40 ans après le départ de Martin Luther King
04/04/2008
- Opinión
Ils ont voulu faire taire sa voix et ils n'ont pas réussi car elle se manifeste avec encore plus de force et perdure toujours à travers le temps. “J'ai fait un rêve qu'un jour nous serions assis tous ensemble autour de la table de la fraternité, sans aucune différence, comme des frères”…
Ce rêve de Martin Luther King reste toujours présent et nous devons le faire entrer dans la réalité de notre vie quotidienne, dans nos pays et dans le monde. Actuellement, nous nous trouvons face à des situations d'intolérance et de violence du pouvoir qui déclare et impose des guerres, des conflits, des famines et de la discrimination. Aujourd'hui, nous en voyons l'application contre les immigrants aux Etats-Unis et en Europe avec le rejet et les expulsions de milliers de personnes qui recherchent seulement des conditions de vie plus justes et plus dignes que celles qu'ils ont dans leurs pays d'origine. Ils doivent pour cela supporter la violence et subir la peur, la prison et l'expulsion.
Nous voulons à présent faire mémoire et nous souvenir de cette femme noire qui a déclanché la rébellion face aux injustices de la discrimination raciale. Elle n'a dit qu'un seul mot: “Basta !”, “Ca suffit !”… Rosa Park a décidé de s'asseoir dans le bus sur un siège interdit par les lois de ségrégation raciale, et elle a refusé de céder sa place. Elle a dit simplement “ça suffit” à ces lois injustes et elle a dû assumer les conséquences de son acte de résistance. Pour cela, elle a été arrêtée et condamnée.
C'est alors que Martin Luther King a pris la tête d'une grande marche de plus de 50 mille noirs et lui aussi a été arrêté, malgré la décision du Tribunal Suprême qui avait déclaré que la législation sur la discrimination raciale était inconstitutionnelle. Henri Thoreau au XIXème siècle avait déjà pratiqué la résistance civile non-violente.
Il avait déjà dit que toutes les lois ne sont pas justes et que, en conscience, on doit désobéir aux lois injustes et se tenir prêt à assumer les conséquences de sa désobéissance. Il avait aussi déclaré que “ce qui est légal n'est pas toujours juste et ce qui est juste n'est pas toujours légal”.
Le Révérend Martin Luther King, Pasteur Baptiste, a bien compris cet acte de courage et de résistance civile de Rosa Park et il a décidé d'assumer le défi ensemble avec ses frères de couleur, de faire entendre la voix des Noirs et de réclamer leurs droits.
Pour cela, il leur a fallu s'organiser dans la résistance et prendre des décisions face à ces injustices. L'Evangile avec la non-violence comme force de libération était en train de devenir réalité. Le fait de vivre la Foi et l'Espérance dans cette résistance civile leur a permis de changer la situation d'injustice que vivaient alors tous leurs frères de couleur en Amérique du Nord.
Avec le temps, cette lutte et cette résistance sociale ont porté des fruits. 40 ans après l'assassinat de Martin Luther King, ce grand pays a un candidat à la présidence de la Nation qui est un frère de couleur, Barak Obama. Il y a seulement quelques années, c'était vraiment imprévisible et cela aurait paru très insolite alors qu'aujourd'hui, c'est une réalité.
Les sociétés ne sont pas statiques. Sous une forme ou sous une autre, toutes sont soumises à une dynamique permanente de transformation et c'est ce qui manifeste la grande richesse des peuples. Mais, ce qui arrive actuellement est vraiment quelque chose d'inédit: un noir et une femme sont en campagne électorale pour être candidats à la présidence des Etats-Unis.
L'exemple et le témoignage de vie de Martin Luther King représentent un vrai défi pour notre temps. Il s'est abreuvé à la fois aux sources de la religion chrétienne et à celle du prophète de la non-violence qui a lutté pour la libération de l'Inde, le Mahatma Gandhi qui, voici 60 ans cette année, est mort assassiné par un fanatique alors qu'il cherchait un rapprochement entre les Musulmans et les Indous pour réaliser l'unité et empêcher la séparation entre l'Inde et le Pakistan.
