« Seul l’Amour sauvera le Monde »
- Opinión
Buenos Aires
Années après années, il se déplace toujours dans les trains avec son bandonéon pour nous régaler de quelques tangos bien rythmés en criant son message préféré: “Seul l’Amour sauvera le monde”...”Chan…Chan…Il secoue ainsi la morosité des passagers fatigués par la journée de travail qui reviennent dans leurs foyers.
Ce moment du voyage dans le train, malgré les incommodités du transport très semblables à celles des sardines mises dans les boîtes, apporte à tous les passagers un peu de fraîcheur pour l’esprit. Quand il a terminé de chanter ses tangos, il passe avec sa casquette en demandant : « Mesdames et Messieurs, veuillez collaborer avec l’artiste avec une petite pièce de monnaie ou avec ce que vous voulez … même un sourire me suffira »…«Seul l’Amour sauvera..aaa… le moooonde !!!… ».
Hier, je l’ai encore rencontré dans le train avec son bandonéon et son refrain, et je pensais à la réunion que je venais d’avoir avec les enfants de
Victor Ramos, qui est aussi le directeur du cinéma, apporte à tous son soutien solidaire. Il a formé des groupes de jeunes dans
Ces jeunes, sous divers prétextes, certains prétendent les « éliminer » au lieu de résoudre leurs problèmes. Dans la gare du Rétiro, comme dans bien d’autres stations, on trouve chaque jour davantage de jeunes en situation de risque social, violentés par la misère, la drogue et la saleté. Ils dorment où ils peuvent en essayant de survivre dans cette jungle de ciment qui a perdu tout sentiment. Ils essaient de se défendre contre l’exploitation de gens sans scrupules pendant que la police regarde d’un autre côté. On y respire la lourdeur, la tension et la discrimination. La solidarité, l’amour et la tendresse sont absents. On vit là avec d’autres codes sociaux.
C’est là que tout en conversant, quelques jeunes m’ont ouvert leur coeur et leur esprit:
A.N. m’a raconté que ses parents l’ont abandonné à la naissance et ceux qui l’ont trouvé l’ont remis à une “Maison Berceau”. Là, il a grandi tout en passant de mains en mains, d’institut en institut. La solitude et le manque de tendresse ont profondément marqué sa vie. Jamais il n’a trouvé une famille à aimer. Maintenant, il fait partie d’un groupe avec d’autres enfants qui ont vécu des histoires semblables. Ensemble, ils forment une famille, ils ont leurs propres codes et ils partagent tous leurs besoins, ce qui leur permet de survivre.
S.P. raconte que ses parents l’ont abandonné et qu’il ne connaît même pas son âge. Il dit qu’il est moins que rien et qu’il est quelqu’un qui n’existe pas en ce monde, qu’il est invisible pour la société. Il n’a pas de nom et il n’a pas d’âge. Il dit qu’en fait, il a des milliers de noms mais qu’aucun d’eux n’est le sien. Il se rappelle qu’on l’avait donné à une famille d’accueil mais, quand il a grandi, un jour, un fonctionnaire du gouvernement est arrivé et l’a emmené. D’abord, on l’a enfermé dans un institut pour mineurs et puis dans un autre. C’est ainsi qu’il a passé sa vie dans différents lieux jusqu’à ce qu’on l’enferme dans un hôpital psychiatrique où on le bourrait de médicaments tous les jours, jusqu’à ce qu’il ait pu s’échapper. Il dit que ce qu’il voudrait avoir dans la vie, c’est une famille qu’il pourrait aimer.
J.C. était le plus silencieux du groupe. Il restait là à regarder le sol et de temps en temps, il jetait un œil sur ce qui l’entourait. Quand il se décida à parler, il raconta qu’il s’était échappé de l’institut pour mineurs et que, lorsqu’on l’avait ratrappé, on l’avait conduit dans un asile psychiatrique. Dans sa demi-conscience, il se souvenait d’avoir entendu les gardiens qui discutaient entre eux du nombre d’enfants qu’ils avaient violés. Dans la rue, il s’est retrouvé avec d’autres enfants, unis entre eux par la tristesse, la faim et la discrimination. Ensemble, ils se donnent du courage pour affronter les difficultés. Quelques-uns essayent de s’en sortir avec les drogues, mais ils ont vite appris que c’était là une autre prison qui les détruit aussi.
