Traités de libre-échange : assaut de la terre et du ciel

29/11/2004
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Contrairement à une croyance répandue, les formules d’intégration que promeut la Maison blanche ne sont pas exclusivement ni de manière primordiale liées aux questions commerciales. La Zone de libre-échange des Amériques (ALCA) [1] - qui n’a pas été abandonnée - et les traités de libre-échange (TLC) doivent être compris comme des instruments géopolitiques pour galvaniser un colonialisme de large spectre des pays latino-américains, dans la mesure où ils recouvrent tant les aspects strictement économiques que les aspects de la législation de travail, de la gestion étatique, de la propriété intellectuelle, de l’environnement et des ressources naturelles, des connaissances, de la culture vernaculaire et, même si ça paraît inouï, les relations des êtres humains avec ce qui est transcendant. De même, et contrairement à une autre opinion répandue, les TLC qui, à titre de contribution à la modernisation et au progrès, sont impulsés par l’administration Bush, résultent non précisément de négociations, mais plutôt d’impositions de textes préalablement présentés par Washington à l’Organisation mondiale du Commerce, la Zone de libre-échange des Amériques et l’Accord multilatéral sur les investissements (AMI). Une grande étude intitulée "Trataditis aguditis : mythes et conséquences des TLC avec les Etats-Unis" [2], élaboré par GRAIN, une ONG écologiste canadienne, à partir d’une révision des TLC signés entre la puissance mondiale, le Chili et l’Amérique centrale, met à jour le caractère totalitaire des accords qu’impulsent Washington et Wall Street. Le texte complet a été publié par l’agence d’information América Latina en Movimiento (numéros 385-386, juillet 2004). Ce qui suit est un compte rendu. Les traités de libre-échange avec les Etats-Unis sont, en réalité, des statuts supra - constitutionnels qui accordent des garanties et des privilèges au grand capital américain et restreignent de manière radicale les libertés des citoyens, les droits humains et la souveraineté des peuples et des États. Voyons certaines de leurs normes. Obligation pour le gouvernement et le parlement de chaque pays de consulter et de prendre en considération les observations des chefs d’entreprise et du gouvernement états-uniens sur toute initiative légale ou politique future qui pourrait affecter leurs intérêts. Une définition de l’investissement extraordinairement vaste qui inclut la spéculation, les autorisations de propriété intellectuelle et les aspects aussi vagues que les attentes en matière de profit. Une définition concerne également l’investisseur, qui inclut ceux qui ont seulement déclaré l’intention d’investir. L’ouverture de tous les secteurs de l’économie à l’intervention des capitaux étrangers, y compris les secteurs considérés comme essentiels pour le bien-être de la population (comme la santé et l’éducation) ou le fondement de la souveraineté et de la sécurité nationales (par exemple les communications, l’électricité, l’eau, les minéraux, les prisons et autres). Les TLC sont façonnés pour mettre un terme aux droits des peuples indigènes sur leurs territoires. La renonciation à la capacité de l’État de contrôler la concentration économique et les monopoles. La possibilité d’obliger les pays à payer des montants exorbitants aux entreprises états-uniennes quand celles-ci ne font pas de profit conformément à leurs attentes. La garantie qu’on ne pourra pas exproprier une entreprise états-unienne et que, si on arrive à le faire, il faudra indemniser les investisseurs nord-américains et leur donner une compensation pour les profits non réalisés, une disposition qui rendrait impossible, entre autres, des processus comme la réforme agraire, la récupération environnementale, la récupération des fleuves, la récupération de bassins, etc. Une obligation de livrer une protection policière à l’investissement étranger, même contre les grèves et les manifestations. Des normes qui assurent que les entreprises états-uniennes pourront s’approprier des ressources, des composants de notre environnement et d’activités qui jusqu’à présent n’étaient pas