Le nouvel imaginaire anti-capitaliste

29/06/2002
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Entre la deuxième moitié des années 70 et la fin des années 80 du XXè siècle, la lutte pour l'hégémonie mondiale a été couronnée par la déroute totale des concurrents de l'impérialisme euro-américain. Cette déroute a aussi touché les adversaires radicaux du modèle actuel de pouvoir mondial. Dès lors, une nouvelle période historique a commencé : d'une part, pour la première fois dans son histoire, l'espèce humaine dans sa totalité s'est vue encadrée par un seul et unique modèle de pouvoir. Et d'autre part, la légitimité de ce pouvoir est apparue comme virtuellement fondée puisque, non seulement les projets alternatifs avaient été mis en échec, mais, surtout, la critique et ses fondements avaient été exclus du débat public. Par suite, pour un temps relativement long, le pouvoir a cessé d'être un sujet de recherche et de débat, si ce n'est de façon technocratique comme une donnée irréductible de l'existence sociale humaine. Les dominants et les bénéficiaires de ce nouvel avatar de l'espèce l'ont baptisé, à juste titre, « globalisation », puisque le « globe » entier était, enfin, sous leur domination exclusive. Et leur victoire paraissait si complète et définitive qu'ils n'ont pas hésité à déclarer la « fin de l'histoire » (1). Le modèle de pouvoir ainsi « globalisé » est le résultat d'un long processus. Il a commencé en Amérique à la fin du XVè siècle, en réunissant le pouvoir colonial, comme mode de domination, et le capitalisme, comme système d'exploitation. Il s'est constitué fondamentalement jusqu'à la fin du XVIIIè siècle, avec pour point culminant l'eurocentrisme (2). Ses modifications et ses évolutions postérieures ont concerné avant tout le développement des tendances structurelles déjà définies. Mais de façon toujours plus hétérogène et discontinue entre les principaux secteurs sociaux en présence. Ainsi, alors que pour le contrôle des inter-relations sexuelles et subjectives la crise n'a fait que s'intensifier depuis la fin du XIXè siècle, pour le contrôle du travail et de l'autorité publique les crises ont pû être résolues contre vents et marées jusqu'à, précisément, la période de la « globalisation » finale. Plus avant, l'histoire peut être différente (3). La « globalisation » de leur modèle de pouvoir a permis aux vainqueurs, premièrement, d'intensifier leur domination en reconcentrant le contrôle mondial de l'autorité publique et en bloquant, voire en annulant là où cela a été possible, la déconcentration ou la nationalisation de la domination. A cet effet, un Bloc Impérial Global s'est constitué sous l'hégémonie des Etats-Unis. Cette hégémonie a été brusquement accentuée après le 11 septembre 2002 (4). En d'autres termes, l'impérialisme a été reconfiguré et intensifié. Deuxièmement, elle a permis d'accélérer et d'approfondir, pour un temps presque sans résistance, la reconcentration du contrôle mondial du travail, de ses ressources et de ses produits. Bref, l'exploitation des travailleurs et la polarisation sociale de la population mondiale se sont intensifiées. Dans ces deux dimensions de la « globalisation » du modèle actuel de pouvoir, les résultats ont été catastrophiques pour la grande majorité de l'espèce. Ainsi, d'un côté, on constate une augmentation du nombre de pays où l'Etat se dégage de tout contrôle réel de la majorité de la population et est amené à agir presque exclusivement comme administrateur et gardien des intérêts des capitalistes « globaux ». Il s'agit d'un processus de dé-nationalisation de l'Etat et de dé- démocratisation des relations politiques dans la société. Ce processus touche principalement les pays où la démocratisation et la nationalisation de la société et de ses relations avec l'Etat étaient en cours d'élaboration, ou leur conquête encore très fragile. De l'autre côté, la reconcentration du contrôle du travail et de ses ressources et produits et la polarisation sociale de la population mondiale atteignent déjà le point extrême où 20 % seulement de la population mondiale contrôle 80 % du produit mondial et où, réciproquement, 80 % de cette population n'a accès qu'à 20 % de ce produit. Non seulement l'écart entre riches et pauvres de la planète n'a jamais été aussi grand, mais en plus il s'accroît tous les jours entre les pays, entre les entreprises et les pays et, bien sûr, entre les habitants de chaque pays. Ainsi, entre les pays riches et les pays pauvres l'écart est maintenant de 60 à 1 alors qu'il y a moins de deux siècles, il n'était que de 9 à 1. La General Motors a gagné 168 millions de millions de dollars en 1996 alors que la Bolivie, le Costa Rica, l'Equateur, le Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua, le Panama, le Paraguay, le Pérou et l'Uruguay n'ont atteint, tous ensemble, qu'un PIB cumulé de 159 millions de millions de dollars. En Amérique Latine, les revenus des 20 % les plus riches sont 16 fois plus élevés que ceux des 80 % restants. Aux Etats-Unis, la population pauvre est passée de presque 25 millions à plus de 35 millions de personnes au cours des 20 dernières années. Actuellement, les 3 personnes les plus riches du monde détiennent une fortune supérieure à celle des 48 pays les plus pauvres (5). On peut facilement observer que la reconcentration