Des semences hybrides qui risquent de renforcer la dépendance d’Haïti
10/06/2010
- Opinión
Pendant que l’accent est mis sur des tâches de reconstruction nationale, environ 5 mois après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, la dépendance alimentaire d’Haïti risquerait d’être renforcée avec le don de 475 tonnes de semences de maïs hybride [1] , “un cadeau empoisonné pour l’agriculture nationale”, offert par la transnationale Monsanto.
C’est l’alerte lancée par le Mouvement paysan de Papaye (Mpp), établi depuis 1973 à Papaye, localité de Hinche, chef-lieu du département géographique du Plateau central, à 128 kilomètres au nord-est de la capitale.
Subtilement, avec l’introduction en Haïti des semences hybrides de Monsanto, ce sont les habitudes alimentaires autochtones et la culture nationale proprement dite qui pourraient être affectées.
C’est également “la souveraineté alimentaire nationale qui risque de céder le pas aux forces du capitalisme néolibéral, si l’on n’y prend pas garde”, s’inquiètent les organisations paysannes et les mouvements sociaux en Haïti.
Le Mpp a pu mobiliser, le vendredi 4 juin 2010, plusieurs milliers de paysans qui ont symboliquement brûlé une partie des semences offertes par Monsanto au ministère haïtien de l’agriculture, des ressources naturelles et du développement rural (Marndr).
Les semences reçues, qui ont été analysées, répondent aux normes des Nations Unies et ne présentent aucun danger pour l’agriculture nationale, affirme le Mardr, évoquant “une manipulation politique” dans le mouvement de protestation enclenché par les organisations paysannes.
Le don global en semences, que compte donner Monsanto à Haïti, est d’une valeur totale de 4 millions de dollars américains (US $ 1.00 = 41.00 gourdes ; 1 euro = 55.00 gourdes aujourd’hui), indique le site internet de cette entreprise transnationale.
Acquises contre argent comptant par des cultivateurs, les semences de maïs hybride de la transnationale Monsanto seraient déjà en cours d’expérimentation dans différents champs agricoles du pays, notamment dans l’Ouest d’Haïti, suivant les informations disponibles.
Or, une semence hybride aurait des limites et laisserait des incidences dévastatrices pour les agriculteurs, surtout dans le ou les sols, sur lesquels elle est utilisée.
C’est ce que révèle le film documentaire Le Monde selon Monsanto : De la dioxine aux OGM, une multinationale qui vous veut du bien, diffusé par le Mpp dans la soirée du jeudi 3 juin à la salle paroissiale de l’église catholique romaine de Hinche.
Tourné sur les produits et actes posés par Monsanto depuis plusieurs années, le film documentaire, réalisé par la journaliste française Marie-Monique Robin, relate, avec beaucoup de détails, les méfaits des produits de Monsanto à travers le monde (l’Amérique latine et l’Inde, entre autres) ainsi que le jeu d’influence, dont a bénéficié cette entreprise transnationale, auprès de la Food and drug administration (Fda) pour faire homologuer ses produits sur le territoire étasunien.
Le Canada et l’Union européenne ont interdit l’utilisation des produits Monsanto sur leur territoire, souligne le film documentaire.
Après l’opération (faite avec précaution) de mise à feu des semences de maïs hybride (les organisateurs ont évité d’inhaler la fumée du brûlis, pour prévenir des effets nocifs sur leur santé, disent-ils), des semences de maïs créole ont été distribuées à toutes les participantes et à tous les participants à la manifestation du vendredi 4 juin, qui ont accueilli avec enthousiasme ces intrants autochtones.
Auparavant, sur une ferme expérimentale du Mpp à Papaye,, les manifestantes et manifestants avaient symboliquement semé, des grains de maïs créole pour signifier leur détermination à consommer des produits créoles à partir de semences autochtones.
“Avec l’implantation de [la transnationale] Monsanto en Haïti, les paysans n’auront plus de contrôle sur leur production agricole”, avertissent les organisateurs de la manifestation du 4 juin.
Tambour, vaccines, instruments à vent en bambou, musique d’ambiance, cris par corne de lanbi (variété de fruit de mer tropical) ont accompagné, tout au long du parcours, les manifestantes et manifestants, portant des chapeaux “A bas Monsanto” et “ A bas Préval” et des maillots (de couleur rouge) charriant leurs desiderata contre des semences de maïs hybride ou de semences (organismes) génétiquement modifiées (Ogm).
“Nous participons à ce mouvement pour revendiquer en faveur du développement intégral de nos localités”, confie à AlterPresse une paysanne originaire de Bòk Banik, localité située non loin de Thomassique (à l’est de Hinche).
Représentant autour de 70% de la population d’Haïti, les paysans, qui ont grandement contribué à la nourriture de milliers de personnes déplacées après le séisme du 12 janvier, continuent de réclamer, de l’État, des investissements plus importants dans le secteur agricole, ainsi qu’une amélioration qualitative de l’accès aux services de base (soins de santé, éducation, logement, eau, électricité, routes) dans les sections communales et les villes de province encore abandonnées.
Pendant que le Mardr fait état de la disponibilité d’un plan d’investissements, pour les 5 prochaines années, dans le secteur agricole, les paysans se prononcent contre le processus d’ exclusion et demandent une autre vision plus responsable, ancrée vers une décentralisation effective en Haïti. [rc apr 11/06/2010 0:00]
[1] L’introduction, à partir des années 1950, des maïs hybrides dans les campagnes du Sud-Ouest autorisait de fortes progressions de rendements : ceux-ci se trouvaient doublés, voire triplés par rapport à ceux du maïs jusque là cultivé en Béarn : le "Grand Roux Basque".
Toutefois, l’adoption de ces nouvelles variétés de maïs engendrait un certain nombre de contraintes nouvelles. Elle impliquait une consommation d’engrais et de produits phytosanitaires nettement plus importante. En outre, comme leurs graines étaient stériles - tout comme celles des variétés OGM actuelles qui correspondent également à des variétés hybrides - les agriculteurs ne pouvaient pas réutiliser pour leurs semis de printemps les grains de leurs récoltes précédentes et devaient obligatoirement acheter chaque année leurs semences auprès de négociants privés ou de coopératives. // Maïs hybride et maïs OGM, même combat ?, écrit par Jean-Paul Charvet, Professeur de géographie à l’Université Paris 10 Nanterre, http://www.cafe-geo.net/article.php....
https://www.alainet.org/fr/active/38950
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