Il reste au pouvoir jusqu’en mai 2011 (au plus tard), si les élections n’ont pas lieu avant février 2011

Préval abat quelques-unes de ses cartes de fin de règne

07/05/2010
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P-au-P, 08 mai 2010 [AlterPresse] --- La dernière sortie, le jeudi 6 mai 2010, du président René Garcia Préval jette la lumière sur les subtilités dans les rapports de force politiques et les marges de manoeuvre qu’un président peut se donner, même en dehors des normes constitutionnelles et du sens commun, relève l’agence en ligne AlterPresse.
 
La présidence haïtienne, au pouvoir en 2010, semble s’octroyer des prérogatives extralégales que le bon sens réprouve et soupçonne de tentation totalitaire. Des interrogations fusent sur les décisions inattendues, réservées pour les mois à venir par le président Préval.
 
Quel avenir pour le pays, après le tremblement de terre du 12 janvier, dans ce contexte de soubresauts politiques ?
 
Est-ce que Préval, malgré sa relative assurance, n’a pas sollicité le concours des dirigeants politiques pour calmer le jeu, qu’il alimente à coups de décisions douteuses ?
 
Un véritable marché de dupes semble caractériser le mode de fonctionnement de l’appareil politique dans la république caribéenne.
 
Combien de fois des soupçons de corruption ne sont pas mis en avant, en relation avec les tournures politiques des événements en Haïti ?
 
Quels intérêts sont cachés derrière l’annonce des risques de non réalisation d’élections générales avant le 7 février 2011 ?
 
Quelle entité doit assumer la responsabilité de la bonne marche des affaires de l’Etat, par des dispositions pertinentes et appropriées ? Et donc de la tenue des compétitions électorales, suivant les échéances constitutionnelles ?
 
Quel pouvoir peut freiner les velléités d’un autre pouvoir ? Selon quelles modalités ?
 
Quels enseignements tirer des comportements des politiques, ces dernières années ? Sur quelles bases, plus collectives, moins individualistes et moins partisanes, se projeter pour Haïti ?
 
Vide et flou politiques ?
 
En plus de la loi d’urgence sur 18 mois (avril 2010 – octobre 2011), votée en avril 2010 par plusieurs sénateurs et députés favorables à la cause du régime installé le 14 mai 2006, [1], la faiblesse organisationnelle des partis et regroupements politiques aurait profité aux tenants du pouvoir établi.
 
Qu’on se rappelle le vote de censure donné à l’ancienne première ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis en octobre 2009 ! Qu’on se souvienne du profil des candidats “élus” en 2009 sous la bannière de Lespwa (regroupement Espoir converti en Inite / Unité depuis quelques mois) !
 
Malgré des capacités (limitées) de convocation, susceptibles de fomenter des mobilisations risquées (possibilités de dérapages dans les manifestations d’insatisfactions enclenchées depuis environ un mois, souligne Préval), les structures sociales ne sont pas prises en compte dans leurs revendications.
 
En mai 2010, en Haïti, seuls la présidence et le gouvernement ont l’initiative politique sur le territoire national.
 
Le mandat des députés, qui avait pris fin le 10 janvier 2010, a été prorogé au 10 mai 2010…, le séisme du 12 janvier ayant couvert, voire renforcé le plan arrêté pour la poursuite du mandat révolu des députés.
 
Dans tous les cas, y compris pour le vote de la loi d’urgence sur 18 mois, les votes ont lieu tard en soirée, et à la va-vite presqu’en dernière minute. Ce que le qu’en dira-t-on haïtien qualifie de mache prese, de vitesse extrême… dans la précipitation.
 
Out donc chambre des députés et sénat.
 
Quant à la justice, elle ne dispose pas de structures pouvant définir son développement ainsi que son autonomie par rapport aux velléités de l’Exécutif.
 
De 2004 à 2006 (gouvernement de transition Boniface Alexandre / Gérard Latortue), puis de 2006 à 2010, la Cour suprême (appelée Cour de cassation en Haïti) est dirigée par un juge ad interim.
 
La présidence n’a pas daigné, jusqu’à présent, pour des raisons inconnues, nommer formellement de président à la cour de cassation, ni nommer les différents membres du conseil supérieur du pouvoir judiciaire (Cspj) déjà choisis (depuis 2006) par l’ensemble des secteurs concernés.
 
Concrètement, le Pouvoir exécutif semble prendre le pas et sur le parlement, et sur la justice, en mai 2010.
 
Une alternative politique n’a pas encore vu le jour, sauf que les élections, qui devaient avoir lieu en février 2010, a poussé beaucoup de partis politiques à se regrouper… en vue de faire échec (?) au régime établi.
 
Mêmes causes, mêmes effets ?
 
Le mandat d’une partie des sénateurs (qui avaient été investis en avril 2006 et qui devaient laisser le parlement en janvier 2008) a été prolongé à mai 2008, les élections pour leur renouvellement n’ayant pas eu lieu en novembre 2007. Quelques-uns de ces sénateurs avaient soutenu la position d’autres collègues, aboutissant au renvoi, le samedi 12 avril 2008, de l’ancien premier ministre Jacques Edouard Alexis, au fort d’émeutes pour la faim.
 