croissante du contrôle mondial de l'autorité politique, avec toutes ses implications en termes de dé-nationalisation et de dé-démocratisation des Etats et des sociétés, est le fondement et le mode pour imposer l'accélération et l'approfondissement de l'exploitation du travail et du contrôle des ses ressources et de ses produits. Le résultat en est la polarisation de la population mondiale entre une poignée de capitalistes, individus ou entreprises, riches, armés jusqu'aux dents, et une écrasante majorité dépouillée de libertés démocratiques et de moyens de survie. La « globalisation » du mode actuel de pouvoir produit avant tout ce résultat. Il est vrai, bien sûr, que la « globalisation » implique aussi l'inter-communication instantanée, la simultanéité de l'information, la plus grande visibilité de la diversité des expériences humaines, bref, le changement profond dans nos relations dans l'espace et dans le temps. Ergo, des modifications profondes des relations inter- subjectives de la population mondiale qui préludent, peut-être, dans des conditions historiques différentes, à l'intégration mondiale de l'humanité avec toute la richesse de sa diversité et de son hétérogénéité d'expériences et de conquêtes historiques. Personne ne nierait que ces conquêtes de l'innovation scientifico-technologique sont bien réelles, importantes, décisives pour l'intégration communicationnelle et culturelle croissante de l'humanité. Mais probablement personne non plus ne discuterait, de bonne foi du moins, la pertinence d'une interrogation sur la compatibilité de ces mutations de la vie humaine, dans le cadre de la « globalisation » du modèle actuel de pouvoir, avec le formidable étau qui enserre la majorité de l'espèce entre, d'un côté, une structure mondiale d'exploitation et de distribution qui accroît sans cesse l'extrême concentration du contrôle de la production mondiale, la perte d'emploi et de revenu des travailleurs et des classes moyennes, la pauvreté absolue de la majorité et de ce fait la mort quotidienne de centaines de milliers de gens ; et de l'autre côté, un ordre politique mondial qui globalise l'impérialisme, qui érode l'autonomie, l'identité et la démocratie de la majorité des pays du « globe » qui prend par là un caractère conflictuel inhérent dont l'expression est une vague croissante de guerres et d'échanges entre terrorisme d'Etat et terrorisme privé. La réponse évidente à cette question est non. Tout au contraire. Cela signifie donc que les conquêtes technologiques de la civilisation actuelle n'arrivent pas seulement dans un vide historique, mais bien dans un modèle de pouvoir. Et qu'il ne fait aucun doute qu'à l'intérieur de ce modèle de pouvoir, elles ne servent pas uniquement à une plus grande intégration culturelle de l'espèce, mais aussi de support, d'instrument et de véhicule du développement de la domination et de l'exploitation de la majorité de la population mondiale. Les conditions de la résistance Durant deux décennies, approximativement, cette « globalisation » impériale du modèle actuel de pouvoir a pû être imposée sans beaucoup, et parfois presque aucune, résistance. Mais depuis le début de la dernière décennie du XXè siècle, les travailleurs sont revenus à la lutte ouverte. Tout d'abord dans les pays qualifiés de « tigres asiatiques » comme la Corée du Sud ou l'Indonésie. Ensuite, dans quelques pays du « centre », Etats-Unis, France, Allemagne, Italie, en particulier au cours de la phase de réactivation économique qui a suivi, entre 1994 et 2001, une période de récession mondiale. Actuellement, la résistance s'étend potentiellement à la totalité du « globe », tout spécialement parmi les jeunes des pays centraux. Dans le cas de l'Amérique Latine, aucun pays n'est épargné par les crises politiques et économiques poussées, dans une large mesure, par les luttes massives de résistance des exploités, des dominés et des discriminés. Sans la massification et la « globalisation » de la résistance contre l'impérialisme globalisé, les deux Forums Sociaux Mondiaux de Porto Alegre, en 2001 et 2002, auraient été impossibles ou d'une ampleur et d'une résonnance insignifiantes. Deux questions doivent être posées quand aux conditions et aux caractéristiques de la résistance contre la « globalisation » impérialiste, parce qu'elles en ouvrent d'autres sur les conditions et les potentialités de la nouvelle phase du conflit social. En premier lieu, il faut noter le fait que le temps pendant lequel la « globalisation » impérialiste a pu s'imposer sans ou presque sans résistance n'a pas été court - presque trente ans- et qu'elle a commencé sous la forme d'une brusque reconfiguration de la structure d'accumulation et des relations capital-travail dans les pays « centraux », de façon plus prononcée d'abord en Angleterre, sous Tatcher, et ensuite aux Etats-Unis, sous Reagan, durant les années 80 du XXè siècle. L'explication doit être recherchée dans la convergence, et pas seulement dans la simultanéité, de deux processus. D'une part, l'érosion et la désintégration finale du « camp socialiste ». De l'autre, la décision des bourgeoisies « centrales », surtout de l'association impériale et centenaire britano-américaine, de mettre à profit la faiblesse de ses concurrents pour lancer une offensive mondiale contre le travail et