La face cachée de la crise alimentaire:

De multiples violations des droits des paysans

21/06/2008
  • Español
  • English
  • Français
  • Deutsch
  • Português
  • Opinión
-A +A

Environ 1000 petits paysans et paysannes du Mouvement International Via Campesina, de 25 pays différents et de 12 provinces indonésiennes se sont réunis aujourd’hui à Djakarta en vue de réclamer leur droit de manger et de nourrir leurs familles et leurs communautés. Ils vont participer pendant cinq jours à la Conférence Internationale sur les Droits des Paysans afin d’attirer l’attention à niveau mondial sur le sort des petits producteurs agricoles. Ils représentent presque la moitié de la population mondiale et sont la colonne vertébrale du système alimentaire. Pour autant, leurs droits sont systématiquement violés.

Des petits paysans sont expulsés de leur terre afin de laisser de l’espace pour les grandes plantations ou la construction de zones industrielles, résidentielles ou commerciales. Par exemple en Indonésie, le 29 janvier 2008, 35 agents de sécurité de la plantation nationale PTPN IV Adolina, aidés par 70 policiers du district de Deli Serdan, ont détruit 30 hectares de terre plantés de maïs et de casava appartenant de petits paysans. Sept d’entre eux ont été arrêtés en essayant de défendre leurs récoltes (ils ont été relâchés). L’entreprise a mis a nu la terre pour ensuite y planter des palmiers pour la production d’huile de palme. Le Rapporteur spécial des Nations unies sur le Droit au Logement estime qu’environ 71,6% des ménages en Afrique, Amérique Latine  et Asie de l’Est et de l’Ouest (à l’exclusion de la Chine) n’ont plus de terre ou seulement des petits lopins de terre (1). En outre, les paysannes subissent une double marginalisation en tant que paysannes et en tant que femmes. Ce sont elles qui assument la plus grande partie des travaux agricoles mais elles ont moins accès à la terre, aux ressources, aux revenus et aux prises de décisions que les hommes.

Les politiques commerciales actuelles contraignent à la libéralisation des marchés alimentaires et engendrent une invasion des marchés nationaux par des aliments importés. Au Mexique, les accords de libre échange ont conduit à une importation massive de maïs à bas prix depuis les USA. Les agriculteurs locaux, ne pouvant plus être compétitifs, ont perdu leur gagne pain. L’augmentation récente des prix du maïs sur le marché mondial a fortement augmenté le nombre de personnes souffrant de la faim au Mexique. De nombreux petits paysans disparaissent partout dans le monde. En Turquie, une famille de paysans quitte la terre toutes les 50 secondes. Depuis 2 ans, les paysans ne pouvant plus rembourser leurs emprunts ont commencé à se suicider et cette situation n’a fait qu’empirer depuis.

Les organisations paysannes luttant pour défendre leurs droits, l’accès à la terre, à l’eau, aux semences, en particulier celles qui réclament une plus grande participation aux politiques agricoles sont l’objet  de criminalisation et de répression violente. Au Brésil, en 2007, environ 4.340 familles ont été expulsées de leurs terres par des entreprises privées et 28 personnes ont été assassinées 259 ont reçu des menaces de mort à cause de conflits liés à la terre (2).  En novembre 2007, Valmir Mota d'Oliveira (Keno), un leader paysan de la Via Campesina Brésil a été  assassiné par les services de sécurité employés par la multinationale Syngenta lors de l’occupation des terres (3).

En Indonésie au cours de 2007, plus de 196.179 hectares de terres agricoles ont été expropriés et plus de 166 paysans ont été arrêtés et /ou ont subi des violences, 12 personnes ont été blessées et 8 tuées lors de conflits agraires. (4).

Les paysans et leurs alliés, participant à la Conférence internationale de Djakarta vont présenter la situation existante dans leurs pays et unir leurs forces afin que leurs droits puissent être reconnus et appliqués.

Via Campesina demande aux Nations unies de créer un cadre juridique international reconnaissant les Droits des Paysans. Via Campesina pressent leurs gouvernements et les organisations internationales d’assumer leurs responsabilités et d’appliquer  les droits des petits paysans en encourageant une agriculture paysanne durable, en lançant la réforme agraire et en développant les marchés locaux.

La crise alimentaire actuelle et celle de l’environnement sont la conséquence d’une agriculture extensive, du contrôle de la chaîne alimentaire par les multinationales et de la libéralisation du marché des aliments. Tout ceci a entraîné la destruction de l’environnement et le remplacement  de la petite ferme familiale par de très larges exploitations agricoles. L’alimentation se trouve maintenant dans les mains des investisseurs et des spéculateurs. De telles politiques ont dépouillé les paysans de leur revenu et a jeté la population du monde dans une crise alimentaire mondiale.

C’est maintenant aux gouvernements de résoudre la crise qu’ils ont créée alors qu’ils pensaient que le libre-échange suffirait à organiser les marchés et à nourrir la planète. Il est temps de rediriger les politiques agricoles vers une production alimentaire à échelle humaine, une agriculture durable et des marchés locaux. L’alimentation n’est pas seulement le problème des paysans, elle concerne l’humanité entière.

(1)       E/CN.4/2003/5/Add.1

(2)       Conflictos no Campo Brasil, CPT, 2007

(3)       More information on www.viacampesina.org

(4)       Serikat Petani Indonesia - Report on Peasant's Rights Violations – 2007


https://www.alainet.org/fr/articulo/128297?language=es
S'abonner à America Latina en Movimiento - RSS