Formosa: Hypocrisie, discrimination et morts

07/12/2010
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En Argentine, les peuples indigènes sont victimes de discrimination et condamnés au silence ; ils subissent un génocide silencieux à travers le temps. On les expulse de leurs terres ancestrales et on détruit la biodiversité de leurs forêts, essentielles pour leur vie et leur alimentation.
 
On ne reconnaît pas leur identité et on ne met pas leur culture en valeur. Ils survivent dans leur coin sans aucune protection et ils souffrent de la répression comme c’est concrètement le cas actuellement pour la Communauté QOM à La Primavera dans la province de Formosa au nord de l’Argentine. Alors qu’ils sont victimes dans la situation actuelle, ces indigènes ont été accusés d’être des assassins, grâce à la complicité de certains juges et du gouverneur de la province de Formosa, un grand propriétaire féodal qui gouverne la province en accord avec ses propres intérêts
 
La grande répression policière ordonnée par le juge et par le gouverneur Gildo Insfran, par un ministre de son gouvernement Jorge Gonzales et par le commissaire de police de Laguna Blanca Ricardo Cajes, ont abouti à l’assassinat de deux membres de la Communauté QOM  : Sixto Gomez et Roberto Lopez, le 23 novembre et à l’incendie de 17 maisons, ce qui laisse tous les autres Qom dans le plus total dénuement alors que les menaces continuent contre eux. 
 
Félix Diaz, le chef de cette communauté est arrivé à Buenos Aires pour réclamer le droit pour son peuple. Il a pu sauver sa vie grâce à l’aide de ses enfants qui l’ont caché dans la forêt pour l’empêcher d’être assassiné par la police. Félix essaye d’avoir un entretien avec Cristina Fernandez, Présidente de l’Argentine,; nous espérons qu’il pourra y arriver pour réclamer la fin de la répression et le respect de leurs terres comme le stipule la loi 23.160 sur le Respect des Terres des Communautés Originaires du pays.
 
Dans les milieux officiels provinciaux et nationaux, on arbore des banderolles pour la défense des droits humains qui se réfèrent toutes à l’époque de la dictature militaire de 1976 à 1983, mais on ne veut pas regarder la situation actuelle des droits humains qui continuent à être violés dans la plus totale impunité, alors qu’ils sont bien définis dans la Constitution Nationale , dans la Convention Internationale des Peuples indigènes, proclamée par l’ONU et dans la Convention 169 de l’OIT (l’Organisation Internationale du Travail).
 
Ce que je signale ici n’est pas nouveau ; c’est un grave problème qui date de bien des années ; nous pourrions même dire qu’il date de la conquête espagnole et depuis l’Indépendance de l’Argentine comme nation dont on vient de célébrer le Bicentenaire : indépendance pour quelques-uns seulement, alors que les peuples originaires continuent d’être exclus et discriminés.
 
Cette manipulation hypocrite des gouvernants de la province de Formosa et ses conséquences vécues par la Communauté QOM , me rappellent ce que dit T. Menton quand il signale que: « Le plus grand besoin de notre époque, c’est de nettoyer les ordures mentales et émotionelles qui embourbent nos esprits et transforment notre vie politique et sociale en une maladie de masses. Sans ce nettoyage domestique, nous ne pouvons pas voir la réalité et si nous ne la voyons pas, nous ne pouvons penser sainement ».
 
Il y a beaucoup d’ordures mentales et nous devons agir rapidement pour éviter de plus grands maux, comme ceux qui consistent à s’approprier les terres de nos frères indigènes sur tout le territoire national.
 
Nous exigeons une intervention nationale dans la province de Formosa, la destitution du gouverneur Insfran et de son ministre Jorge Gonzales. Cela fait environ deux mois, j’ai eu un entretien avec ce dernier à Buenos Aires pour parler du problème des communautés de la province de Formosa et, au lieu d’essayer de trouver une solution, il a fini par choisir la répression pour le plus grand bénéfice du gouverneur, grand propriétaire terrien qui veut s’approprier les terres indigènes ; nous savons que c’est ou Cecilio, ou Pedro ou Ariel Celia celui qui a tiré le premier coup de feu contre Felix Diaz.
 