contre les bourgeoisies dépendantes afin de reconfigurer, du même coup, la structure du pouvoir politique mondial, sous l'hégémonie explicite de ladite association, et la structure d'accumulation mondiale, sous l'hégémonie de son capital financier. L'affaiblissement du « camp socialiste » jusqu'à l'implosion finale de l'URSS a laissé sans appui, dans certains cas, et sans référent, dans tous les cas, des régimes qui jusqu'alors résistaient et même défiaient les pressions impérialistes, tout comme les organisations et mouvements politiques agissant dans cette période et de ce côté du conflit, dans le monde entier. C'est ce qui a permis l'intronisation ou la simple imposition de régimes favorables aux intérêts impérialistes dans la majorité des pays. Les appels à un « Nouvel Ordre Economique Mondial » de la fin des années 60 et du début des années 70 du XXè siècle, issus de régimes « nationalistes », « développementistes » et « réformistes » (6), dont beaucoup étaient liés de différentes façons et dans différentes mesures au « camp socialiste », ont été rapidement supprimés et, au cours des années 80, le monde a pris le chemin de ce que le premier Bush, après la guerre du Golfe, a pu appeler sans vergogne le Nouvel Ordre Mondial. Parallèlement et de façon convergente, la crise capitaliste entamée au milieu des années 70 par la récession, l'inflation, le chômage, et qui a touché les travailleurs du monde entier, a participé à l'affaiblissement et même à la désintégration des organisations syndicales des pays « centraux », en les empêchant de résister et de défendre leurs nombreuses conquêtes antérieures, et, dans la « périphérie », à la désintégration des identités et des groupements sociaux, à l'érosion incontrôlable des organisations sociales des travailleurs. « L'ajustement structurel » a été le résultat de cette convergence entre, d'une part, la déroute politique du « camp socialiste », des « nationalistes » et des adversaires du modèle même de pouvoir, et, d'autre part, la crise du capitalisme. Ainsi le développement des tendances antérieures de dé-concentration ou de re-distribution du pouvoir ont été bloquées et l'imposition d'une reconcentration mondiale du pouvoir politique impérialiste a été facilitée, en même temps que la reconcentration mondiale du contrôle capitaliste du travail et du produit mondial. La question pertinente est donc comment expliquer la réapparition des travailleurs et plus généralement des peuples du monde, sans « camp socialiste », sans les nombreux régimes « nationalistes » et « réformistes », sans projets, ni discours, ni mouvements ou organisations politiques correspondantes ? Je propose de chercher les réponses dans deux des situations mentionnées, pour des zones et des populations différenciées. Dans le « centre », la première impulsion a probablement été donnée par la relance économique de la fin des années 80 et tout au long des années 90, particulièrement durant la deuxième moitié de cette décennie, en ce qu'elle a procuré à des secteurs importants de travailleurs une plus grande sécurité pour revendiquer à nouveau l'amélioration des salaires et des conditions de travail, tout comme elle a permis à d'importants segments de la jeunesse d'acquérir le surplus de conscience et de temps indispensable pour questionner, critiquer, s'organiser et se mobiliser. Mais à partir de Seattle, c'est la nouvelle conscience acquise des ravages et de l'avenir funeste de la « globalisation » impérialiste, la conscience de ce qu'elle ne peut être affrontée qu'en tant que telle, donc globalement, qui mobilise ces secteurs dans toute l'Europe et aux Etats-Unis (7). Dans la « périphérie », les premiers à se mobiliser pour résister ont été les travailleurs des pays surnommés « tigres asiatiques » au moment de la chute brutale, après une longue période de stabilité sociale, dans le chômage et la pauvreté, comme en Corée du Sud, ou, comme en Indonésie, d'une brusque crise économique associée à la crise politique la plus sanglante et corrompue, mais aussi la plus longue et la plus stable, des régimes despotiques imposés par l'impérialisme. En Amérique Latine, les mobilisations de résistance n'ont pas, fondamentalement, d'origines différentes. Si on tient compte notamment des révoltes brésilienne, argentine, péruvienne à la fin du Fujimorisme, de la révolte mexicaine actuelle au Chiapas, ou de ce qui se passe au Venezuela depuis le « caracaso », même les luttes en Bolivie et en Equateur, toutes, de différentes façons selon les particularités locales, se produisent dans des moments de relative stabilité économique et même de relative prospérité et de stabilité politique. De toute façon, l'expérience des deux réunions du Forum Social Mondial à Porto Alegre permet également d'observer que, une fois la résistance massifiée et globalisée, une nouvelle conscience se forme rapidement entre les travailleurs et chez les jeunes des classes moyennes en cours de déstabilisation et de désintégration. Cette nouvelle conscience est actuellement le nouvel et le plus important élément de motivation et d'impulsion de la mobilisation de la résistance contre la « globalisation » impérialiste. Lorsque le premier Forum Social Mondial a été convoqué à Porto Alegre en 2001, le mouvement de résistance contre la « globalisation » impérialiste