans ce pays pour “défendre la démocratie”. Il faut faire très attention avec ces mots vides de tout contenu.

Monsieur le Président, ne répétez pas les erreurs du Vietnam. Souvenez-vous de Brian Wilson, ce “héros de la guerre du Vietnam” qui, écœuré par tant de morts et de mensonges, s'est rebellé pour ne pas être complice de ces massacres. Avec courage, il a dénoncé le gouvernement et l'armée de son progrès pays pour toutes les atrocités commises avec des “bombes à fragmentation” lancées sur la population civile vietnamienne. Brian est la véritable conscience du peuple nord-américain. Il a travaillé pour construire la Paix.

 Maintenant, ces mêmes “bombes à fragmentation”, on les jette sur le peuple irakien en recourant aux mensonges et à la désinformation. “Qu'est-ce qui a changé depuis le temps où Thomas Merton disait: “Nous vivons sous la tyrannie du mensonge que le pouvoir confirme en établissant un contrôle chaque fois plus complet sur tous les hommes”?... 

Vous même, en tant que sénateur, vous vous êtes opposé à la guerre contre l'Irak, car vous connaissiez les mensonges et les faux arguments de l'administration qui vous a précédé et qui a fait voter la guerre à la Chambre des Représentants en assumant toutes ces faussetés.

Je me souviens de cet ancien proverbe zen qui dit: “Le fou court vers l'Est et son gardien court aussi vers l'Est. Tous les deux courent vers l'Est mais avec des intentions différentes”. Vous aussi, Monsieur le Président, depuis la Maison Blanche, vous devrez découvrir le chemin et savoir vers où vous courrez. J'espère que cela ne sera pas en reniant l'humanité. 

 Comme sénateur, votre attitude a été très digne en refusant la guerre d'Irak. Maintenant, il faut à tout prix renforcer cette attitude pour parvenir à l'unité et à la paix dans votre peuple et dans bien d'autres parties du monde où les Etats-Unis ont été entrainés dans des guerres et des conflits. Mais, si vous n'avez pas la Paix dans votre esprit et dans votre cœur, vous ne pourrez pas l'imposer dans votre pays et contribuer ainsi à la paix dans le monde.

L'héritage que vous devez assumer est complexe, surtout quand il s'agit par exemple de l'alliance inconditionnelle avec Israël sur le plan économique, militaire et politique dans le conflit contre le peuple palestinien qui dure depuis 60 ans. Ni les Républicains, ni les Démocrates ne sont parvenus à mettre fin à ce bain de sang entre les deux peuples qui devraient pouvoir partager cette “Terre Sainte” comme un patrimoine de l'humanité, alors que la haine les divisions, les intérêts économiques et politiques et les fondamentalismes de tout bord l'ont convertie en “Terre de sang, de souffrance et de mort”. Quand cela va-t-il s'arrêter?....

Chaque peuple a le droit d'exister, d'être souverain et libre avec ses propres valeurs et sa spiritualité. Et pourtant, on refuse tous ces droits au peuple palestinien et on le prive de sa liberté et de sa souveraineté et après tout cela, on l'accuse d'être “terroriste”. Pour tous ceux qui détiennent le pouvoir de domination pour faire la guerre et trafiquer avec la drogue, c'est là un fructueux commerce où ils peuvent ne pas payer d'impôts. Ils gardent ainsi la liberté de décider de la vie et de la mort des peuples. Ont-ils complètement chassé Dieu de leur conscience et de leur vie?...

Il faut choisir. La question est de savoir si votre gouvernement aura une politique capable d'en terminer avec ce conflit ou si cela va continuer de la même façon avec seulement un peu de cosmétique progressiste. Nous restons dans l'expectative. Je dois vous dire que je suis un pessimiste plein d'espérance: je crois qu'il y aura toujours une lumière pour éclairer notre chemin.

Quand le frère Martin Luther King disait: “J'ai fait un rêve…”, il parlait aussi de ce rêve que nous avons tous en nous et que nous voulons transformer en réalité pour tous et pour toutes.

Monsieur le Président, ou bien vos pas, votre conscience et vos actes construiront, jour après jour, la révolution de la Paix, ou bien ils accepteront d'être encore domestiqués par les puissants comme un petit chien. Nous espérons que vous prendrez les bonnes décisions.

Je vous envoie une fraternelle accolade et je vous redis mon salut de Paix et de Bien. (Traduction: Francis Gély)

Adolfo Pérez Esquivel

https://www.alainet.org/fr/articulo/132393?language=es
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