La guerre
15/09/2002
- Opinión
Le président Bush a-t-il l'intention de redorer le blason de
la Bourse en lançant une offensive militaire opportune ?
« J'ai toute confiance en la faculté de l'économie à
récupérer. Bien sûr, notre économie a subi le contrecoup de
cet incident, mais les marchés boursiers ouvriront demain et
les gens reprendront le travail. Nous montrerons au Monde de
quoi nous sommes capables » (commentaires de George W. Bush,
Reuters, 16 septembre 2001).
Par contre, quel sera le sort réservé aux programmes sociaux
dans une économie de guerre ? Cinq jours avant l'attaque
terroriste contre le World Trade Centre et le Pentagone, le
président Bush a déclaré de façon quasi prophétique : « J'ai
dit et répété qu'il n'est pas possible d'utiliser l'argent
de la Sécurité Sociale, sauf en cas de guerre, de récession
ou d'extrême urgence et je le pense. » (transcription des
commentaires du président Bush lors de son départ pour
Toledo (Ohio) en compagnie du président Fox, U.S. Newswire,
6 septembre 2001).
« Je le pense ». Le ton de cette rhétorique a contribué à
lancer la machine de guerre américaine. Les mots à la mode :
« récession » et « guerre » sont utilisés pour forcer
l'opinion publique à accepter un changement radical dans
l'affectation des ressources du pays au profit du complexe
militaro-industriel.
De plus, dans la foulée des attaques terroristes, les mots
« allégeance » et « patriotisme » envahissent, de façon
croissante, les discours médiatique et politique. L'objectif
caché consiste à donner une nouvelle légitimité aux États-
Unis, à permettre une « revitalisation de la Défense
Nationale » et à justifier les interventions directes de
l'Armée américaine en divers points du globe.
Enfin, la transformation de la production civile en
production militaire enrichit les entreprises d'armement au
détriment des autres.
La création d'emplois au cœur de la machine de guerre
américaine
On retrouve derrière l'administration Bush les « 5 géantes
de l'armement » (Lockheed Martin, Boeing, Raythéon et
coll.), travaillant de plus en plus en partenariat avec les
géantes de l'industrie pétrolière. Ces entreprises sont
impliquées dans bon nombre des guerres régionales et des
insurrections qui font rage aux abords des pipelines
stratégiques. Ces cinq entreprises ont commencé à transférer
du personnel et des ressources des chaînes de production
« civiles » à celles « militaires ». Par exemple, Lockheed
Martin, la plus grande entreprise d'armement aux États-Unis,
a licencié massivement les employés de sa division satellite
en raison de l'effondrement du marché des satellites
commerciaux. Un porte-parole de l'entreprise a rassuré Wall
Street en déclarant que Lockheed « allait dans la bonne
direction » en réaffectant les ressources financières
jusqu'ici allouées au secteur commercial, c'est-à-dire
civil, à la production plus lucrative d'armement de pointe
tel que le chasseur F-22 Raptor qui sera assemblé dans
l'usine Lockheed Martin de Marietta en Géorgie. Chaque avion
coûtera 85 millions de dollars et cela permettra de créer
3000 emplois directs pour la modique somme de 20 millions de
dollars par emploi.
Boeing, qui tente d'obtenir le contrat de 200 milliards de
dollars que le Département de la Défense s'apprête à signer
pour faire produire le chasseur Joint Striker (JSF), a
annoncé que seulement 3000 emplois seraient créés. Ces
emplois ne contrebalanceront même pas les nombreux
licenciements auxquels son usine de Seattle a recouru ces
dernières années. Chaque emploi créé grâce au programme JSF
coûtera 66,7 millions de dollars aux contribuables
américains (Seattle Post-Intelligencer, 7 septembre 2001).
Il n'est donc pas étonnant que l'Administration Bush veuille
réduire la taille des programmes de la Sécurité Sociale !
Lockheed Martin et Northrop Grumman qui, ensemble, tentent
elles aussi d'obtenir le contrat du JSF ont estimé qu'elles
créeraient 5400 emplois directs à 37 millions de dollars
l'unité.
Il est donc très peu probable que la production d'armement
de pointe puisse résoudre le problème grandissant du chômage
aux États-Unis. Le repositionnement de l'économie américaine
générera des bénéfices de plusieurs centaines de milliards
qui permettront à quelques grandes entreprises de se remplir
les poches. Alors qu'elle contribuera de façon très
marginale à la reconversion des ingénieurs, des techniciens
et des cadres de l'économie civile qui ont été mis à pied,
cette manne permettra aussi aux dirigeants des grandes
entreprises américaines de financer (sous la forme appelée «
investissements étrangers ») l'expansion de l'Empire
américain en divers endroits de la planète.
* Michel Chussodovsky, Centre de recherche sur la
mondialisation, septembre 2001.
Traduit de l'anglais (Canada) par Arnaud Bréart.
Affiché le 16 septembre 2001
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