était en plein processus de globalisation. Au total, la présence de presque 20.000 personnes, jeunes pour la plupart, a largement dépassé les prévisions. Mais la présence de plus de 50.000 personnes, venant de 150 pays du monde entier, au FSM de 2002, a mis en évidence le fait que la lutte contre la « globalisation » du modèle actuel de pouvoir s'était réellement globalisée. Rien ne révèle mieux la reconnaissance de ce fait que le Forum Economique Mondial de New York qui, quand bien même il a refusé la confrontation avec le FSM de Porto Alegre, ce qui avait été possible à Davos, a consacré une grande partie de ses débats formels aux problèmes de la pauvreté et du chômage. Qu'est-ce qui explique cette globalisation rapide des mobilisations contre la « globalisation » impérialiste ? Je suggère que c'est « l'effet de démonstration » des mobilisations antérieures elles-mêmes qui rend insupportables les effets de la « globalisation » impérialiste et, en ce sens, le premier FSM de Porto Alegre rempli assurément un rôle décisif. En d'autres termes, la nouvelle conscience acquise, la visibilité de l'existence de la résistance mondiale, de la mobilisation d'une population croissante, de ce que cette mobilisation est non seulement possible mais qu'elle produit un nouveau « sujet historique » (pour utiliser le vieux jargon) dont l'existence oblige les dominants à reconnaitre le problème réel de reproduction de la « globalisation » de leur pouvoir comme le confirment les débats du FEM de New York. Il est vrai que la situation d'une majorité croissante des peuples du monde se détériore chaque jour et devient insoutenable. Mais, comme toujours, la pauvreté et la dégradation des conditions matérielles de vie des peuples ne se transforment en problème politique, en problème sociétal, que si les victimes s'organisent et se mobilisent. De la résistance à l'alternative ? : l'expérience du Forum Social Mondial de Porto Alegre Si on examine les discours formels qui ont été au centre des débats du FSM, en 2001 et en 2002, la lutte contre la « globalisation » semble mettre en avant certains types de problèmes : 1) la défense de l'autonomie des Etats et du contrôle national des ressources naturelles et en capital, financier en particulier. 2) le rétablissement de l'emploi, des salaires, des services publics de base dans tous les pays. 3) l'appel à une lutte globale contre l'extension et l'approfondissement de la pauvreté, par l'utilisation des revenus du capital financier lui-même. 4) la résistance à la dégradation croissante de la « nature » et de l'environnement écologique de la société actuelle. 5) la lutte contre la discrimination de « genre » et de « race ». Les propositions spécifiques de ces discours, particulièrement au cours du deuxième FSM de 2002, sont notablement hétérogènes. Sans trop exagérer, on peut dire qu'elles vont de « l'humanisation » et la « démocratisation » de la « globalisation » et des institutions de base de l'actuel ordre mondial, le FMI, la Banque Mondiale, l'ONU, pour affronter la pauvreté et le chômage, jusqu'à la reconquête de l'autonomie politique des pays, la ré-étatisation des moyens de production et des services publics et la fin du néolibéralisme, pour rétablir l'emploi, les salaires et les services publics. Bref, il s'agirait principalement, soit d'une résistance anti-impérialiste, « anti- globalisation » dans ce sens spécifique, et contre le néolibéralisme en tant que modèle universel de politique économique, du refus du caractère prédateur du capital financier actuel, du rejet des formes de discrimination et de la destruction de l'environnement écologique -dans ce discours se retrouvent les « anti-impérialistes » et les « nationalistes », beaucoup des « féministes », des « écologistes » et de ceux qui s'identifient comme « socialistes », dont la place ici correspond à l'alliance bien connue entre anti-impérialisme, nationalisme et socialisme autour d'un axe de base : le contrôle de l'Etat, chacun pour ses propres fins- ; soit d'un accord tacite sur le fait que les tendances actuelles du pouvoir sont irréversibles et que ce qui a du sens et peut être obtenu est leur « humanisation » et leur « démocratisation » -on retrouve là, principalement, les socio-démocrates qui ne s'alignent pas sur la « troisième voie » de Blair-Schroeder. On peut en déduire que, dans les discours formels prédominants au Forum, certains combattent avec la mémoire des conquêtes réalisées, ou proches de l'être, que la « globalisation » impérialiste et le néolibéralisme détruisent : l'autonomie, la nationalisation et la démocratisation des Etats et des sociétés, des services publics, de l'emploi, des revenus. C'est-à-dire la mémoire des conquêtes en termes de déconcentration et de redistribution de ce modèle même de pouvoir, associée à l'espérance de sa reconquête. Et que d'autres critiquent les aspects indésirables du modèle actuel de pouvoir, comme la pauvreté, la violence, la discrimination, la dégradation écologique, mais, qu'avec l'acceptation tacite de l'irréversibilité de la « globalisation » de ce pouvoir, cette critique baigne dans une espérance charitable « d'humanisation » et de « démocratisation ». Il n'y a pas moyen d'établir avec rigueur où se situe la majorité des participants du FSM respectivement à ces discours et