Quand les réussites sociales du sandinisme se traduisent par les urnes
- Opinión
Victoire sandiniste ? Droite mauvaise perdante ? Fraude massive ?
Le doute s'est installé. Une semaine de violences dans la rue. La campagne de déstabilisation continue.
Il n'est pas facile de rendre compte de la victoire des sandinistes (Front de Libération National FSLN) lors des élections municipales du 9 novembre dernier au Nicaragua. Ceci, au moins pour trois raisons: l'opposition conteste le verdict des urnes, le pacte entre Ortega et Aleman a semé depuis longtemps le doute dans les consciences envers les institutions du pays, les erreurs du couple présidentiel Ortega-Murillo face aux dissidents et à l'opposition se sont multipliées. Sans cela, les incontestables succès de la politique sociale du gouvernement sandiniste suffiraient à expliquer le large soutien populaire.
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Une victoire électorale évidente
Le FSLN a remporté 106 des 146 municipalités en jeu (7 municipalités de
Après 2 ans passés au gouvernement, le FSLN progresse de 5 points au niveau national, en remportant avec plus de 50% des voix huit des seize départements en lice (sur un total de 17) et 80 municipalités de la centaine remportée. De plus, le FSLN voit sa progression la plus forte (jusqu'à 10 points) dans les départements ruraux, même si ceux-ci sont remportés une nouvelle fois par la droite. Le FSLN recule en pourcentage seulement dans 25 des 146 municipalités, recul sans conséquence, car il conserve plus de 50% des voix dans 20 d'entre elles. Une victoire cinglante.
La droite pourrait se consoler un peu grâce à sa victoire dans 3 capitales départementales : elle conserve Bluefields et arrache au FSLN Granada, Boaco. En ce qui concerne Managua, la capitale, la droite mauvaise perdante refuse de reconnaître sa défaite et hurle depuis une semaine à la fraude électorale : le PLC y présentait le banquier Eduardo Montealegre, son meilleur candidat, bardé de diplômes des grandes universités nord-américaines, avec le soutien de l'oligarchie nicaraguayenne et des USA. Contre Alexis Arguello, candidat du FSLN, qui a à peine terminé l'école primaire, ex- tri-champion du monde de boxe. Bref, une élection emblématique des classes sociales en présence. Selon les résultats officiels, Alexis Arguello obtient 51% des voix contre 46% qui reviennent à Montealegre. Défaite cuisante et contestée par Montealegre qui a tout avantage à se poser désormais en victime et en adversaire teigneux, pour pouvoir survivre politiquement et tenter d'arracher le leadership de la droite à Arnoldo Aleman, abandonné par les USA pour sa corruption trop patente.
L'électorat sandiniste est frustré, car malgré un nouveau compte des voix accepté par le CSE (Conseil Suprême Electoral) et qui confirme la défaite de la droite à Managua, celle-ci continue à nier et salir la victoire du FSLN. Les sandinistes sont révoltés et même dégoûtés car, en 1990, Daniel Ortega avait reconnu immédiatement et dignement la défaite électorale qui sonnait le glas de la révolution. A nouveau, en 1996, et malgré les irrégularités grossières d'Aleman, les sandinistes avaient aussi accepté leur défaite électorale. Ils pensaient peut-être qu'on leur rendrait la pareille.
Désormais, la question électorale alimente la campagne de déstabilisation contre le gouvernement Ortega, à laquelle participent l'opposition de droite et du MRS (dissidents sandinistes), l'ambassadeur US Callaghan, les pays de la communauté européenne, les grands medias nationaux et internationaux et certaines ONG dénoncées ces derniers mois par le gouvernement de Daniel Ortega pour être, selon lui, des instruments de l'opposition et de l'impérialisme.
Face à cette campagne, le Nicaragua et les pays de l'ALBA (Alternativa Bolivariana de las Américas) ont contre-attaqué : devant les instances de l'OEA qui se réunit jeudi 20 novembre, ils viennent se plaindre de la partialité de Insulza, secrétaire général de l'OEA, et ils l'accusent d'attiser la campagne de déstabilisation en critiquant le processus électoral au Nicaragua.
Tous responsables de la polarisation
La polarisation politique a pris des proportions inquiétantes, ces derniers mois. Par exemple, Rosario Murillo, femme du président, coordinatrice des CPC (Conseils du Pouvoir Citoyen) et responsable de la communication du gouvernement, mène un combat frontal contre le mouvement féministe. Celui-ci défend le droit des femmes à l'avortement thérapeutique, alors que Murillo prétend parler au nom de la « culture » des femmes du peuple, qui seraient hostiles à l'avortement, en accord avec l'Eglise catholique.
