Le Mexique à la veille des élections régionales
A Oaxaca, on continue de criminaliser la protestation sociale
30/06/2010
- Opinión
"Regarder le Sud-Est mexicain, arrêter la répression, se solidariser avec ceux qui en sont victimes. La situation est très grave", relève Philipp Gerber. Cet anthropologue suisse, co-responsable des projets mexicains de l'organisation non gouvernementale (ONG) suisse Medico International, vient de rentrer d'une visite de 6 mois au pays aztèque. Gerber s'est entretenu avec Le Courrier quelques heures avant les élections régionales (pour les postes de gouverneurs), qui se tiendront le dimanche 4 juillet dans 12 des 34 Etats du Mexique, y compris Oaxaca et le Chiapas.
Q : Comment évaluez-vous la situation du Sud-Est mexicain ?
Philippe Gerber (PG): Nous observons que le respect des droits humains recule non seulement dans cette région, mais dans une bonne partie du Mexique. Cela s'exprime par l'augmentation de la violence politique et l'accentuation des violations des droits des citoyens. La fameuse transition dont on a parlé en 2000 lors de l'arrivée au gouvernement du PAN (Partido de Accion Nacional) en remplacement du PRI (Parti révolutionnaire institutionnel), releva plutôt - au lieu des vents nouveaux annoncés - d'une alternance continuiste au pouvoir, mais sans les changements structures minimaux exigés par d'importants secteurs de la population. Un constat que l'on peut faire aussi en matière de droits humains.
En ce qui concerne le Sud-Est, et plus particulièrement Oaxaca, la situation est extrêmement grave: les défenseurs et les observateurs des droits humains, ainsi que les journalistes indépendants, font l'objet d'une persécution systématique. Une conséquence de la politique officielle, qui criminalise aussi bien la protestation sociale que la défense des droits humains.
Q: Récemment, il y a eu des assassinats et des incidents très préoccupants à Oaxaca...
Q: Récemment, il y a eu des assassinats et des incidents très préoccupants à Oaxaca...
PG: Ce fut un moment dramatique, illustrant la situation que vit cet Etat. Le 27 avril, furent assassinés la dirigeante sociale mexicaine Bety Cariño et l'observateur international finlandais Jyri Jaakola. Betty Cariño faisait partie de l'équipe nationale de coordination du réseau mexicain des victimes de la mine (REMA) et dirigeait le collectif CACTUS. L'assassinat se produisit alors que les deux collègues participaient, comme observateurs des droits humains, avec des dizaines de dirigeants communaux, à la caravane d'appui et de solidarité avec la municipalité autonome de San Juan Copala, encerclée depuis des mois par des groupes paramilitaires. Un événement tragique, qui s'ajoute à une série d'agressions, de persécutions et d'assassinats enregistrés depuis des années dans cet Etat. Il faut rappeler qu'en 2006, durant plusieurs mois, s'était produit une mobilisation sociale contre le gouverneur Ulises Ruiz, mobilisation durement réprimée par les autorités de l'Etat, avec l'appui - comme toujours, dans ces situations conflictuelles - du gouvernement fédéral.
Q: Y a-t-il eu des efforts officiels ultérieurs pour clarifier les violations des droits humains, à cette époque ?
Q: Y a-t-il eu des efforts officiels ultérieurs pour clarifier les violations des droits humains, à cette époque ?
PG: Aucun. L'impunité de ces faits au Mexique est totale. Medico International appuie le "Comité du 25 novembre", créé pour enquêter sur les violences de ce jour de 2006, lorsque la police et l'armée écrasèrent le soulèvement populaire. Il y eut alors 20 morts, des centaines de détenus, dont beaucoup ont été durement torturés. Le Comité lutte pour clarifier ces faits et pour demander justice, ainsi que pour accompagner les victimes de la torture, les ex-détenus et leurs familles et les veuves des assassinés. Il impulse aussi un processus juridique - basé sur le protocole de Stockholm, reconnu par les Nations Unies et qui permet de prouver et de documenter médicalement la torture psychologique et physique subie. C'est une initiative novatrice en faveur de la justice et de la réparation.
L'une des instances les plus importantes et indépendantes de la République, la Cour suprême de justice, a reconnu en novembre 2009 la responsabilité du gouverneur Ulises Ruiz dans cette répression. Mais comme ce n'est pas une décision contraignante, elle n'a eu jusqu'ici aucune répercussion concrète. Il n'a même pas été possible d'intenter un jugement politique contre Ruiz et contre les responsables matériels et intellectuels de cette répression. La violence actuelle est la continuité de la "guerre sale" des décennies passées. Et le pouvoir ne veut pas affronter cette histoire ni élaborée, ni digérée - ce qui serait essentiel pour construire les droits essentiels de la population sur de nouvelles bases.
Q: Le 4 juillet, il y aura des élections pour choisir un nouveau gouverneur. Sont-elles porteuses d'espérance ?
Q: Le 4 juillet, il y aura des élections pour choisir un nouveau gouverneur. Sont-elles porteuses d'espérance ?
PG: De nombreuses voix, à Oaxaca et au Mexique en général, disent que ces élections représentent la dernière possibilité politique pour résoudre ce conflit non résolu. Certains secteurs sociaux ont déjà perdu confiance dans la voie électorale. D'autres secteurs tentent de promouvoir une alliance entre forces de droite et de gauche, un front commun contre la continuité du PRI qui gouverne l'Etat sans interruption depuis 81 ans. Mais je ne suis pas sûr qu'existent les conditions pour des élections réellement libres et transparentes. Ces dernières semaines, on constate une escalade dans l'augmentation de la violence politique pour créer un climat de peur et empêcher les gens de se mobiliser pour voter.
Traduction H.P.Renk
Traduction H.P.Renk
Collaboration E-CHANGER
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