ces propositions. On peut, au mieux, présumer que les premiers regroupent plus de gens que les seconds. Mais également, qu'une proportion non négligeable va et vient entre les deux courants. Parallèlement cependant, dans les deux réunions du Forum, mais surtout lors de la plus récente en 2002, une masse imposante de jeunes était présente qui, de plus, lançait des consignes également très hétérogènes, mais de loin plus radicales, dans les séminaires, les ateliers, les tables rondes, les réunions informelles, les campements, les rues et les couloirs du domaine de l'Université Catholique de Porto Alegre où se sont tenues les deux rencontres du FSM. Le discours de cette jeunesse venue de tous les coins du monde était dirigé contre le caractère capitaliste, pas seulement impérialiste, de la « globalisation » et s'orientait vers la lutte contre le modèle de pouvoir lui-même, dans chaque domaine de base de l'existence sociale, le travail, le sexe, la subjectivité, l'autorité publique. L'état d'esprit de cette jeunesse a imprégné tout le Forum et a été, sans doute, ce qui a conféré à ces réunions, non obstant l'état d'esprit de beaucoup des centaines d'ONG présentes, un rayonnement puissant et vital, un sens de l'utopie, une espérance contagieuse en ce que réellement « un autre monde est possible ». Quel « autre monde est possible » ? La déroute profonde et prolongée de tous les concurrents de l'impérialisme euro- américain et des adversaires du capitalisme prend le sens historique d'une contre- révolution. La « globalisation » impérialiste possède cette caractéristique. En ce sens précis elle est irréversible : le mode d'existence sociale antérieur ne peut être rétabli. En conséquence, tout changement possible qui pourrait être conquis à l'avenir par les victimes de cette « globalisation » impériale, ne peut être pensé, et donc projeté, comme une inversion des tendances actuelles du capitalisme, encore moins de ses effets et implications dans notre histoire, dans notre existence sociale actuelle. Il est vrai, enfin, que les luttes des dominés/exploités durant 500 ans et en particulier au cours des 200 derniers, jusqu'à la « globalisation », ont permis, quoique pas toujours, ni partout, de modérer, de ralentir, de négocier les limites, les conditions, les modalités de la domination/exploitation. Par conséquent, il est non seulement nécessaire et urgent d'essayer d'obtenir d'imposer de nouveau ces conditions pour améliorer la situation et les perspectives des travailleurs à l'intérieur du modèle actuel de pouvoir, mais il est aussi, en principe, possible d'obtenir ces changements sans, nécessairement, détruire ce modèle de pouvoir en tant que tel. Cependant, la question qui doit être creusée et résolue est de savoir si de tels changements sont réllement viables, étant donné le niveau et l'échelle déjà atteints par les tendances du capitalisme et du modèle fort de pouvoir qu'il utilise. Le capitalisme compétitif permettait, et même requérait, en un sens, une démocratie spécifique, même si son exercice a été conquis ou admis principalement au « centre ». Le capitalisme monopolistique a déjà produit des tendances vers la réduction de cet horizon, mais l'extension universelle d'une structure productive associée à la relation capital-salaire a permis que les luttes pour la démocratie spécifique de ce pouvoir soient également viables dans la « périphérie », et la sur- exploitation du travail dans cette « périphérie » a donné à la bourgeoisie du « centre » les moyens de concéder « l'Etat providence » aux luttes de ses travailleurs locaux. Mais le capitalisme impérialiste « globalisé » développe des tendances qui bloquent et pervertissent toujours plus cet horizon. La technocratisation et l'instrumentalisation de sa rationalité, le caractère prédateur de l'accumulation spéculative, la perte de capacité et d'intérêt de la commercialisation de la force de travail vivante et individuelle, qui amène à la réduction de l'emploi salarié stable, toutes ces tendances sont structurellement associées à la concentration de la richesse et des revenus, à la polarisation corrélative inter-étatique et sociale, et ainsi à la nécessité d'une concentration croissante du contrôle de l'autorité publique. Dans de telles conditions, de quelle ampleur et de quelle profondeur est ou peut être la marge pour la déconcentration stable et pour une redistribution relativement importante du pouvoir que toute démocratie, nécessairement, implique ? Le monde dominé « globalement » par ce modèle de pouvoir est, il est vrai, hétérogène, structurellement et historiquement, raison pour laquelle le modèle de pouvoir lui- même est hétérogène et discontinu. Il est donc toujours possible que, dans une ou quelques unes de ses sphères, ce pouvoir soit forcé d'admettre un peu de sa démocratie spécifique. Cependant, ce qui est improbable, c'est que le modèle de pouvoir lui-même, en tant que tel, soit modifié de façon généralisée ou universelle, qu'il se convertisse en un pouvoir démocratique, même dans les limites spécifiques de sa démocratie, qu'il soit « démocratisé » et « humanisé » sans perdre son caractère propre, c'est-à-dire sans être détruit. Dans cette perspective, la nostalgie, qui implique une certaine mystification de la perte due à la « globalisation » impérialiste, ne