Mouvement de Sans Terre du Brésil

«La lutte pour la terre nous oblige aujourd’hui à repenser notre tactique »

02/10/2011
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- Les nouveaux défis
- « Dilma nous a surpris »
 
En ayant pu établir 400.000 familles dans 24 Etats du Brésil, le Mouvement des travailleurs ruraux sans terres (MST) est aujourd’hui l’un des principaux acteurs sociaux, représentant une référence pour la société civile latino-américaine. Néanmoins, après 27 ans d’existence, « les défis du futur sont énormes pour nous, notamment celui de devenir une réelle organisation de masse et de nous adapter à la nouvelle étape que vit notre pays », souligne Salete Carollo, membre de la coordination nationale du MST et coopér-actrice brésilienne de E-CHANGER, lors d’une visite en Suisse. Carollo est l’une des responsables du travail international du MST.
 
« La nature de la lutte pour les mouvements sociaux de la campagne change au Brésil », relève Salete Carollo. Il y a encore quelques années, « nous affrontions les latifundistes autochtones, aujourd’hui nous sommes confrontés à de grandes multinationales étrangères installés sur notre territoire ». Disputer la terre à ces grandes entreprises « nous oblige à repenser notre tactique ». Le MST est en train d’en définir les nouvelles modalités.
 
Dispute différente à la campagne
 
Les occupations de terre ne peuvent plus être petites, mais grandes. « Auparavant, nous réalisions une occupation avec 300 familles, aujourd’hui il faut le faire avec 3000 familles ». Une dimension qui « doit nous donner un autre rapport de forces pour aboutir à des victoires effectives grâce à ces actions, en réduisant leur nombre et en améliorant leur qualité ».
 
Cette stratégie exige en plus « une articulation avec d’autres secteurs sociaux de la campagne brésilienne, d’où la signification d’impulser des actions pas seulement comme MST » mais en tant que Via Campesina, qui regroupe d’autres organisations rurales. D’autre part, dans l’étape actuelle, « nous devons occuper des terres propres à être expropriées, et donc réellement transférées aux paysans », et ne pas utiliser l’occupation  seulement« comme moyen de pression politique ».
 
En complément de cette nouvelle logique, explique Salete Carollo, « le dialogue actif que nous menons avec des secteurs urbains, du monde académique, des mouvements sociaux dans les villes pour obtenir une articulation plus intégrale de nos objectifs et de nos luttes communes ».
 
Par exemple, le MST  prépare une grande campagne de mobilisation sociale ces prochaines semaines pour dénoncer l’utilisation de produits toxiques dans l’agriculture. Cette campagne se base sur une enquête universitaire prouvant « que chaque Brésilien/ne consomme annuellement 5 litres de poison dans ses aliments ».
Aujourd’hui, le Brésil est sans aucun doute « le principal consommateur mondial de produits toxiques, qui nous arrive comme partie du paquet intégral des grandes multinationales vouées à l’agro-exportation. Une situation dont souffre et qui préoccupe aussi bien le paysan que le consommateur urbain ».
 
« La surprise de Dilma »
 
Durant les premiers mois du nouveau gouvernement dirigé par Dilma Rousseff entré en fonction le 1er janvier 2011, « nous avons ressenti un certain désenchantement car nos revendications n’étaient pas entendues. Nous voyions une continuité par rapport aux 8 années du gouvernement de Lula, qui n’a jamais mis à l’ordre du jour la réforme agraire et les revendications les plus urgentes des sans-terre ».
 
Néanmoins, après une longue journée de mobilisation sociale en août 2011, avec 50.000 personnes présentes à Brasilia, « nous avons été entendus par la nouvelle présidente », qui semble vouloir changer de politique envers la campagne.
 
« Nous avons obtenu des succès inattendus. Dilma a intégré le thème de la réforme agraire à son agenda personnel. Elle a décidé d’affecter 400 millions de reales (au tour de 200 millions de francs) pour exproprier des parcelles afin que celles-ci soient livrées aux sans-terre, montant qui pourrait même augmenter d’ici la fin de l’année. Et, comme troisième conquête, elle accepté un programme d’éducation que nous exigions depuis des années. C’est même bien plus que ce que nous espérions », précise Salete Carollo.
 
Ces signes positifs néanmoins « ne nous démobilisent pas. Pour les mouvements sociaux, le défi consiste à ne pas rester les bras croisés en attendant des promesses, mais à se mobiliser pour que celles-ci se concrétisent ».
 
Et malgré le projet « développementiste » du nouveau gouvernement brésilien, « nous pensons que Dilma comprend qu’à la campagne il n’y pas place seulement pour le modèle agro-exportateur – privilégié de manière univoque par Lula -, mais aussi pour la production familiale paysanne préconisée par le MST. C’est l’unique alternative réelle pour combattre la misère et la marginalisation rurale et urbaine au Brésil », conclut Salete Carollo.
 
- Sergio Ferrari, Suisse
Traduction H.P.Renk,
Collaboration E-CHANGER + Le Courrier
https://www.alainet.org/fr/active/49815
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