Entre lumière et ombre
- Opinión
Les gestes, posés par les deux gouvernements haïtien et dominicain au cours du premier trimestre de l’année 2009, en ce qui a trait aux rapports entre les deux pays, annoncent de brillantes perspectives pour l’avenir des relations binationales, relève l’agence en ligne AlterPresse.
Cependant, de 2008 à aujourd’hui, la situation des droits humains des migrants haïtiens et de leurs descendants dans le pays voisin a laissé un sombre bilan.
Des faits annonciateurs de perspectives brillantes
Les deux derniers mois de cette nouvelle année sont jalonnés de bonne nouvelles pour les rapports entre les deux pays.
En premier lieu, la nomination de Rubén Silié Valdéz, comme ambassadeur de la République Dominicaine en Haïti, a été saluée par les secteurs progressistes dans le pays voisin et par les organisations haïtiennes œuvrant à l’harmonisation des relations entre les deux peuples.
Monsieur Valdéz, qui a présenté le 4 mars dernier sa lettre de créance au président haïtien René Préval, est très apprécié par les organisations de la société civile dominicaine pour son expertise et son sérieux dans des analyses sur la thématique haïtiano-dominicaine.
Le nouvel ambassadeur dominicain a conduit plusieurs recherches en la matière et offert sa collaboration dans la réalisation de différentes initiatives prises par le Service Jésuite aux Réfugiés et Migrants (SJRM) et autres organismes de promotion et de défense des droits des migrants haïtiens et de leurs descendants en République Dominicaine.
Un autre fait important est, sans doute, la réactivation de la Commission Mixte Haïtiano-Dominicaine. L’une des missions fondamentales de cette Commission est d’analyser et évaluer régulièrement la coopération entre les deux pays en vue de formuler des recommandations pour l’amélioration et le renforcement de cette coopération, souligne le document rétablissant la participation d’Haïti à ladite Commission.
Au sein de la Commission qui ouvrira sûrement des passerelles entre les deux gouvernements, la partie dominicaine sera présidée par le chancelier dominicain Carlos Troncoso Morales, tandis que la première ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis dirigera la contrepartie haïtienne.
Une première réunion entre les deux mandataires de l’île est fixée pour le 24 mars dans la commune frontalière dominicaine de Comendador. Plusieurs thèmes bilatéraux, dont la levée des sanctions contre la commercialisation des produits avicoles dominicains en Haïti, figurent dans l’agenda de cette réunion entre les deux plus hautes autorités de l’île.
À rappeler que l’État haïtien a mis depuis 2007 un embargo sur l’exportation d’œufs et de poulets dominicains vers son territoire, suite à la découverte de foyers de grippe aviaire dans des poulaillers situés dans le pays voisin. Par l’entremise de la ministre du Commerce et de l’Industrie, Marie-José Garnier, l’administration haïtienne a annoncé que la levée de cette sanction ayant durement frappé les producteurs avicoles dominicains est conditionnée aux résultats de nouvelles investigations qui seront menées dans le pays voisin.
Des points d’ombre persistent
Si l’année 2009 s’annonce brillante pour le futur des rapports entre les deux pays, du début de 2008 au premier trimestre de cette nouvelle année des points d’ombres persistent. Le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR) et Solidarite Fwontalye (SF), branche haïtienne du Service Jésuite aux Réfugiés et Migrants (SJRM), ont tiré, depuis le début de l’année 2009, la sonnette d’alarme pour dénoncer les violences exercées contre les migrants haïtiens en République Dominicaine. « Au moins 5 Haïtiens sont morts et 15 autres blessés, tel est le bilan partiel des violences enregistrées contre cette communauté de migrants en République Dominicaine, en janvier 2009 », peut-on lire dans un communiqué que le GARR a publié le 20 février 2009.
Pour sa part, Solidarite Fwontalye/SJRM a informé que « le 31 janvier (2009), 3 Haïtiens originaires de Mombin Crochu, ont été assassinés de l’autre côté de la frontière par des Dominicains non identifiés ».
Les Haïtiens victimes de ces violences au cours de cette année ont été blessés à l’arme blanche ou par des balles tirées par des soldats du corps militaire dominicain spécialisé en sécurité frontalière appelé CESFRONT.
Les circonstances de ces agressions sont liées à des situations de trafic illégal de migrants haïtiens vers le pays voisin ou à des affrontements entre Haïtiens et Dominicains.
Les violences exercées en représailles par des Dominicains en colère contre des Haïtiens auxquels ils attribuent, sans enquête préalable, des crimes contre leurs compatriotes continuent aussi à figurer comme l’une des circonstances entourant ces agressions. L’année 2008 a été marquée par des drames ayant découlé de ces types de représailles exercées dans certaines communautés.
Faut-il citer le cas de Neiba (Sud dominicain) où 3 Haïtiens ont été tués à l’arme blanche et une quinzaine d’autres blessés entre le 27 octobre et le 2 novembre de l’année dernière, suite à des représailles exercées par des Dominicains de cette localité qui accusaient, sans preuve à l’appui, des migrants d’avoir assassiné un motocycliste dominicain du nom de César Díaz Pérez.
Au cours de cette période de tension dans la communauté de Neiba et dans les environs, environ 700 Haïtiens, dont des enfants en uniforme, ont été déportés à la frontière. Leurs résidences ont été pillées et leurs biens volés.
Pendant l’année 2008, la frontière haïtiano-dominicaine s’est convertie en une boucherie où des trafiquants dominicains et haïtiens ont conduit régulièrement des migrants clandestins pour les faire tuer par des soldats du CESFRONT. Des femmes enceintes et des enfants haïtiens n’ont pas été épargnés ni des filets mortels des délinquants ni des balles assassines des militaires dominicains.