Les députés, élus en 2006, qui devaient terminer leur législature en janvier 2010, ont décidé de se maintenir jusqu’en mai 2010, en dépit du vote d’une proposition d’amendement de la Constitution (en septembre 2009), introduite par l’Exécutif à la dernière session de la législature, comme le stipule la loi-mère.
 
Il n’y a pas eu d’élections en novembre 2009 pour remplacer un autre tiers du sénat. Les sénateurs concernés sont restés en fonction jusqu’à date.
 
D’où la disposition de l’Exécutif de vouloir (implicitement) récupérer les 96 jours perdus en 2006, en allant sur les brisées de sénateurs et députés entre 2008 et 2010.
 
Quoi qu’il en soit, en soumettant une proposition d’amendement à la loi électorale, la présidence en Haïti n’admet-elle pas le caractère irrégulier de sa démarche, visant à récupérer 96 jours si les élections ne se déroulent pas avant le 7 février 2011 ?
 
Quelques cartes…, environ 9 mois avant le 7 février 2011
 
Mettant en avant les circonstances du tremblement de terre du 12 janvier, le président haïtien René Garcia Préval affirme son intention de rester au pouvoir jusqu’à la date du 14 mai 2011, au cas où les élections pour le remplacer ne sont pas organisées à temps (entre la fin de l’année 2010 et le début de l’année 2011).
 
Le 14 mai 2011 correspondra à 5 années d’exercice du pouvoir par Préval, qui avait pris fonction le 14 mai 2006.
 
Il serait irresponsable de ne pas terminer le processus devant aboutir à la remise du pouvoir à un président élu, considère Préval qui s’exprimait dans une conférence de presse le jeudi 6 mai 2010.
 
De mai 2006 à avril 2010, Préval a toujours promis de partir le 7 février 2011.
 
Voilà qu’il décide, brusquement, d’envoyer au parlement un projet de modification d’un article de la loi électorale, l’autorisant à aller jusqu’en mai 2011, dans la mesure où les conditions n’auraient pas été réunies pour le déroulement du scrutin.
 
Plus d’une cinquantaine de députés, favorables à Préval, ont voté, tard dans la soirée du 6 mai 2010, en faveur de la proposition d’amendement soumise par l’Exécutif. Il reste alors l’étape du sénat.
 
D’aucuns s’interrogent sur le volte-face de Préval, qui, entre le 21 avril 2010 et aujourd’hui, a changé de position en interprétant la Constitution du 29 mars 1987, qu’il n’a pas cessé, durant son deuxième mandat présidentiel, d’assimiler à une source d’instabilité.
 
Flairant une tentative de se maintenir au pouvoir au-delà de l’échéance constitutionnelle du 7 février, certains secteurs soupçonnent un projet non identifié chez Préval.
 
Sans vouloir parvenir à un compromis avec les secteurs politiques sur la nomination d’un nouvel organisme électoral, René Préval aurait ainsi essayé d’entraîner les partis et regroupements politiques à prendre des dispositions pour se rendre aux urnes (tenue du scrutin général présidentiel, législatif, muncipal et local) avec l’actuel conseil électoral provisoire (Cep) décrié depuis plusieurs mois.
 
Tout en déclarant vouloir partir, Préval avoue ne pas maîtriser les circonstances qui pourraient entraver le déroulement du scrutin, mais entend seulement s’assurer d’une transmission régulière des responsabilités d’État en remettant le pouvoir à un président élu (au plus tard le 14 mai 2011).
 
Ce que reconnaît la mission des nations unies de stabilisation en Haïti (Minustah), invoquant sa prise de fonction le 14 mai 2006.
 
Au regard de la position adoptée par la Minustah, la communauté internationale aurait-elle déjà soutenu la démarche de Préval quant à son maintien au pouvoir au-delà du 7 février 2011, en cas de non réalisation des élections générales avant cette date ?
 
Paradoxalement, les organisations, qui reconnaissent les difficultés à réaliser des élections en 2010 (nombre de personnes déplacées après le tremblement de terre du 12 janvier, mise à jour de listes d’électrices et d’électeurs, discrédit sur l’organisme électoral, finacement des joutes par la communauté internationale…), ne seraient pas favorables à la nouvelle démarche de la présidence.
 
De nombreuses voix appellent à la mobilisation et à la vigilance pendant les mois à venir, y compris contre la perspective d’une assemblée constituante (avec une partie des anciens parlementaires) pour déterminer une nouvelle Constitution.
 
Comme l’interdiction de manifestations dans certaines villes du pays, ces voix craignent un retour à l’arbitraire avec la loi d’urgence de 18 mois, votée en avril 2010, par députés et sénateurs, sous prétexte de permettre à l’Exécutif d’avoir les coudées franches pour entreprendre des projets de reconstruction post-séisme du 12 janvier 2010. [rc apr 08/05/2010 0:40]
 
[1] Cette loi d’urgence accorde des pleins pouvoirs aux 2 branches de l’Exécutif, présidence et gouvernement, et leur donne la possibilité d’orienter les actions politiques dans une direction que ne pourrait point bloquer le parlement (les chambres haute et basse s’étant rendues inopérantes avec l’acte d’avril 2010).
 
 
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