Cela fait quelques années, je suis allé en Inde, à Bombay, dans la maison-musée du Mahatma Gandhi et j'ai pu converser avec ceux qui ont été ses disciples et ses compagnons de militance durant la lutte pour la libération de l'Inde. Aujourd'hui, ce sont des personnes d'un certain âge qui essayent de transmettre leurs expériences de vie aux nouvelles génératons. Nous avons parcouru ensemble cette maison-musée où vivait Gandhi. Ils m'ont raconté que Martin Luther King était venu les visiter et qu'il leur avait demandé de le laisser dormir une nuit sur la terrasse dans le petit lit où Gandhi dormait et se reposait. Il avait besoin de prier et d'écouter le silence pour ressentir les vibrations de la non-violence. Le lendemain, il leur a dit qu'il avait passé cette nuit en prière et en communion avec cet endroit où Gandhi avait vécu et que cette expérience l'avait beaucoup aidé à fortifier son énergie afin de pouvoir repartir avec plus de force dans son pays sur les chemins de la résistance non-violente.
Un de ses discours les plus importants et dont on se souvient encore, c'est celui de la marche du 28 août 1963 à Washington, discours prononcé devant 200.000 personnes et devant des millions de téléspectateurs, pour demander que soit approuvé une législation sur le droit de vote des noirs et sur la fin de la ségrégation dans les services publics. Un an plus tard, il recevait la Prix Nobel de la Paix.
Sa tâche a été vraiment dure pour organiser les marches dans les temples protestants, pour créer une méthodologie de résistance non-violente face aux injustices, sans répondre à la haine par la haine, et pour enrayer la spirale de la violence afin de parvenir à la résolution des conflits. C'est ainsi qu'ont été organisées les manifestations pour réclamer les droits civils, en ouvrant des espaces à tous ceux qui comprenaient bien que l'objectif à atteindre, c'était le droit et l'égalité pour tous en tant que citoyens et citoyennes. De plus, à cette époque, Martin Luther King a aussi compris que les problèmes de fond allaient bien au-delà de la lutte pour le droit des noirs. Il sentait aussi le besoin d'assumer pleinement les problèmes sociaux et culturels indiqués par les indices de pauvreté. Pour lui, les droits devaient s'étendre à la société toute entière.
De réformiste qu'il était au début, il est devenu beaucoup plus radical en réclamant des changements profonds dans la société. Il s'est mis à critiquer avec force la guerre du Vietnam. Il a aussi dû débattre avec d'autres leaders noirs qui étaient en faveur de la violence pour parvenir à des changements radicaux dans le pays, comme Malcom X et Carmichael.
40 ans après son départ, il nous a laissé son exemple et le défi d'un rêve que nous devons transformer en réalité, celui d'arriver à partager la fraternité dans la diversité.
Moi, j'ajouterais que, dans ce défi, nous devons partager le pain qui alimente le corps et l'esprit et partager aussi la liberté, car sans pain et sans liberté, nous n'avons plus la capacité d'Aimer et, sans amour, le monde perd tout son sens.
Je ne puis m'empêcher de signaler que c'est aussi le 4 avril de l'année 1977 que j'ai été détenu dans le Département central de la Police Fédérale argentine et que de là, on m'a conduit dans la prison de la dictature militaire. C'était aussi le premier jour de la Semaine Sainte. Il s'est passé 31 ans depuis et bien souvent je me souviens de ce moment-là et de ce temps de résistance et de prière dans la prison. Je me souviens aussi que dans ce centre de torture, dans le cachot, ce boyau de l'horreur, un prisonnier ou une prisonnière avait écrit avec son propre sang: “Dios no mata”, “Dieu ne tue pas”. C'est un cri que je ne peux oublier et qui me fait penser à tous ceux “qui ont donné leur vie pour donner la vie”.