peut constituer l'espoir des luttes qui ont recommencé. Et, d'un autre côté, la déroute qui a permis que toutes les conquêtes ou presque nous soient enlevées, ne pourrait être expliquée sans relation avec le caractère même qu'avaient ces conquêtes et leurs luttes respectives. Et ceci est, sans doute, ce que pressentent les jeunes du monde, précisément parce qu'ils sont le produit de cette « globalisation ». Ceux qui se sont formés dans cette « globalisation » et qui sont majoritaires dans les pays pauvres, ont besoin et demandent, comme toutes les victimes de ce pouvoir, un accès égal aux biens et aux services, de tous ordres, qui sont produits dans le monde actuel. Il ne s'agit pas seulement d'objets ou de services, mais aussi de modes de relation sociale égalitaire dans chaque sphère de l'existence sociale, du travail et de ses produits, du sexe et de ses produits, de la subjectivité et de ses produits, de l'autorité publique et de ses produits. Et ils se les procureront de quelque façon que ce soit. Si c'est possible par les moyens qui continuent de constituer la promesse libérale, bien (8). Si ce n'est pas possible, alors il l'attaqueront. Ils ont déjà commencé. La colonialité du pouvoir et la question de la démocratie aujourd'hui Le modèle actuel de pouvoir « globalisé » se fonde sur deux axes centraux : l'un est un système basique de domination qui organise toutes les formes antérieures autour de la classification universelle de base des personnes selon le critère de la « race » ; l'autre est un système basique d'exploitation qui organise toutes les formes de contrôle du travail autour du capital. Les deux axes sont réciproquement dépendants. Leur union pour former un modèle de pouvoir spécifique est le résultat de l'expérience coloniale commencée avec l'Amérique. La colonialité est, en cela, la condition fondatrice et inhérente de ce modèle de pouvoir. La colonialité ne se réfère pas seulement à la classification « raciale » de la population du monde. Sans elle, et dans une perspective de globalité, aucun des lieux de pouvoir, le contrôle du travail, de ses ressources et de ses produits ; le contrôle du sexe, de ses ressources et de ses produits ; le contrôle de la subjectivité, de ses ressources et de ses produits ; ou le contrôle de l'autorité publique ou collective, de ses ressources et de ses produits, n'auraient ses caractères spécifiques actuels. La dénomination exacte de ce modèle de pouvoir serait celle de colonial-capitaliste (9). Du fait de ce caractère constitutif, à l'égard de la démocratie le modèle actuel de pouvoir est, sans doute, le plus contradictoire de tous les modèles connus. En effet, d'une part il implique une condition radicalement antagonique à la démocratie : la colonialité du pouvoir ; mais, d'autre part, par les conditions historiques du processus du capital en tant que relation sociale et de sa centralité dans le système d'exploitation, il a eu besoin d'un mode et d'un degré de relations démocratiques, particulièrement dans certaines instances du pouvoir, l'autorité publique et la subjectivité. La dialectique historique complexe entre les deux termes de cette contradiction a été présente dans la distribution géoculturelle hétérogène et discontinue de l'expérience de la démocratie dans le monde des 500 dernières années, notamment si on considère les relations entre l'Europe et le non-européen au sujet de l'Etat-Nation et de la sécularisation des relations intersubjectives (10). De toute façon, la démocratie est l'un des biens qui, dans ce modèle de pouvoir, est arrivé à être exceptionnellement coté, jusqu'à être finalement intégré comme une nécessité vitale de l'imaginaire universel. C'est pour cela qu'à son sujet se pose aujourd'hui un double problème pour ce modèle de pouvoir. En premier lieu, c'est sa « globalisation », précisément, qui a universalisé ce bien dans l'imaginaire mondial et l'a, simultanément, mis dans un contexte de risque majeur pour sa survie. En second lieu, pour l'accès à tous les autres biens et services que le monde produit, la démocratie est aujourd'hui littéralement indispensable. Sur ces deux plans, d'autant plus quand les tendances « globalisantes » du capitalisme se développent davantage. La démocratie a toujours été un bien rare et accéder à son usage et à son exercice a toujours été très coûteux, subjectivement et matériellement. Et la colonialité du modèle actuel de pouvoir est devenue l'obstacle majeur, y compris pour l'exercice limité que ce pouvoir admet. Non seulement le pouvoir actuel maintient sa rareté, mais il lui fait courrir un risque définitif. Ce qui a été l'une des conquêtes de la modernité entamée avec l'Amérique, est aujourd'hui traquée, dans la dimension subjective de notre existence sociale, par les fondamentalismes de tous ordres, certains des plus influents d'entre eux produits et cultivés dans le « centre » même du capitalisme, et dont l'agressivité et la violence sont alimentées précisément par la crise de ce pouvoir et de sa « globalisation ». Et, dans la dimension matérielle, elle est violemment bousculée par les intérêts sociaux les plus prédateurs du capitalisme actuel. Tout cela précisément alors qu'il est plus nettement perceptible que jamais, pour tout le monde, mais avant tout pour les jeunes, que la démocratie est aujourd'hui la