L’Argentine élabore une solution pour payer ses échéances
17/06/2014
- Opinión
La décision de la Cour Suprême des Etas-Unis d’Amérique, concernant les Fonds Vautours et l’Argentine va influencer les mécanismes de restructuration des dettes souveraines. L’Argentine élabore une solution pour payer sa dette, à travers un mécanisme de swap, quitte à risquer le « défaut technique ».
La brèche ouverte par la justice étasunienne - par son jugement en faveur des Fonds Vautours contre l’Argentine- pour ceux extrêmement minoritaires ( en l’espèce moins de 2%) qui n’ont pas adhéré à un mécanisme de restructuration de dette et réclament le remboursement à 100% de la valeur des titres, va générer une onde de choc qui dépasse l’Argentine.
L’Europe ne peut se contenter de regarder la lointaine cousine car Chypre, la Grèce, ... sont autant de cas qui peuvent être concernés mais aussi Italie, Portugal, dont les risques de défaut ont augmenté – avec des dettes dépassant largement le 100% du PIB-et qui ne pourraient envisager la restructuration des dettes souveraines en toute quiétude.
L’inquiétude du FMI
Et cela même si des outils anti-fonds vautours ont été mis en place à travers des clauses d’action collective permettent d’empêcher un investisseur de bloquer une restructuration de dette, car ils sont imparfaits. A tel point que le FMI a fait connaître sa « préoccupation pour les conséquences plus vastes », voyant déjà les problèmes en cascade.
Dès lors, on peut se demander si la décision de la Cour Suprême ne traduit pas aussi une mise en garde à ceux qui n’emprunteraient pas la voix classique de l’endettement sans fin, qui, chaque fois, rend plus dépendant des marchés et d’un rapport de force en faveur des Etats-Unis d’Amérique. Une chose à méditer à l’heure de la négociation du traité Transatlantique, entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Europe.
Le problème dépasse donc clairement l’Argentine. Mais quelles solutions se présentent aujourd’hui au pays pour pouvoir continuer à payer les créanciers de la dette restructurée dans les accords de 2005 et 2008 comme prévu, c’est-à-dire 900 millions de dollars le 30 juin ; Et cela sans voir les versements en question préemptés par le jugement du juge Griesa- confirmé par la Cour Suprême ! (voir Argentine contre Fonds Vautours : Ne pas céder à l’extorsion ne signifie pas la faillite - concernant les Fonds vautours et permettant de faire main basse sur un certains nombre d’actifs argentins dont les comptes en banques utilisés aux Etats-Unis d’Amérique pour le paiement de la dette restructurée. Les juges ont en effet interdit aux banques et autres intermédiaires financiers (chambres de compensation…) travaillant avec l’Argentine et exerçant à New-York, d’aider le pays à honorer sa créance du 30 Juin, afin de payer d’abord les Fonds Vautours cash.
Honorer l’échéance du 30 juin
Les avocats de l’Argentine souhaitent rencontrer le juge Thomas Griesa afin de bien comprendre la portée de ses propos quand il estime que son jugement « ne pousse pas l’Argentine dans le défaut de paiement ». Alors qu’en autorisant dans ces conditions le paiement de 1,5 milliard aux Fonds Vautours, sa décision permet indirectement aux autres créanciers qui ne sont pas entrés dans l’accord de restructuration - soit au total 7%-, de revendiquer le même traitement, ce qui équivaudrait à débourser 15 milliards de dollars, soit la moitié des réserves argentines. Sans parler de ceux qui tout en ayant accepté les conditions de la restructuration, les remettraient dès lors en question... Donc de facto au mieux, il jette l’Argentine dans un défaut technique, au pire dans un défaut réel.
Dans une conférence de presse ce mardi 17 Juin, Axel Kicillof, le ministre argentin de l’Economie a confirmé que différentes solutions étaient à l’étude pour honorer les échéances, et une réunion est prévue demain avec les présidents des deux chambres et blocs parlementaires.
Techniquement, l’idée est « d’initier une restructuration de dette afin de payer les créanciers en Argentine sous la législation argentine » a expliqué le ministre ; cette idée est dans les tuyaux depuis août dernier lors que la Cour d’appel de New-York avait confirmé le jugement de Thomas Griesa.
Prendre sciemment le risque du défaut technique
Il s’agirait d’offrir aux créanciers adhérant à la restructuration de la dette d’accepter d’échanger les bons en leur possession contre d’autres qui seraient sous juridiction argentine et pourraient être payés auprès de banques argentines. Puisque les modalités des opérations de restructuration de 2005 et 2008 fixaient New-York comme le lieu de paiement des titres, lieu qui ne peut pas être changé sans procéder à une nouvelle opération d’échange. Mais cette seule modification implique indirectement un défaut technique, puisque suppose de ne pas payer dans le lieu prévu initialement.
Anticipant cette situation, l’agence de notation Standard & Poor’s a abaissé mardi la note souveraine de l’Argentine à CCC- en l’assortissant d’une perspective négative qui peut faire craindre une nouvelle dégradation, ce qui mécaniquement va attiser la faim de nouveaux Fonds Vautours qui sont aux aguets.
* Estelle Leroy-Debiasi est journaliste professionnelle, Diplômée en Economie, ex rédactrice en chef du quotidien français économique La Tribune.
https://www.alainet.org/es/node/86451?language=es
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