Buenos Aires, le 4 avril 2008
Ce rêve de Martin Luther King reste toujours présent et nous devons le faire entrer dans la réalité de notre vie quotidienne, dans nos pays et dans le monde. Actuellement, nous nous trouvons face à des situations d'intolérance et de violence du pouvoir qui déclare et impose des guerres, des conflits, des famines et de la discrimination. Aujourd'hui, nous en voyons l'application contre les immigrants aux Etats-Unis et en Europe avec le rejet et les expulsions de milliers de personnes qui recherchent seulement des conditions de vie plus justes et plus dignes que celles qu'ils ont dans leurs pays d'origine. Ils doivent pour cela supporter la violence et subir la peur, la prison et l'expulsion.
Nous voulons à présent faire mémoire et nous souvenir de cette femme noire qui a déclanché la rébellion face aux injustices de la discrimination raciale. Elle n'a dit qu'un seul mot: “Basta !”, “Ca suffit !”… Rosa Park a décidé de s'asseoir dans le bus sur un siège interdit par les lois de ségrégation raciale, et elle a refusé de céder sa place. Elle a dit simplement “ça suffit” à ces lois injustes et elle a dû assumer les conséquences de son acte de résistance. Pour cela, elle a été arrêtée et condamnée.
C'est alors que Martin Luther King a pris la tête d'une grande marche de plus de 50 mille noirs et lui aussi a été arrêté, malgré la décision du Tribunal Suprême qui avait déclaré que la législation sur la discrimination raciale était inconstitutionnelle. Henri Thoreau au XIXème siècle avait déjà pratiqué la résistance civile non-violente.
Il avait déjà dit que toutes les lois ne sont pas justes et que, en conscience, on doit désobéir aux lois injustes et se tenir prêt à assumer les conséquences de sa désobéissance. Il avait aussi déclaré que “ce qui est légal n'est pas toujours juste et ce qui est juste n'est pas toujours légal”.
Le Révérend Martin Luther King, Pasteur Baptiste, a bien compris cet acte de courage et de résistance civile de Rosa Park et il a décidé d'assumer le défi ensemble avec ses frères de couleur, de faire entendre la voix des Noirs et de réclamer leurs droits.
Pour cela, il leur a fallu s'organiser dans la résistance et prendre des décisions face à ces injustices. L'Evangile avec la non-violence comme force de libération était en train de devenir réalité. Le fait de vivre la Foi et l'Espérance dans cette résistance civile leur a permis de changer la situation d'injustice que vivaient alors tous leurs frères de couleur en Amérique du Nord.
Avec le temps, cette lutte et cette résistance sociale ont porté des fruits. 40 ans après l'assassinat de Martin Luther King, ce grand pays a un candidat à la présidence de la Nation qui est un frère de couleur, Barak Obama. Il y a seulement quelques années, c'était vraiment imprévisible et cela aurait paru très insolite alors qu'aujourd'hui, c'est une réalité.
Les sociétés ne sont pas statiques. Sous une forme ou sous une autre, toutes sont soumises à une dynamique permanente de transformation et c'est ce qui manifeste la grande richesse des peuples. Mais, ce qui arrive actuellement est vraiment quelque chose d'inédit: un noir et une femme sont en campagne électorale pour être candidats à la présidence des Etats-Unis.
L'exemple et le témoignage de vie de Martin Luther King représentent un vrai défi pour notre temps. Il s'est abreuvé à la fois aux sources de la religion chrétienne et à celle du prophète de la non-violence qui a lutté pour la libération de l'Inde, le Mahatma Gandhi qui, voici 60 ans cette année, est mort assassiné par un fanatique alors qu'il cherchait un rapprochement entre les Musulmans et les Indous pour réaliser l'unité et empêcher la séparation entre l'Inde et le Pakistan.