condition de base d'une égalité d'accès aux principaux biens et services que l'humanité produit. Et cela constitue certainement l'apprentissage central de la jeunesse formée dans la « globalisation » impérialiste. Pour commencer, parce que la simultanéité de l'information et de la communication implique l'accès imaginaire à tous les biens, à tous les services, à la multiplicité d'options de l'expérience diverse et hétérogène de l'espèce, qui circulent sur les autoroutes de la « société virtuelle ». Par contraste avec cet étalage, la globalisation des tendances actuelles du capitalisme polarise jusqu'à l'extrême les possibilités sociales, y compris géoculturelles, d'accès aux biens et aux services les plus désirés ou les plus nécessaires exposés à la convoitise des gens, des jeunes en particulier. Le modèle de pouvoir qui produit et impose une telle polarisation devient donc toujours plus insupportable. Il devrait être changé. Et si l'expérience récurrente montre qu'il ne peut être modéré et « humanisé », il doit être détruit. Principalement depuis la fin du XIXè siècle, des courants d'idées et des organisations politiques qui préconisaient que la démocratie était la condition même du développement de la société humaine, étaient déjà actifs. Mais les tendances critiques du capitalisme qui sont devenues majoritaires, ont opté pour la concentration du contrôle de l'état-nation et du contrôle étatique de la propriété des moyens de production et des produits parce que, surtout en ce qui concerne la tendance dite du « matérialisme historique » et plus tard du « marxisme-léninisme » devenue mondialement hégémonique dans le mouvement révolutionnaire, c'était le chemin le plus réaliste, « non utopique », pour sortir du capitalisme. L'expérience de plus de 70 ans de « socialisme réel » et la déroute et la désintégration finale du « socialisme réel » ont montré, cependant et sans ambages, que par ce chemin une société alternative à celle du capitalisme n'était pas viable, précisément parce qu'il était incompatible avec l'approfondissement continu de relations démocratiques dans la vie quotidienne des gens. Que, par conséquent, seule la destruction du pouvoir, de tout pouvoir, pas de sa simple concentration, représentait le véritable chemin. La « globalisation » impérialiste du capital monopolistique financier qui a suivit, n'a fait que confirmer cette expérience. Dans ce sens, l'expérience du XXè siècle laisse quelques leçons claires pour les gens formés durant cette « globalisation », depuis le milieu des années 70 : 1. Le développement de moyens scientifiques et technologiques produits à l'intérieur du modèle actuel de pouvoir a augmenté la capacité productive de l'espèce et par là sa capacité de développement propre ; il a amplifié et il amplifie constamment la circulation et l'échange mondial de la diversité et de l'hétérogénéité d'expériences de l'espèce et par là également les marges de liberté individuelle et d'égalité sociale. 2. Mais par son caractère colonial-capitaliste, le pouvoir actuel se globalise en développant des tendances qui tournent toujours plus en faveur de ses éléments les plus anti-démocratiques, et ainsi rétrécit et pervertit constamment les conquêtes démocratiques antérieures et bloque le potentiel démocratique des puissants moyens technologiques, tant en termes de capacité productive qu'en termes de marges d'égalité et de liberté individuelle et sociale. 3. Par conséquent, la démocratie est maintenant la condition indispensable non seulement à l'égalité d'accès aux ressources, biens et services produits par l'espèce, mais aussi au développement même des potentialités inhérentes aux moyens scientifico-technologiques actuels et donc à la recherche et au développement de nouveaux sens historiques de la vie de l'espèce, de nouveaux horizons de sens historique. 4. L'expérience du « camp socialiste » s'est révélée inappropriée pour la production d'une existence sociale alternative à celle du modèle actuel de pouvoir. Sa détermination de base a été la concentration de pouvoir qui s'est installée depuis le départ, en expropriant la socialisation du pouvoir entreprise par les travailleurs. Autrement dit, le remplacement de la démocratie des producteurs par le despotisme bureaucratique. 5. La démocratie alternative qui a pu être conquise dans certaines zones du capitalisme, est à la fois un approfondissement et une rupture de cette expérience. Dans ce sens, elle se projette comme un élargissement et un approfondissement continus de l'égalité sociale de gens divers et hétérogènes, de la liberté individuelle et de la solidarité collective entre eux. En conséquence, le nouvel imaginaire historique qui est en cours de constitution, avant tout parmi les jeunes, s'élabore contre le modèle de pouvoir colonial-capitaliste et sa « globalisation » impérialiste, et dans le même temps contre le despotisme bureaucratique. Pour cela, ce nouvel imaginaire a deux éléments constitutifs principaux : premièrement, la nécessité et la recherche d'un nouvel horizon de sens de l'existence sociale de l'espèce, comme élément fondateur de toute existence sociale alternative. C'est ce qui émerge comme contenu de l'idée d'utopie révolutionnaire. Deuxièmement, la démocratie comme condition, point de départ et axe de toute trajectoire de