La société qui les marginalise veut abaisser l’âge d’imputabilité pour les mineurs. Les moyens de communication ont lancé une campagne féroce contre ces enfants ; ils préconisent la pénalisation et attribuent tous les délits commis aux seuls « mineurs ». Ils réclament toujours plus de sécurité, davantage de prisons, davantage d’instituts pour mineurs et encore plus de répression. Mais ils ne cherchent pas à trouver des solutions aux causes de cette violence sociale et structurelle.
Les media ont donné naissance à la contamination des paroles et de la pensée, des valeurs éthiques et de la responsabilité sociale. La contamination de la pensée provient de l’imposition de “la pensée unique” qui vide toutes les paroles de leur contenu. Cette campagne perverse est en marche et démolit la conscience des jeunes et de la société; elle promeut la violence à travers les moyens massifs de communication.
Je me souviens de César Vallejo, ce grand poète latino-américain, qui dit dans un de ses poèmes: “Je suis né un jour où Dieu était malade… gravement malade”. Dieu doit être aujourd’hui en thérapie intensive. Le train continue sa route et lui est toujours là avec son bandonéon de faubourg: “…le jour où tu m’as aimé, la rose dont tu m’as décoré se vêtira de fête et de sa plus belle couleur…” Chan…Chan… “Seul l’Amour sauvera aaa… le monde”. Les passagers lui donnent une pièce de monnaie ou le récompensent avec un sourire.
A côté de moi, dans le wagon, une passagère est assisse et lit une revue avec un grand titre: “Révolte à la ferme”… grand affrontement au sujet de l’avortement. Des groupes féministes réclament une solution. “Des centaines de femmes meurent chaque année à cause de l’avortement illégal. L’Eglise s’oppose à l’avortement et proclame le droit à la vie dès la conception”.
Le mouvement des femmes réclame le droit de décider. Elles affirment que la femme est maîtresse de son corps et qu’on a besoin d’une législation, en accord avec le temps que nous vivons, pour éviter la mort dans les accouchements clandestins. Un juge a décidé pour une fille de douze ans, victime d’un viol, qu’on ne devait pas lui permettre d’avorter. Il s’est transformé en seigneur et maître de la vie de cette fillette. Il la considère comme une « chose » et non comme un être humain.
Je regarde du coin de l’œil la revue que mon occasionnelle compagne de voyage est en train de lire. On parle aussi des enfants de la classe moyenne et même supérieure qui enregistrent sur leurs téléphones portables leurs premières expériences sexuelles et qui les envoient sur Internet. Ces enfants ne sont pas pauvres et n’ont pas de besoins matériels. Ils possèdent tout ce qu’il faut : maison, nourriture, études et même voiture. Mais il leur manque l’amour qui ne s’achète ni ne se vend. Le grand exploit qu’ils réalisent, c’est d’informer tout le monde qu’ils savent comment « s’imposer sexuellement », excités qu’ils sont par « la télévision où toutes les choses se valent » et où le seul commun dénominateur est la violence. Les media ont contaminé la conscience et la vie des jeunes et leurs parents ne savent plus quoi faire. Ou bien encore, ils sont absents de la vie de leurs enfants par manque de dialogue et d’Amour. Souvent, ils leur donnent tout le matériel qui leur est nécessaire et même davantage, mais la carence affective et le manque de dialogue amènent les jeunes à chercher ailleurs de quoi satisfaire leur angoisse existentielle. Ils s’étourdissent dans la promiscuité où tout se réduit à la consommation et à la perte de la liberté.
Le grand défi se trouve dans l’éducation à la pratique de la liberté, de la conscience critique et de la prise de conscience des valeurs, comme s’est efforcé de nous l’expliquer Paulo Freire. C’est l’école libératrice qui devrait être le pilier pour s’opposer au désenchantement et à la culture de la violence. C’est aussi le sens profond de l’Amour et des valeurs qui rendent leur dignité à la personne et aux peuples. Il faut décontaminer les paroles et les pensées.
Au SERPAJ (Service pour
Je pense chers habitants et habitantes de cette petite planète Terre que, comme vous le savez déjà, l’unique chose que nous ayons à transmettre, c’est d’aider les nouvelles générations à faire que les étoiles brillent pour tous dans l’espérance.
Ce prophète populaire, qui avec son bandonéon parcourt les trains et crie sans cesse son éternel refrain : « Seul l’Amour sauvera… aaa le mooonde… » exprime très bien quel est le grand défi actuel de l’humanité : rétablir l’équilibre en nous-mêmes, dans les relations avec notre prochain, avec notre Mère
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