Le départ d'Aristide. Et après ?

02/03/2004
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Jean Bertrand Aristide Jean Bertrand Aristide
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L'avancée des forces paramilitaires et la pression des Etats-Unis, de la France et du Canada ont porté l'estocade finale au gouvernement de Jean-Bertrand Aristide qui a dû s'enfuir à destination de la République centrafricaine le 29 février.

 

Alors que le chaos s'était emparé de la capitale Port-au- Prince et que se multipliaient les affrontements, qui firent dix morts, et les pillages en différents points de la ville, les ambassadeurs des Etats-Unis et de la France, respectivement James Foley et Thierry Bukard, ont nommé l'avocat Boniface Alexandre, président de la Cour suprême de justice, gouverneur du pays par intérim. Les chefs rebelles Guy Philippe y Louis-Jodel Chamblain, qui prirent l'initiative de la révolte contre Aristide le 5 février en occupant la ville de Gonaïves, sont entrés dans Port-au-Prince le 1er mars, accompagnés de dizaines d'hommes armés.

 

L'ancien policier Guy Philippe, qui participa à une tentative de coup d'état contre Aristide en 2001 et que l'on accuse de trafic de drogues et de nombreuses violations des droits humains, avait reconnu quelques heures plus tôt Alexandre comme nouveau chef de l'Etat et s'était montré d'accord sur l'intervention militaire des Etats-Unis.

 

 Aristide qui avait déclaré à plusieurs occasions qu'il ne renoncerait pas, s'est vu obligé de démissionner quand le Département d'Etat des Etats-Unis fit pression pour son départ, condition préalable qu'avaient exigée aussi bien l'opposition civile, représentée par le « Groupe des 184 » dirigé par l'entrepreneur André Apaid, que l'opposition armée qui était parvenue à contrôler cinq des neuf départements qui composent le pays.

 

Le secrétaire d'Etat Colin Powell avait ces derniers jours reconnu de manière inhabituelle les anciens Tontons Macoutes (la police répressive de la dictature duvaliériste) en les appelant «forces armées du nord».

 

Cependant, les Etats-Unis ne pouvaient permettre que la situation reste aux mains des chefs paramilitaires qu'en leur temps ils avaient appuyés et contribué à former et entraîner. Cinq heures avant que le Conseil national de sécurité décide l'envoi d'une force multinationale en Haïti, les Etats-Unis ont envoyé un contingent de 200 soldats de l'infanterie de la Marine sur un total de 1000 annoncé par Powell, auxquels se sont joints environ 300 policiers français anti-émeutes et des soldats canadiens.

 

 Selon la BBC, la mission des forces états-uniennes sera de rétablir l'ordre, distribuer une aide humanitaire et rapatrier les Haïtiens qui se sont jetés à la mer sur des embarcations précaires pour chercher refuge dans d'autres pays.  En revanche, l'analyste Michel Chossudossky indique que Washington prétend réinstaurer en Haïti une colonie pleinement états-unienne qui ait toutes les apparences d'un fonctionnement démocratique. Leur objectif est d'imposer un régime fantoche à Port-au-Prince et d'établir une base militaire permanente en Haïti.

 

L'administration états- unienne cherche à militariser tout le bassin des Caraïbes en raison de sa localisation stratégique entre Cuba au nord-est et le Venezuela au sud. La militarisation de l'île, avec l'établissement de bases militaires des Etats-Unis, ne vise pas seulement à exercer une pression politique sur Cuba et le Venezuela, mais également à protéger le commerce multimillionnaire de la drogue qui passe par Haïti à destination des Etats-Unis depuis les sites de production de Colombie, du Pérou et de Bolivie.

 

On estime qu'à l'heure actuelle Haïti est responsable pour 14 pour cent de toute la cocaïne qui entre aux Etats-Unis, ce qui représente des milliards de dollars de revenu pour le crime organisé et les institutions financières états-uniennes qui blanchissent d'énormes quantités d'argent sale (Voir à ce sujet : "US sponsored coup d`etat. The destabilization of Haiti" http://globalresearch.ca/articles/CHO402D.html)

 

D'autre part, les Etats-Unis déclarent Aristide coupable du chaos et de la déstabilisation d'Haïti, mais ils oublient facilement que la situation créée dans ce pays résulte pour beaucoup de l'application des plans d'ajustement imposés par les organismes internationaux sous contrôle états-unien, c'est-à-dire le FMI, la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement.

 

Aristide -qui triompha démocratiquement en 1990, fut renversé par un coup d'état militaire sanglant, et puis remis au pouvoir en 1994 grâce à une intervention militaire en majorité états-unienne - eut tôt fait d'oublier ses prises de position progressistes et appliqua les recettes du Consensus de Washington principalement pour servir les intérêts des créanciers internationaux. Suite à l'application des principes du « libre-échange », la production agricole locale vitale, faite surtout de riz, de sucre et de maïs, a chuté, faisant du pays un grand importateur d'aliments.

 

En 2003, le FMI imposa l'application de prix flexibles aux combustibles, engendrant une forte spirale inflationniste qui augmenta le mécontentement populaire envers le gouvernement d'Aristide, lequel était déjà entré dans une étape irréversible de corruption et d'autoritarisme. Maintenant, la restauration de l'ordre sous l'égide des Etats-Unis n'augure rien de bon quant à la possibilité du pays le plus pauvre d'Amérique latine de sortir de sa crise économique et politique prolongée.

 

Traduction : Hapifil, pour RISAL.

 

Source : ALAI, América Latina en Movimiento, 01-03-04.

 

 

https://www.alainet.org/fr/articulo/109646?language=en
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