Un certain nombre d'ONG dites "politiques", disposant de ressources financées par la coopération européenne et les agences nord-américaines, mettent en place des programmes dits d' "incidence politique" contre l'autoritarisme du gouvernement et organisent des campagnes et des mobilisations susceptibles de renverser le vote récent du parlement interdisant tout avortement, même thérapeutique.
Le cercle dirigeant sandiniste paye le prix de son autoritarisme vis-à-vis des militants ou personnalités dissidents qui ont été écartés de toute vie politique, quand ils n'ont pas été insultés et classés comme ennemis.
L'aveuglement est dangereux, de quelque côté qu'il soit. Les institutions du gouvernement prennent prétexte de broutilles juridiques pour bousculer les ONG qui ne respecteraient pas leurs statuts et pour interdire au MRS et au Parti Conservateur de participer aux élections.
Le MRS s'alignera alors sur la position « tout sauf Ortega » et appellera à voter pour la droite et les groupes du grand pouvoir économique en s'alliant avec Montealegre. Une position littéralement renversante de la part de sandinistes rénovateurs et qui reste incomprise du peuple sandiniste.
Dès lors, Ortega a beau jeu de dénoncer l'ingérence impérialiste à travers l'opposition, mais aussi à travers certaines ONG et leaders de la « société civile », ingérence similaire désormais à celle qui a lieu au Venezuela, en Equateur ou en Bolivie. Ces ONG et la dissidence sandiniste (MRS) ne se sont pas assez méfiées du piège tendu par leurs financeurs.
Mais l'électorat ne s'est pas laissé dévoyer et le vote du 9 novembre démontre que les programmes sociaux et énergétiques favorisant le peuple et le pays importent plus que la polarisation politique circonscrite finalement dans les élites de Managua.
Les réussites du sandinisme
Si l'impact de la guerre des années 80 avait laissé des traces presqu'irréversibles dans l'économie nationale, la « guerre de démantèlement social » menée par les gouvernements néolibéraux qui sont venus par la suite (1990-2006) ont eu des conséquences tout aussi dramatiques.
Le programme sandiniste de ces deux dernières années a tenté de réorienter une bonne partie des priorités budgétaires vers les secteurs sociaux les plus défavorisés. Effort accompagné de décisions politiques telle la réduction de moitié des méga-salaires de l'administration, avec un plafond de 3.000 dollars par mois pour l'exécutif.
La « déprivatisation » ou renationalisation de l'éducation et de la santé ont constitué deux des piliers programmatiques de cette nouvelle étape. A travers le programme « Yo sí puedo » (« Oui, j'y arrive »), grâce à l'appui cubain et vénézuélien, l'analphabétisme a passé de 23% en 2006 à 13% en
La santé redevenue publique a eu des effets surprenants. Selon des données officielles, présentées au Forum Social Mésoaméricain de cet été, en moins de 12 mois, il a été effectué 25.000 opérations de la cataracte grâce à « l'Opération Miracle », avec l'aide cubaine. Les consultations médicales ont augmenté de 50% pour la même période, tout comme les interventions chirurgicales en général ont augmenté de 37%, toutes effectuées de manière gratuite. Le taux de mortalité pour 100.000 enfants vivants est descendu de 90 à 79, ces derniers mois.
Cette effort de rétablissement a été complété par le programme « Faim Zéro », qui a bénéficié à 32.000 familles pendant les 18 premiers mois de gestion sandiniste et qui prévoit d'aider 15.000 familles supplémentaires en 2009.
Le « Bon Productif » équivalent à 1.500 dollars inclut une vache et un cochon, des oiseaux de basse-cour, des semences et des outils pour travailler la terre. Une « Caisse Rurale » est alimentée sur la base du 25% que chaque paysan est obligé à rembourser, et cela constitue un fonds rotatif qui réalimente le programme.
Les valeurs « macros » indiquent une récupération significative. Depuis l'arrivée du FSLN au gouvernement, le PIB par habitant a passé de 950 à 1.023 dollars. Les exportations, spécialement les exportations d'aliments, ont sensiblement augmenté pendant cette période, ce qui reflète l'augmentation du crédit agricole, qui a triplé.
Avec l'appui du Venezuela et de l'ALBA, le pays essaie de faire face aux crises énergétiques dramatiques qui condamnaient le pays, il y a peu encore, à couper l'électricité jusqu'à 12 heures par jour. Bien qu'elle ne soit pas totalement résolue, la situation s'améliore. Et la création d'une entreprise mixte nicaraguayenne-vénézuélienne dans ce domaine permet d'espérer un apport pétrolier de base sur lequel le pays puisse compter.
Il faut sans doute voir dans ces réussites concrètes qui touchent la vie quotidienne de la population la raison principale et compréhensible du vote sandiniste lors de ces dernières élections.