Cela fait quelques années, je suis allé en Inde, à Bombay, dans la maison-musée du Mahatma Gandhi et j'ai pu converser avec ceux qui ont été ses disciples et ses compagnons de militance durant la lutte pour la libération de l'Inde. Aujourd'hui, ce sont des personnes d'un certain âge qui essayent de transmettre leurs expériences de vie aux nouvelles génératons. Nous avons parcouru ensemble cette maison-musée où vivait Gandhi. Ils m'ont raconté que Martin Luther King était venu les visiter et qu'il leur avait demandé de le laisser dormir une nuit sur la terrasse dans le petit lit où Gandhi dormait et se reposait. Il avait besoin de prier et d'écouter le silence pour ressentir les vibrations de la non-violence. Le lendemain, il leur a dit qu'il avait passé cette nuit en prière et en communion avec cet endroit où Gandhi avait vécu et que cette expérience l'avait beaucoup aidé à fortifier son énergie afin de pouvoir repartir avec plus de force dans son pays sur les chemins de la résistance non-violente.
Un de ses discours les plus importants et dont on se souvient encore, c'est celui de la marche du 28 août 1963 à Washington, discours prononcé devant 200.000 personnes et devant des millions de téléspectateurs, pour demander que soit approuvé une législation sur le droit de vote des noirs et sur la fin de la ségrégation dans les services publics. Un an plus tard, il recevait la Prix Nobel de la Paix.
Sa tâche a été vraiment dure pour organiser les marches dans les temples protestants, pour créer une méthodologie de résistance non-violente face aux injustices, sans répondre à la haine par la haine, et pour enrayer la spirale de la violence afin de parvenir à la résolution des conflits. C'est ainsi qu'ont été organisées les manifestations pour réclamer les droits civils, en ouvrant des espaces à tous ceux qui comprenaient bien que l'objectif à atteindre, c'était le droit et l'égalité pour tous en tant que citoyens et citoyennes. De plus, à cette époque, Martin Luther King a aussi compris que les problèmes de fond allaient bien au-delà de la lutte pour le droit des noirs. Il sentait aussi le besoin d'assumer pleinement les problèmes sociaux et culturels indiqués par les indices de pauvreté. Pour lui, les droits devaient s'étendre à la société toute entière.
De réformiste qu'il était au début, il est devenu beaucoup plus radical en réclamant des changements profonds dans la société. Il s'est mis à critiquer avec force la guerre du Vietnam. Il a aussi dû débattre avec d'autres leaders noirs qui étaient en faveur de la violence pour parvenir à des changements radicaux dans le pays, comme Malcom X et Carmichael.
40 ans après son départ, il nous a laissé son exemple et le défi d'un rêve que nous devons transformer en réalité, celui d'arriver à partager la fraternité dans la diversité.
Moi, j'ajouterais que, dans ce défi, nous devons partager le pain qui alimente le corps et l'esprit et partager aussi la liberté, car sans pain et sans liberté, nous n'avons plus la capacité d'Aimer et, sans amour, le monde perd tout son sens.
Je ne puis m'empêcher de signaler que c'est aussi le 4 avril de l'année 1977 que j'ai été détenu dans le Département central de la Police Fédérale argentine et que de là, on m'a conduit dans la prison de la dictature militaire. C'était aussi le premier jour de la Semaine Sainte. Il s'est passé 31 ans depuis et bien souvent je me souviens de ce moment-là et de ce temps de résistance et de prière dans la prison. Je me souviens aussi que dans ce centre de torture, dans le cachot, ce boyau de l'horreur, un prisonnier ou une prisonnière avait écrit avec son propre sang: “Dios no mata”, “Dieu ne tue pas”. C'est un cri que je ne peux oublier et qui me fait penser à tous ceux “qui ont donné leur vie pour donner la vie”.
Buenos Aires, le 4 avril 2008
https://www.alainet.org/fr/articulo/126765
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