OGM génétiquement modifiés en NGT. Ça change quoi ?

Cette étude sur les nouvelles technologies génétiques (NTG), rendue public le 19 avril, fait bien sûr l'objet d’intenses luttes d’influences à Bruxelles pour obtenir la déréglementation des nouveaux OGM.

24/06/2021
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Nouvelles technologies génétiques (NTG)
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Le jeudi 29 avril la Commission européenne a rendu publique son étude sur le statut des nouvelles techniques de modification génétique (NGT). L’étude, tout en indiquant que les organismes obtenus par les nouvelles techniques génomiques sont soumis à la législation sur les OGM « constate aussi que la législation actuelle sur les OGM, adoptée en 2001, n’est pas adaptée à ces technologies innovantes ». Le débat pour ou contre fait fureur et enflamme de manière récurrente tous les échanges depuis des décennies. Face aux lobbies des semenciers et des chimistes, les opposants réclament de l’Union européenne une règlementation.

 

Croire que c’est possible c’est nier la réalité : l’UE, en effet, bras armé du néolibéralisme impose son modèle agricole intensif dont les prix sont soumis au marché et pas besoins des peuples.

 

Avant de se positionner, comme sur beaucoup d'autres sujets, le PARDEM considère qu'il faut d'abord rester lucide sur les enjeux.

 

La nature, dès l'origine, « fabrique » de l'hybridation naturelle via la pollinisation. Mais très rapidement, et depuis très longtemps, l'être humain pratique la modification des plantes, avec l'hybridation artificielle. Ce furent tout d'abord les botanistes qui firent quelques expériences et s'aperçurent qu'en croisant deux variétés différentes de la même espèce ils pouvaient améliorer la saveur, l'aspect et/ou la résistance de leurs légumes ou de leurs fruits. Puis ils croisèrent deux variétés de deux espèces différentes donnant ainsi naissance à une nouvelle variété. Les évolutions scientifiques et de laboratoires permirent au XXe siècle d'aller plus loin avec l'apparition des Organismes génétiquement modifiés (OGM). Pour parvenir aux OGM plusieurs techniques de laboratoire existent :

 

−    la transgénèse qui consiste à introduire un gène intérieur à la plante, avec quelques exemples communs : la clémentine, hybride de l’orange et de la mandarine, le romanesco, hybride du brocoli et du chou-fleur, le tangelo, hybride du pomelo et de la mandarine...

 

−    la mutagenèse qui modifie le génome de la plante.

 

−    la fusion cellulaire, la fécondation in vitro...

 

Il s'agit d'améliorer la résistance des plantes à la sécheresse ou aux herbicides - ce qui permet d'utiliser ces derniers sans retenue - le rendement, la conservation, l’aspect ; plus rarement d'améliorer les qualités gustatives et nourricières des plantes. Pour les industriels il s'agit, entre autres par le biais des droits sur la propriété intellectuelle, de contrôler les semences et d'imposer leurs produits aux agriculteurs.   

 

Aujourd'hui les OGM de laboratoires et de plantes cultivées sont une réalité et nous les consommons directement, ou indirectement via des produits agroalimentaires transformés.

 

La réglementation des organismes génétiquement modifiés est très variable selon les pays (voir la directive 2001/18 de l'UE) mais pour l'UE les positions sont en cours d'évolution en plein accord avec le gouvernement français.

 

Des mesures juridiques très diverses ont été prises dans le monde concernant la recherche, la production, la commercialisation et l'utilisation des OGM, dans leurs divers domaines d'application (agricole, médical, etc.). La réglementation européenne est, en apparence, plus restrictive qu’en Amérique du Nord et dans les pays émergents en ce qui concerne leur exploitation agricole, leur commercialisation et leur consommation alimentaire.

 

En réalité c'est un trompe-l’œil. Prenons par exemple le maïs ou le soja... OGM interdits par la directive UE pour la plantation en France mais pas pour la consommation, via les importations, par les animaux ou directe avec les produits de l'agro-industrie.