production d'une autre société, d'une existence sociale alternative à celle imposée par le modèle colonial-capitaliste de pouvoir. Il est peut-être vrai, comme le signale Habermas à regret et avec lucidité (11) qu'il n'existe aucune garantie de ce que les expériences et l'apprentissage réalisés au cours de l'histoire d'une société et d'un modèle de pouvoir spécifiques soient de nouveaux points de départ qui permettent d'éviter la répétition des mêmes erreurs quand on entre dans une autre histoire, c'est-à-dire dans une nouvelle société. C'est une des tragédies historiques de l'espèce, la seule à tomber deux fois dans le même piège. Mais c'est aussi un trait définitif de sa liberté, de son aptitude et de sa disposition à repenser, à choisir et à décider de nouveau, autant de fois qu'il le sera possible ou nécessaire. Quoi qu'il en soit, cette nouvelle perspective pourra, à l'avenir, donner sens au débat sur les questions relatives au pouvoir et à la révolution. 1) Mon point de vue sur la « fin de l'histoire » in ¿El Fin de cual Historia? in Análisis Político, Revue de l'Institut d'Etudes Internationales, Université Nationale de Colombie, n° 32, septembre-décembre 1997, Bogota, Colombie. 2) J'ai proposé cette perspective théorique principalement in Colonialidad del Poder, Eurocentrismo y América Latina, in Edgardo Lander, ed. Colonialidad del Saber, Eurocentrismo y Ciencias Sociales. UNESCO-CLACSO, 2000, Buenos-Aires, Argentine. 3) Différentes propositions de débat in El trabajo en el Umbral del Siglo XXI, Confédération Générale des Travailleurs de Puerto Rico et Centre d'Etudes du Travail, San Juan, Puerto Rico, 1998. 4) Autour de ces questions, je renvois à mon étude Globalización, Colonialidad y Democracia. In Tendencias Básicas de Nuestra Epoca: Globalización y Democracia, Institut des Hautes Etudes Diplomatiques Pedro Gual, 2001, Caracas, Venezuela, pp. 25-61. Et in Trayectorias, Revue de Sciences Sociales de l'Université Autonome de Nuevo León, 4ème année, n° 7-8, septembre 2001, Monterrey, Mexique, pp. 58-91. Pour leur part, Michael Hardt et Tony Negri, Empire (Harvard University Press, 2000), soutiennent que nous sommes déjà dans un Empire analogue à l'empire romain. 5) Voir, de l'auteur, Globalización, Colonialidad y Democracia, op. cit. 6) Dans le cas de l'Amérique Latine, il suffit de rappeler qu'à la fin des années 60 / début des années 70 du XXè siècle, la Démocratie Chrétienne était présente au Chili, menée par Frei, et que l'Unité Populaire lui a succédé avec Allende ; les militarismes « nationalistes » au Pérou et en Bolivie ; les démo-nationalistes comme l'Action Démocratique de ces années au Venezuela ; les libéraux développementistes en Colombie, en Argentine, en Uruguay et même la dictature militaire au Brésil pratiquaient une politique de développement et d'industrialisation. Au Mexique, le contrôle de l'Etat par le PRI était encore très ferme. Ces régimes ont agi, à cette époque, plus ou moins en convergence avec le Nasserisme et le Baathisme du Moyen Orient, avec certains régimes post- coloniaux africains qui se réclamaient du « socialisme africain », ainsi qu'avec ceux du Sud-Est asiatique qui avaient alors une analogie d'orientation et qui, ensemble, faisaient en sorte d'avoir un certain poids sur l'échiquier politique et économique mondial et qui s'appuyaient sur le « camp socialiste » qui paraissait encore très fort malgré le différent sino-russe ou qui pouvaient s'en servir comme référence dans le bras de force avec l'impérialisme euro-américain. Le mouvement des Non-Alignés, le Groupe des 77, le Pacte Andin en défense du marché régional, sont tous issus de ce mouvement mondial de lutte pour la déconcentration de l'autorité politique mondiale et pour une redistribution réelle du contrôle du travail et de ses produits. Tous ont été défaits avec la crise mondiale du capitalisme et l'avènement du Tatcherisme-Reaganisme en tant que stade majeur de la coalition impérialiste britano-américaine qui trouve son origine vers la fin du XIXè siècle et qui s'affirme jusqu'à nos jours comme la coalition hégémonique du Bloc Impérial Global. 7) Voir sur cette question, par exemple, Jay Mansour : The Labor's New Internationalism, in Foreign Affairs, Janvier/Février 2000. 8) Rien ne peut être plus pathétique, ou plus hypocrite, que le discours des acteurs de la « globalisation » néolibérale : ils proclament d'une voix prétentieuse la lutte frontale contre la pauvreté, alors qu'ils font tout pour produire plus de pauvres et plus de pauvreté. 9) Voir Colonialidad del Poder, Eurocentrismo y América Latina, op. cit. 10) Débat plus large sur ces questions in Estado-Nación, ciudadanía y Democracia: Cuestiones Abiertas ; in Helmut Schmidt et H. Gonzáles, comps. Democracia para una Nueva Sociedad, Nueva Sociedad1998, Caracas, Venezuela ; in El Retorno del Futuro y las Cuestiones del Conocimiento ; in Hueso Húmero, n° 37, Lima, Pérou. 11) Jurgen Habermas : The Theory of Communicative Action, Beacon Press, 1984, Boston, Mass., USA, vol. II, Part. V. *Aníbal Quijano, sociologue péruvien, est professeur dans de nombreuses universités, au Pérou et ailleurs, et auteur de multiples publications. Traduit de l'espagnol par ALAI.
https://www.alainet.org/fr/articulo/108195?language=es
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