Droits humains

Le Brésil dans la ligne de mire de l'ONU

Ces derniers temps, diverses voix internationales ont haussé le ton de leurs critiques à l'égard du gouvernement de Jair Bolsonaro.

15/02/2022
  • Español
  • English
  • Français
  • Deutsch
  • Português
  • Análisis
mas_de_750_mil_personas_estan_detenidas_en_brasil.jpg
Más de 750 mil personas permanecen detenidas en Brasil.
-A +A

Des nuages inquiétants planent sur les droits humains au Brésil. Ces derniers temps, diverses voix internationales ont haussé le ton de leurs critiques à l'égard du gouvernement de Jair Bolsonaro. Le Brésil est le troisième pays au monde pour le nombre de prisonniers, avec plus de 750'000 détenu·es et des prisons surpeuplées.

 

A l'issue de leur visite dans le pays sud-américain, les expert·es de l'organe de prévention de la torture des Nations unies (ONU) ont déclaré que "le Brésil doit se conformer à ses obligations internationales et renforcer ses mécanismes nationaux de prévention de la torture". Le communiqué des spécialistes a été publié le 11 février au siège de l'ONU à Genève (https://news.un.org/es/story/2022/02/1503982).

 

La principale préoccupation des expert·es est d'ordre institutionnel. En juin 2019, Jair Bolsonaro a publié un décret présidentiel qui, selon l'ONU, affaiblit gravement le système de prévention de la torture. En vertu du décret controversé, les membres du mécanisme national de prévention et de lutte contre la torture (MNPCT) ne seraient plus rémunéré·es et devraient travailler sur la base du volontariat. En outre, le gouvernement a décidé unilatéralement de réduire considérablement le soutien professionnel et le soutien au niveau du secrétariat du MNPCT. Une décision du Tribunal suprême électoral est attendue dans les prochaines semaines sur la légalité du décret présidentiel no 9.831 (en portugais: http://www.planalto.gov.br/ccivil_03/_ato2019-2022/2019/decreto/D9831.htm).

 

L'experte libanaise Suzanne Jabbour, qui a dirigé la mission du 31 janvier au 4 février, a insisté pour que "la décision de démanteler le mécanisme national de prévention de la torture soit abandonnée". Elle a également appelé le Brésil "à respecter ses engagements internationaux en matière de droits humains et à renforcer ses ressources et ses efforts pour lutter contre la torture".

 

La mission comprenait également le Péruvien Juan Pablo Vegas, rapporteur pour le Brésil, ainsi que l'experte norvégienne Nora Sveaass (https://news.un.org/pt/story/2022/01/1778152). Au cours de sa visite à Brasilia, la délégation du sous-comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (SPT) a rencontré, entre autres, la ministre des Femmes, de la Famille et des Droits humains, plusieurs parlementaires - dont les président·es des commissions des droits humains des deux chambres -, des représentant·es de la Cour suprême fédérale ainsi que le procureur général de la République et son adjoint chargé des droits des citoyens et des citoyennes.

 

La délégation a été reçue par le MNPCT, organisme de surveillance de la prévention de la torture du pays. Elle a également rencontré leurs homologues des États - quatre États sur 26 - où un tel mécanisme existe. La délégation de l'ONU s'est encore entretenue avec des représentant·es d'organisations de la société civile impliquées dans la prévention de la torture.

 

"Toutes les hautes autorités que nous avons rencontrées s'accordent à dire qu'il est absolument essentiel de disposer d'un mécanisme de prévention indépendant et qui fonctionne bien, tant au niveau fédéral qu'au niveau des États", a déclaré Suzanne Jabbour.

 

Le Brésil, comme chaque État membre du Protocole facultatif à la Convention contre la torture (OPCAT), est tenu d'établir des mécanismes nationaux de prévention fonctionnels et indépendants. Ces organes sont chargés d'effectuer des visites régulières dans les lieux de privation de liberté, dans le cadre des efforts visant à prévenir la torture et les mauvais traitements et à améliorer les conditions de détention.

 

Autres condamnations internationales

 

Trois semaines à peine avant la mission de l'ONU au Brésil, la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH) et le Bureau régional pour l'Amérique du Sud des droits humains de l'ONU ont condamné les récents assassinats de militant·es écologistes et de défenseur·es des terres dans ce pays d'Amérique du Sud. Ils ont exigé que l'État protège "celles et ceux qui défendent l'environnement et le territoire" et qu'il mène des enquêtes rapides, exhaustives et impartiales" (http://www.oas.org/es/CIDH/jsForm/?File=/es/cidh/prensa/comunicados/2022/017.asp ).

 

Le 9 janvier 2022, les corps de José Gomes, de sa femme Marcia et de leur petite fille Joene ont été retrouvés dans la région de São Félix do Xingu, dans l'État du Pará, en Amazonie brésilienne. La famille Gomes était connue pour avoir libéré de jeunes tortues et pour avoir défendu la terre et la protection de l'environnement.

 

La veille, le 8 janvier, l'attaque contre l'agriculteur José Francisco Lopes Rodrigues a été signalée. Ce défenseur de la terre a été hospitalisé après avoir été victime, avec sa petite-fille de dix ans, d'une attaque à main armée à son domicile, dans la communauté de Cedro, à Arari, dans l'État de Maranhão.

 

Dans son rapport national de 2021 (http://www.oas.org/es/cidh/informes/pdfs/Brasil2021-es.pdf ), la CIDH avait souligné la situation contextuelle de la violence envers les défenseur·es de l'environnement et de la terre au Brésil.

 

Depuis l'arrivée au pouvoir du président Bolsonaro, les organisations de la société civile et les mouvements sociaux considèrent que le Brésil est l'un des pays les plus dangereux de la région pour la défense et la protection de l'environnement et des droits sociaux.

 

Le Rapport mondial 2022 de Human Rights Watch critique également le gouvernement brésilien pour des violations des droits humains dans plusieurs domaines de son administration. Entre autres, pour avoir menacé "le système démocratique du Brésil en tentant de saper la confiance dans le système électoral, la liberté d'expression et l'indépendance de la justice". Également pour sa mauvaise gestion de la pandémie de Covid-19 ainsi que pour sa politique en faveur de la déforestation qui continue de ravager la forêt amazonienne. "Les peuples indigènes et les autres communautés qui défendent la forêt tropicale ont été la cible de menaces et d'attaques", indique le rapport, qui compile des données pour l'année 2021 (https://www.hrw.org/fr/world-report/2022 ). Ce rapport se fonde sur les informations fournies par le Forum brésilien pour la sécurité publique (FBSP), qui indique que la police a tué plus de 6'400 personnes en 2020, dernière année pour laquelle des données sont disponibles.

 

- Sergio Ferrari, de l'ONU, Genève, Suisse

 

Traduction Rosemarie Fournier

https://www.alainet.org/es/node/214932
Suscribirse a America Latina en Movimiento - RSS