 

Depuis des décennies les lobbys pèsent avec succès, grâce à l'accord tacite de tous les Etats européens et de leurs élus, sur la réglementation européenne en vigueur ou à venir.

 

Cette étude sur les nouvelles technologies génétiques (NTG), rendue public le 19 avril, fait bien sûr l'objet d’intenses luttes d’influences à Bruxelles pour obtenir la déréglementation des nouveaux OGM.

 

L'UE est ainsi en passe de reconsidérer sa position réglementaire face au décalage qui s'accroît avec les pays qui ont adopté largement les NTG. La Commission européenne vient d'avouer « que réglementer comme OGM des produits issus de NTG introduit une distorsion de concurrence en matière d’échanges commerciaux internationaux, ce qui conduirait à la pénalisation des acteurs économiques des États membres et affecterait la recherche publique et privée européenne ».

 

Jamais avare de discours contradictoires, l'UE a ainsi demandé au Portugal qui préside actuellement l’UE de « conduire un débat pour faire évoluer la réglementation de manière à ce qu’elle prenne en considération la protection durable de la santé et de l’environnement sans négliger les opportunités qu’offrent les innovations technologiques de NTG ».

 

Le ministre de l’Agriculture français, Julien Denormandie, a insisté en conclusion des rencontres de l’Union des Semenciers française du 6 mai 2021 sur la place qu’occupe le secteur semencier dans l’économie française. Il a souligné « l’intérêt stratégique de mettre en œuvre les améliorations variétales par NBT (*) pour reconquérir notre souveraineté alimentaire ». Ce qui est de bon augure pour faire avancer cette révision réglementaire européenne sur les NTG, la France présidant l’UE en janvier 2022.

 

Face à cette situation, la controverse se limite souvent à être pour ou contre les OGM et donc à demander une révision, dans un sens ou dans l'autre, de leur réglementation.

 

Il ne s’agit pas de demander l’application d’une quelconque « loi européenne » mais de prendre des mesures concrètes sur la nocivité de l’UE et son inféodation aux lobbys chimiques et à l’agriculture intensive.

 

Au PARDEM nous pensons qu'avant de réfléchir à une réglementation liée aux OGM, nous devons nous poser les questions suivantes :

 

Dans quel but fait-on de la recherche et développement (RD) sur les OGM ? Qui la pratique et comment ? Ensuite il faut définir quel est l'encadrement juridique pour contrôler l'utilisation immédiate et à venir des OGM.

 

Une des premières raisons du pourquoi est certainement liée à la souveraineté alimentaire dont certains pays font encore une de leurs orientations politiques. L'autre réponse évidente est intimement liée à la recherche d'une production plus élevée souvent interconnectée à une agriculture productiviste. Enfin il ne nous faut surtout pas oublier qui détient les ressources (semences) et comment elles sont gérées (vendues, distribuées...). Dernier maillon : comment circule les denrées alimentaires et dans quel but ?

 

Depuis sa création on a vanté aux peuples les bienfaits de la « Politique agricole commune » de l’Union européenne, et pourtant :

 

•    La PAC a été créée pour mettre en œuvre une agriculture productiviste, donc forte consommatrice d'intrants. Ils ont augmentés de 25% sur les dix dernières années, de 40% depuis 1960. La conséquence immédiate de cet axe majeur de la PAC réside dans la disparition d'un quart des agriculteurs français en 50 ans.  6 millions d'hectares de terres agricoles ont été perdus depuis 1960. 80 000hectares disparaissent en France tous les ans. Pour autant la production agricole moyenne continue d'augmenter sensiblement !

 

•    La PAC est directement responsable de la mort de milliers d'agriculteurs français depuis 30 ans : 615 suicides en 2015 soit un taux de 13% plus élevé que le reste de la population ! Le revenu moyen annuel d'un agriculteur est estimé à 18 300 €, par an, en baisse de 29 % par rapport à 2015. Beaucoup survivent avec l'équivalent du RSA (565 €). Les plus gros bénéficiaires des subventions de la PAC sont des entreprises agro-alimentaires dont les investissements sont subventionnés.