Nous réclamons aussi la destitution et la mise en jugement du commissaire de police de Laguna Blanca et des policiers qui sont intervenus dans la répression et le massacre de nos frères de la communauté La Primavera. Plus de cent policiers à cheval sont arrivés des autres secteurs de la province pendant que la gendarmerie nationale s’installait en spectatrice et non pour éviter la répression.
 
Mais hélas, le gouvernement de la province de Formosa est un allié du gouvernement national car ils appartiennent au même courant péroniste. Cependant, le gouvernement national doit savoir que soutenir un gouvernement provincial qui réprime et marginalise les peuples originaires, cela va contre l’éthique ; ce n’est pas bon pour lui-même, ni pour le pays, car cela favorise la « saleté mentale » et les actions scélérates et répressives.
 
J’ai essayé plusieurs fois de prendre contact avec le chef de cabinet de la Présidence, Anibal Fernandez, sans résultat. On dirait que s’agissant de ces conflits, les téléphones et les portables sonnent toujours « occupés » pour ne pas entendre, ni voir.
 
La réclamation que je voudrais lui faire, c’est d’envoyer en urgence une commission d’enquête pour déterminer qui sont les responsables des assassinats et de l’incendie des habitations. Je voudrais aussi lui demander d’exiger le respect des droits des peuples originaires, de leur envoyer une aide humanitaire, car ils manquent d’eau et d’aliments, et de reconstruire leurs biens brûlés par la police. La gendarmerie nationale est dirigée par le gouvenement national et dépend directement de lui ; il doit donc donner l’ordre de protéger la Communauté La Primavera pour éviter de plus grands maux. Hélas, des malheurs similaires adviennent dans tout le pays et, par ailleurs, le gouvernement central sait très bien à l’avance que son allié Insfran ne va rien faire de tout cela.
 
En fait, face à cette grave situation, le gouvernement national essaye de « négocier » entre le gouverneur et la communauté La Primavera mais, comme on dit en langage paysan, « ils veulent surtout enrouler la vipère ». Pourtant, ils ne devraient pas négocier avec les assassins. Il faut garder les idées bien claires et rester très fermes car les crimes commis contre les indigènes et la destruction et l’incendie de leurs maisons ne peuvent rester impunis.
 
Il faut signaler que quelques députés et des représentants d’organismes de droits humains et d’ Amnesty International sont allés à la Communauté La Primavera pour apporter leur solidarité et leur soutien, mais ce n’est pas suffisant, il faut trouver des solutions permanentes et exiger le droit à la Vérité et à la Justice.
 
La question est de savoir s’il faut qu’il y ait des morts et des blessés, avec bien du malheur et beaucoup de douleur, pour que les fonctionnaires du gouvernement réagissent et pensent à ce qu’ils vont faire pour y rémédier ou plutôt, ce qui est la pire des solutions, à ce qu’ils vont faire pour obtenir le silence sur la douleur des peuples originaires, afin que rien ne change.
 
L’Argentine n’est plus un pays souverain ; on nous a transformés en féodalités médiévales. Je dois signaler que d’autres gouverneurs provinciaux comme ceux des provinces de La Rioja et de San Juan, font ce qu’ils veulent et non pas ce qu’ils devraient faire. Ils agissent comme des seigneurs féodaux et ne reconnaissent pas la loi nationale de protection des glaciers ; ils favorisent les profits de leurs amis et de leurs alliés des entreprises transnationales minières comme la Barry-gold et La Alumbrera. 

¿Bicentenario, democracia, derechos humanos, para quien? Debemos liberar  la palabra para comprender qué estamos viviendo. El antiguo proverbio  dice: “El pez no ve el agua, porque vive en ella” y muchas veces el agua  está contaminada y podrida y no se ve.
 
Bicentenaire, démocratie, droits humains, pour qui ?... Nous devons libérer la parole pour comprendre ce que nous sommes en train de vivre. Un ancien proverbe dit : « Le poisson ne va pas chercher de l’eau, car il vit dans l’eau ». Bien des fois, l’eau est polluée et pourrie, et on ne le voit pas. (Traducción Francis Gély)

- Adolfo Pérez Esquivel est Prix Nobel de la Paix 1980.
https://www.alainet.org/fr/active/42802
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