A quel defi preval doit-il faire face ?
23/02/2006
- Opinión
Une semaine après la proclamation de sa victoire aux
élections du 7 fevrier dernier, René Préval prend la
mesure des attentes qui se manifestent dans la
conjoncture actuelle, marquée par une transition
politique problématique et des problèmes économiques et
sociaux récurrents.
Lors de sa première rencontre avec la presse, le 22
février, le nouveau chef de l’État confie que « je suis
effrayé de voir la passion soulevée par la campagne
présidentielle, l’élection d’un président et les espoirs
que la population a placés dans ce président ».
Préval essaie d’effectuer une rupture avec la tradition
des promesses mirobolantes de l’Executif, sachant, sans
doute, qu’il sera jugé sur ses résultats, dans un
contexte qui n’a rien a voir avec celui de son premier
mandat de 1996 à 2001.
« La seule promesse que j’ai faite au peuple, c’est de
travailler de toutes mes forces pour le bonheur du pays,
et de veiller qu’il n’y ait pas de corruption dans
l’administration publique et en dehors de l’Etat »,
précise-t-il.
Le président élu haitien met en exergue les deux missions
essentielles qu’il s’assigne : la mise place des
institutions prévues par la constitution pour créer les
conditions de la stabilité du pays et la création de
conditions propices à l’investissement privé pour générer
des emplois. « Je crois qu’il y a un consensus général »
autour de ces objectifs, soutient Préval.
Cependant, il est certain que les attentes populaires
vont beaucoup plus loin que les objectifs énoncés par
Préval. Plusieurs organisations des secteurs populaires
affirment déjà vouloir aller au-delà du simple respect
de la volonté populaire lors des dernières élections.
Prenant appui sur la mobilisation suscitée par les joutes
du 7 février, le Mouvement Démocratique Populaire
(MODEP), l’organisation paysanne Tèt Kole et
l’association de jeunes Solidarite Ant Jèn (SAJ) estiment
que « les masses populaires sont à la recherche d’une
véritable alternative ».
« N’oublions pas nos revendications », préconisent ces
organisations, estimant qu’ « il ne faut pas commettre
les mêmes erreurs de 1990 (lorsque l’ancien président
Jean Bertrand Aristide a eu un mandat populaire) ».
Les revendications mises en avant par MODEP, Tèt Kole et
SAJ vont à l’encontre de « l’occupation étrangère, qui
vise à maintenir le pays sous le joug des grandes
puissances ».
Par « occupation étrangère », les organisations désignent
la présence sur le sol national de la Mission des
Nations Unies pour la Stabilisation d’Haiti (MINUSTAH)
intégrée par plus de 8000 casques bleus issus de 40 pays.
Les secteurs populaires entendent aussi faire pression
pour contraindre la nouvelle administration à se délier
du Cadre de Coopération Intérimaire (CCI), sur lequel le
gouvernement de transition s’est entendu avec les
bailleurs de fonds en 2004.
Les organisations de ces secteurs ont toujours critiqué
le fait que les aspirations populaires n’ont pas été
prises en compte par cet accord qui engage le pays
jusqu’à décembre 2007, et qui est plutôt axé plutôt sur
des objectifs néo-libéraux.
Par exemple, ces secteurs veulent que le gouvernement
agisse directement sur les prix des produits de première
nécessité afin de les maintenir à la baisse. Ils veulent
aussi « une véritable réforme agraire » et que la terre
soit sous le contrôle par « ceux qui la travaillent ».
La « réforme agraire entreprise par Préval durant son
premier mandat a souvent été qualifiée par certains
milieux de « parodie de réforme agraire ». Des terres de
l’État ont été mises à la disposition des paysans de
l’Artibonite (Nord), qui ont réclamé en vain un
encadrement approprié.
Des réformes profondes sont attendues au niveau du
système sanitaire, de la justice et de la police. «
Toutes ce questions doivent être réglées par le
gouvernement de manière autonome », suggèrent MODEP, Tèt
Kole et SAJ.
Or, ayant à l’idée sa première expérience présidentielle,
Préval veut faire passer le message qu’être président de
la République ne permet pas d’ouvrir toutes les portes et
que les actions à entreprendre seront de toutes façons
conditionnées.
Le président « a des pouvoirs limités » et sa marge de
manœuvre est « réduite » sans la collaboration d’un
Parlement solide, souligne Préval.
« S’il n’y a pas une chambre forte, ou règne la cohésion,
le président ne pourra pas répondre à l’engouement et
aux espérances que le peuple a placés en lui », prévoit
Préval.
Le nouveau chef de l’État, saura-t-il se fixer des
objectifs minimaux en accord avec divers secteurs de la
nation haïtienne, y compris les mouvements sociaux, et
en prenant en compte les desiderata de la majorité de la
population ?
HaitiWebdo numéro 69, 23 février 2006
AlterPresse
https://www.alainet.org/fr/active/10687?language=es
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