De carnaval aux immenses plantations de canne à sucre

16/04/2007
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Le Brésil est le pays du carnaval. Ici on ne peut vivre sans les cinq « f » : foi, fête, farine, fève et le football. Toute cette joie est en danger de se transformer dans une grande tristesse nationale si l’Etat fédéral ne prenne pas, le plus vite possible, de sévères mesures pour éviter que le pays devienne une immense plantation de canne à sucre contrôlée par des étrangers.

Nous revenons aux cycles de monoculture qui, selon les manuels scolaires de mon enfance, ont marqué toutes les périodes de l’histoire nationale : l’arbre brésil, la canne à sucre, l’or, le caoutchouc… C’est la raison de la venue de Bush au Brésil : Nous avons la matière première et la technologie alternative au pétrole, énergie fossile proche à s’épuiser. De nos jours, 80% des réserves de pétrole se trouvent en conflit au Proche-Orient. Construire des centrales nucléaires est coûteux et risqué, car ce sont des cibles potentielles des terroristes. La solution plus sure, bon marché, et écologiquement correcte c’est la canne à sucre et les huiles végétales. Le pétrole était une bonne affaire quand le baril coûtait 2$ ; aujourd’hui il ne coûte pas moins de 50$. Et il n’offre pas deux récoltes. La canne à sucre et le yucca, en plus d’approvisionner véhicules et industries, donne des récoltes. Il suffit de disposer de la terre adéquate, et de ce qui, au contraire des Etats-Unis, abonde les tropiques : eau et soleil.

Avec le regard sur cette nouvelle source d’énergie, Bush est venu voir pour croire. L’éthanol extrait de la canne à sucre coûte la moitié de celui made in USA, un tiers du prix de l’éthanol européen à base de betterave, et aujourd’hui un 30 % moins cher que l’essence, de plus qu’il ne pollue pas l’atmosphère et ne s’épuise pas.

Alors le Brésil deviendra-il un pays riche ? Oui, si le gouvernement agit avec fermeté et enlève les bénéfices des mains des transnationales. Bill Gates et son Ethanol Pacific ont déjà jeté un coup d’oeil sur les terres de Góias et de Matto Grosso. Japonais, français, hollandais et anglais veulent investir dans des usines d’alcool. Si Planalto n’assume pas la défense de la souveraineté nationale, l’immense plantation de canne Brésil produira des combustibles pour les pays industrialisés qui, défendant leurs intérêts, vont veiller pour la sécurité de leurs affaires ici, c’est-à-dire que nous allons revenir à l’époque colonialiste de la République, non plus bananière mais à canne à sucre. Et les prochaines générations courront le risque de vivre en chair et en os ce que les iraquiens souffrent aujourd’hui.

Tout comme Montero Lobato, pendant l’époque de 1940, clama en défense de Biocombras, la Compagnie brésilienne de Biocombustibles. Dans le cas contraire nous aurons notre territoire cultivable parcellisé par le latifundium associé aux entreprises transnationales ; la canne à sucre dominant le sud-est ; le soya et les pacages déboisant encore plus l’Amazonie et provocant de grands déséquilibres environnementaux. Et c’est illusoire d’imaginer que la technologie d’exploitation de la biomasse végétale va absorber toute la main d’œuvre. Le chômage, et le sous-emploi (emplois temporels) seront proportionnels a l’extension de canne à sucre plantée.

Bush n’est pas venu ici inquiet de la misère dans laquelle vivent des millions de brésiliens, surtout les émigrants expulsés des champs et entassés dans les favelas autour des grandes villes. Il n’était pas non plus concerné par la petite propriété rurale ou l’agriculture familiale. Il est venu dire à l’oreille du président Lula que le Brésil tourne le dos au Venezuela pétrolier de Chavez, et qu’il offre fièrement toute l’énergie végétale que nous avons, et qu’il soit heureux de voir tomber du ciel les alco-dollars dans l’agriculture nationale. Brésil collabore avec la terre, l’eau et le soleil, et un peu de main d’œuvre à bon marché ; Eux récoltent, exportent et vendent le produit à travers de la Montesanto, Cargill et congénères, laissant les bénéfices à l’étranger. Ils garderont le vert de la canne à sucre et des dollars et nous, le jaune de la faim, comme le décrirait Carolina María dans « Quarto de despejo ».

Le minimum que nous voulons du président Lula, c’est qu’il poursuive l’exemple de Chávez et qu’il défende les intérêts nationaux. L’entreprise du Venezuela équivalente à notre Petrobrás était l’associé minoritaire dans l’exploitation du pétrole du pays voisin. Aujourd’hui Chávez retourne la situation : à partir du premier mai Venezuela aura 60% des actions et les entreprises étrangères, 40%.

C’est la clameur populaire qui dans le passé a obligé le gouvernement à écouter « Le pétrole est à nous ». Il est temps de crier pour l’éthanol et empêcher que l’immense plantation Brésil multiplie l’esclavage, augmente le numéro d’emplois temporels et rase ce qui nous reste de jungle et de réserves indigènes.

-Frei Betto est un écrivain, auteur de « Típicos tipos », entre autres.

(Tradution Martín Tamayo Serrano)
https://www.alainet.org/fr/articulo/120564
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