 

•    Le volet environnement est insignifiant et constamment revu à la baisse, laissé, lui, à l’initiative des États.

 

•    Notre souveraineté alimentaire est un mensonge : l'agriculture française a vu son solde d'exportation baisser de 50% en 5 ans (2015/2020), les importations agricoles ont doublé depuis 2000 et 20% de notre alimentation est aujourd'hui importée : 50% des fruits et légumes, 25% de la viande de porc, 48% des volailles ! La dérégulation et le libre-échange mondialisé des produits agricoles et de ses dérivés industriels ne cessent de s'accroître.

 

•    Se nourrir ne suffit pas, même si cela doit rester un postulat, se nourrir sainement devrait guider nos actions et ceux de l'UE. Or le développement du néolibéralisme a engendré de nombreux accords de libre-échanges signés entre l'UE et des pays (CETA, MERCOSUR, ALENA …) Bilan : 100 000 tonnes de viande bovine et 18 000 tonnes de volailles supplémentaires sont importées avec le Mercosur par exemple, alors que l'élevage utilise amphétamines, antibiotiques…

 

Nous pourrions détailler plus encore mais ces quelques points montrent à quel point l'UE s'avère en faillite totale depuis des décennies en matière d'agriculture fermière et de qualité environnementale, contrairement à ce qui nous est seriné. Pourtant la PAC représente encore 35% du budget de l'UE (66% dans les années 80).

 

Comment croire une seule seconde que le seul aspect des OGM et de leur réglementation pourrait permettre de résoudre les problèmes concrets sans remettre en cause le système même qui les produit et les promeut ?

 

Le PARDEM propose de partir d'une orientation simple et facilement acceptable par tous les consommateurs et petits agriculteurs du monde : quelle agriculture voulons-nous pour nourrir sainement nos populations tout en permettant à nos agriculteurs de vivre décemment de leur labeur ?

 

Si nous sommes d'accord sur cet axe alors des mesures concrètes peuvent s'envisager :

 

−    Favoriser l'agriculture fermière française en l'orientant vers l'autosuffisance alimentaire du pays. Mettre en place des quotas ou l’interdiction d’importation pour protéger les productions françaises existantes,

−    Remettre les semences dans le champ du vivant, c’est-à-dire les sortir des mains des multinationales afin que les agriculteurs puissent les réutiliser,

−    Nationaliser la Recherche Développement (RD) des OGM et des intrants et l'interdire aux multinationales (il nous faut agir sans trembler vis-à-vis des conflits d'intérêts récurrents sur ce secteur d'activité), ne développer la plantation d'OGM qu'après des études d'impact sérieuses.

−    Interdire toute importation de produit agricole provenant de pays où la réglementation sur les OGM est en retrait de celle de la France,

 

Il ne s’agit donc pas de demander l’application d’une quelconque « loi européenne » mais de prendre des mesures concrètes sur la nocivité de l’UE et son inféodation aux lobbys chimiques et à l’agriculture intensive. Et cela doit relever de décisions nationales.

 

Bien d'autres mesures concernant l'agriculture devront être prises si nous voulons également voir les agriculteurs vivre décemment, notamment en mettant un terme au racket de la grande distribution, en stoppant la disparition de surfaces agricoles, en favorisant les circuits courts…

 

Remettre en cause les orientations nocives de la PAC en sortant de l'UE s'avère, en priorité la seule alternative vers une autre agriculture et une meilleure alimentation pour tous.

 

Tout ceci fera d'ailleurs l'objet d'une partie de notre programme détaillé consacrée à l'agriculture.

 

(*) "NBT" signifie "New Breeding Technologies", que l'on pourrait traduire en français par "nouvelles technologies d'amélioration végétale". Concrètement, ce terme un peu fourre-tout réunit des techniques de modification génétique des plantes, apparues ces dernières années.      

 

- Patrick Serres, membre du Bureau politique du Parti de la démondialisation

 

https://www.pardem.org/ogm-genetiquement-modifies-en-ngt-ca-change-quoi

 

https://www.alainet.org/es/node/212799
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