La frontière Nord est emblématique de cette situation où des trafiquants circulent sur le pont frontalier officiel, souvent au su et au vu des autorités dominicaines et haïtiennes et des soldats de la MINUSTAH, avec des enfants pour les faire entrer sans papiers dans le pays voisin.
Dans un rapport publié par Solidarite Fwontalye/SJRM, seulement à la frontière Nord, plus de 1,300 enfants ont été victimes du trafic illégal pour la période allant de janvier à juin 2008.
Dans la même aire frontalière du Nord, une femme enceinte, Anite Joazard, marchande de mirlitons, a été tuée par balles en plein ventre, le 24 mars 2008, par un militaire du CESFRONT au milieu du marché de Dajabón. Ce militaire a fait feu au cours d’une altercation avec un Haïtien du nom de Jean Simon Jalinx qui lui servait de courtier pour extorquer de l’argent aux citoyens désireux de traverser la frontière avec des produits.
Les rapports de bon voisinage ayant existé entre les deux peuples à la frontière tendent aussi à s’effriter pour laisser place à des affrontements devenus plus fréquents entre des militaires dominicains et des ressortissants haïtiens.
La République Dominicaine militarise de plus en plus sa frontière et y permet de moins en moins le passage des Haïtiens. Cette situation crée souvent des conflits entre les militaires dominicains toujours prêts à faire feu et les Haïtiens vivant à la frontière et en quête de tout type de biens et de services (éducation, santé…) disponibles dans les communautés du pays voisin.
L’impunité face aux crimes commis par des soldats dominicains contre les Haïtiens constitue également un autre élément qui encourage des violences à la frontière. Par exemple, Franklin Terrero, policier dominicain en poste à Elías Piña (frontalier avec Belladère), a été pointé du doigt comme auteur de deux homicides en série dans la même ville : l’un perpétré le 22 janvier 2008 contre un cultivateur haïtien du nom d’Iloxène Antoine et un autre contre un autre Haïtien, Frantzy Grand-Pierre, en date du 2 août de la même année.
Par ailleurs, depuis sa réélection pour un troisième mandat suite aux présidentielles dominicaines du 16 mai 2008, Leonel Fernández a rendu encore plus vulnérable la situation des migrants haïtiens et leurs descendants en République Dominicaine, en raison de la violation systématique du droit des descendants d’Haïtiens nés dans le pays voisin à la nationalité dominicaine et du processus d’exclusion de ce segment de la société dominicaine consacrée dans la proposition présidentielle de réforme constitutionnelle actuellement en discussion au Parlement.
Par exemple, l’un des points très controversés de cette réforme est la réduction du jus soli (droit du sol), voire sa substitution par le jus sanguini (droit du sang) [1]. Au cas où cette proposition serait approuvée par le Parlement dominicain, des centaines de milliers de Dominicains d’origine haïtienne (les fils et filles de migrants haïtiens irréguliers nés sur le sol dominicain) se verraient définitivement privés de la nationalité dominicaine, à laquelle ils ont droit en vertu de l’actuelle Constitution dominicaine en vigueur.
Mais le gouvernement dominicain s’obstine à nier à cette catégorie de la population dominicaine ce droit, en dépit des pressions exercées à tous les niveaux (national, binational et international) pour le contraindre à respecter la Loi mère dominicaine.
Les perspectives vues à partir des deux gouvernements
Au-delà du questionnement fait par des analystes sur les véritables intentions du président Leonel Fernández par rapport à Haïti, il y a lieu de noter un certain dynamisme de la part de l’actuel gouvernement dominicain pour normaliser et régulariser les relations entre les deux pays.
Bien sûr, le mandataire du pays voisin joue sur toutes les cartes pour manifester son intérêt pour le maintien de l’harmonie dans les rapports entre les deux États.
L’évocation de son amitié avec Préval, la création de l’organisation non gouvernementale « Fundación Global Democracia y Desarrollo (FUNGLODE) œuvrant à la création de liens d’amitié entre les deux pays, la présence d’intellectuels acceptés par les secteurs progressistes de l’île dans son équipe gouvernementale et maintenant dans l’ambassade dominicaine à Port-au-Prince, des actions de plaidoyer au niveau international en faveur de l’aide à Haïti et ses différents entretiens avec de hauts fonctionnaires de l’ONU et d’autres acteurs impliqués dans la reconstruction du pays voisin figurent parmi ses principales stratégies.
Cependant, il demeure muet sur les mesures qu’il compte adopter pour améliorer le traitement donné aux migrants haïtiens et à leurs descendants en République Dominicaine.
Et du côté de l’administration haïtienne Préval/Pierre-Louis, quelles sont ses perspectives par rapport aux relations avec le pays voisin ? Il semble qu’elle est encore plongée dans un sommeil profond, duquel tente de l’arracher la réactivation de la Commission Mixte Haïtiano-Dominicaine.
Les migrants haïtiens en République Dominicaine sont constamment victimes de cette indifférence des autorités de leur pays. Leurs descendants nés dans le pays voisin sont également menacés de subir le même sort. Enfin, le peuple haïtien reste livré à lui-même à la frontière et en République Dominicaine.
[1] Voir l’article « Réforme constitutionnelle en Rép. Dominicaine : Les implications pour Haïti », publié par AlterPresse le vendredi 20 février 2009.
Source: Alterpresse: http://www.alterpresse.org/
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