Un bilan « catastrophique » pour les 100 premiers jours du Gouvernement Pierre-Louis
- Opinión
Des secteurs sociaux et de droits humains qualifient de « très catastrophiques » les 100 premiers jours [5 septembre - 15 décembre 2008] du gouvernement haïtien dirigé par la première ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis, dans des déclarations à l’agence en ligne AlterPresse.
Investie le vendredi 5 septembre 2008, dans un contexte de désastres naturels provoqués par quatre ouragans en série qui ont balayé Haïti, l’équipe de Michèle Pierre-Louis s’était engagée à travailler pour donner des résultats.
Le nouveau gouvernement devait coûte que coûte affronter les dégâts causés par les intempéries d’août et de septembre 2008, lesquelles ont fait plus de 790 morts dans le pays.
Pour cela, un programme d’urgence de 197 millions de dollars, visant à soutenir les familles sinistrées après les désastres, a été mis en place, le 23 septembre.
Au 2 décembre 2008, plus de la moitié de ce montant, qui représente 143 millions de dollars, a été déjà décaissée.
« C’est un bilan très maigre. Les problèmes restent les mêmes et le gouvernement n’a rien fait pour améliorer les conditions socioéconomiques des masses défavorisées », estime Antonal Mortimé de la Plateforme des organisations haïtiennes de droits humains (Pohdh).
Durant ses 100 premiers jours, l’équipe de Michèle Pierre-Louis devait prendre des mesures pour atténuer la misère de la population, assister les enfants en domesticité, combattre le chômage parmi les jeunes puis s’attaquer aux problèmes environnementaux.
« La population s’enlise dans l’extrême pauvreté. Les jeunes, qui représentent plus de la moitié de la population totale du pays, ne travaillent pas. Le gouvernement se montre insensible par rapport aux problèmes de la paysannerie », constate Antonal Mortimé.
C’est le même constat dressé par Guy Numa du Mouvement Démocratique et Populaire (Modep) et le professeur Camille Chalmers de la Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda), questionnés par AlterPresse.
« C’est tout simplement un bilan catastrophique. La hausse des prix des denrées alimentaires se poursuit à un rythme effréné et le gouvernement ne fait qu’appliquer la politique néolibérale à travers le Document de stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté (Dsncrp) », indique Guy Numa.
Directeur exécutif de la Papda, Camille Chalmers pense qu’« il est difficile d’évaluer les trois premiers mois de l’actuel gouvernement », en ce sens qu’il a été installé dans un contexte de catastrophes naturelles.
La déclaration de politique générale de la première ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis est, pour le professeur Chalmers, la continuité de celle de Jacques Edouard Alexis.
Ces programmes de gouvernement sont la pâle copie des politiques néolibérales appliquées dans le pays depuis plusieurs années, selon le dirigeant de la Papda.
« Il n’y a aucune prise de distance par rapport à ces politiques qui ne répondent pas aux revendications de la population », considère Chalmers qui note une augmentation de la pauvreté dans le pays et l’affaiblissement de l’économie paysanne.
« Avec le Dsncrp comme boussole, nous pensons qu’il est difficile pour le gouvernement de satisfaire les desiderata de la population haïtienne », juge, pour sa part, Antonal Mortimé.
Des points plus ou moins positifs
A côté de ce maigre bilan, Camille Chalmers signale quelques points positifs dans la gestion de l’équipe dirigée par Michèle Pierre-Louis durant ses 100 premiers jours.
Ce sont la lutte contre la corruption, le refus de signer les accords de partenariat économiques (Ape) avec l’Union européenne et les réponses apportées aux désastres naturels.
Le déblocage des 197 millions de dollars pour faire face à ces catastrophes était une bonne décision, selon Camille Chalmers qui affirme, cependant, ne pas disposer de données pour mesurer l’impact des programmes et projets exécutés en ce sens.
Le dirigeant altermondialiste estime que ces fonds, si insuffisants soient-ils, ont été débloqués de façon maladroite, sans tenir compte de l’ampleur des catastrophes. Les attentes des personnes vulnérables n’arrivent pas à être comblées à cause des problèmes de coordination au niveau du gouvernement.
Camille Chalmers salue également la participation du Centre national des équipements (CNE) dans le déblayage de la ville des Gonaïves (Artibonite, Nord), complètement inondée, en septembre 2008, par les pluies diluviennes provoquées par le passage de l’ouragan Hanna.
Agir sur les prix des biens essentiels
Pour le premier trimestre de 2009, le gouvernement devrait adopter des dispositions pour réduire le coût élevé de la vie, en procédant notamment à la réouverture des magasins de l’Etat.
Les responsables des secteurs sociaux et de droits humains, interrogés par AlterPresse, évoquent notamment la mise en œuvre d’actions concrètes pour divorcer d’avec les programmes d’ajustement structurel « qui ne font que conduire le pays dans une misère abjecte ».
Guy Numa du Modep exhorte le gouvernement de Michèle Pierre-Louis à profiter de la baisse des prix des produits pétroliers sur les marchés internationaux pour intervenir au niveau des prix des produits de première nécessité sur le marché en Haïti.
Camille Chalmers appelle, pour sa part, au renforcement de la capacité d’intervention de l’Etat et à la redéfinition d’une politique économique qui prend en compte les desiderata de la population.
Des programmes d’assistance à la population de la localité de Baie d’Orange dans le Sud-Est du pays, victime de malnutrition après la série des ouragans, devraient être mis en place au bénéfice des plus vulnérables, suggère le dirigeant de la Papda.
Antonal Mortimé conseille au gouvernement de prendre des initiatives, dans les mois à venir, en vue de garantir la sécurité alimentaire de la population, combattre l’insécurité en définissant un plan de sécurité nationale pour protéger les citoyens.
Le principal responsable de la Pohdh demande au gouvernement d’adopter des dispositions pour faire fonctionner le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire [Ndlr : dont les membres attendent d’entrer en fonction depuis 2007], rendre prioritaire la production nationale et fonctionnelles les collectivités territoriales.
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