considérées comme des marchandises ; les clauses incluent : a) la privatisation des mers, des fleuves et des lacs, de l’éducation, de la santé, des parcs nationaux, des communications, du transport, et tout ce que les avocats des entreprises états-uniennes s’ingénieront à inclure ; b) permettre que les entreprises états-uniennes prennent le contrôle de la presse, de la télévision et de la radio ; c) la privatisation et la cession aux transnationales de diverses fonctions gouvernementales, comme les normes environnementales et leur contrôle, les prisons et certaines fonctions de l’armée (comme il a été fait en Colombie et en Équateur dans le contexte du Plan Patriota) [3] d) la possibilité de privatiser toute chose à laquelle on met l’étiquette "service", puisqu’on ne définit pas ce qu’est un service ou bien cela est fait de manière extrêmement vaste. À partir du terme des "services environnementaux", par exemple, il commencera à être possible de privatiser l’atmosphère, le climat, les fonctions écologiques qui assurent l’équilibre environnemental et l’ensemble de la biodiversité. Les TLC contiennent un chapitre sur la propriété intellectuelle qui accorde des garanties légales d’où il sera possible : a) de s’approprier et de monopoliser des êtres vivants et leurs composants sans exception (y compris plantes, animaux, gènes et tissus humains). Faisant de la libre reproduction des plantes et des animaux et du libre-échange des semences, une infraction ; b) de s’approprier et d’empêcher la circulation et l’utilisation des connaissances et de l’information, y compris la connaissance traditionnelle et scientifique ; c) de monopoliser la production et la vente de médicaments ; d’empêcher que d’autres fabriquent des médicaments bon marché même pour des maladies de grande importance sociale comme la malaria, la tuberculose ou le SIDA ; d) de s’approprier des créations artistiques et culturelles, y compris tout type de musique, la littérature, la danse, les concepts, et permettre leur utilisation, leur expression ou circulation exclusivement contre un paiement ; empêcher l’activité créative et informatique quand elle mettra en danger certains monopoles ; e) de s’approprier et d’empêcher la libre utilisation de prières, d’icônes, de symboles et de rituels ; f) d’empêcher les photocopies, même dans des fins d’étude ; g) de punir avec des amendes et de la prison ceux qui n’observent pas ou sont accusés de ne pas observer les réglementations précédemment décrites ; h) d’obtenir ce qui précède sans avoir besoin de le prouver ; l’accusé doit montrer son innocence ; i) de poursuivre celui qui pourrait hypothétiquement avoir pour seule intention de ne pas observer certaines des normes précédentes ; j) ne seront pas dispensés des sanctions précédentes les professeurs, les étudiants, les chercheurs, les écoles, les universités, les bibliothèques publiques ou archives nationales. Figurent, en outre, des clauses qui obligent les pays à accepter que de telles demandes passent outre leurs lois, et qu’elles soient décidées dans des tribunaux supranationaux, privés et secrets. (...) À la lumière de l’horizon orwelien que préfigurent les accords déjà souscrits par le Chili et l’Amérique centrale, non seulement les académiciens de GRAIN et les multiples directions altermondialistes du continent et du pays, mais aussi l’intuition de l’immense majorité des habitants de Colombie, d’Équateur et du Pérou ont levé le seul drapeau sauveur possible : la non signature du TLC. NOTES: [1] Voir : "Origine, objectifs et effets de l’ALCA (Zone de Libre-Echange des Amériques)". (ndlr) [2] Voir sur le site de GRAIN : en anglais http://www.grain.org/briefings/?id=183 ; en espagnol http://www.grain.org/briefings/?id=183. (ndlr) [3] Le Plan Patriota ets une offensive contre les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). L’objectif de ce plan est de déployer une force de 15.000 hommes dans les forêts et villages du sud de la Colombie, où le la guérilla a maintenu une présence historique. (ndlr) Traduction : Diane Quittelier, pour RISAL (http://risal.collectifs.net).
https://www.alainet.org/fr/articulo/111155?language=en
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