29 mars 2011, 24 ans de la constitution

Un levier pour la veritable refondation de la nation

27/03/2011
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Lorsque, moins d’un mois après le séisme, les autorités nationales, questionnées sur les perspectives d’après le 12 janvier 2010, prononçaient le mot refondation, on n’en croyait pas ses oreilles. On admettait tout au plus que, l’émotion aidant, dépassées par les événements, elles se sentaient obligées de dire quelque chose, lequel pouvait dépasser leur pensée. On se disait que, le temps de se ressaisir, on n’en entendrait plus parler.
 
Très vite, on a dû se rendre à l’évidence : la refondation devient le concept le plus utilisé par les dirigeants.
 
« Une fois l’urgence passée, il faudra penser à la reconstruction. Que dis-je, à la REFONDATION d’Haïti [1] », explique le Président Préval le 9 février 2010 à ses collègues de l’UNASUR. Il persiste : « Il faut remodeler, refonder Haïti. Ne pas le faire maintenant serait une erreur historique grave et impardonnable ». Le 15 février 2010, à l’occasion de la visite en Haïti du Premier Ministre canadien, le Chef de l’Etat précise à l’Etoile, la Presse Canadienne : « Qu’est-ce qu’il faut faire en Haïti ? Il faut surtout prendre cette occasion pour ne pas reconstruire mais pour repenser, pour remodeler Haïti » [2]. Le lendemain 16 février, il dira au Président Sarkozy : « Le pays n’est pas à reconstruire. Il est à construire. Il est à refonder ». Même discours au sommet régional de Playa del Carmen, le 19 février 2010 : « Plutôt que des travaux de reconstruction, nous devons travailler à la refondation du pays en ne nous concentrant pas seulement sur la capitale [3] ». Ou dans une entrevue à Info-Guadeloupe : « il faut repenser le pays. Il faut refonder le pays ».
 
Le premier ministre va aussi dans la même direction : « Il faut engager Haïti sur la voie du renouveau. Il nous faut aujourd’hui changer Haïti. Il nous faut la remodeler dans ses structures [4] »
 
Refonder, repenser, remodeler, changer et même construire tout simplement ; les mots ne manquent pas pour signifier la résolution des autorités de ne plus faire comme avant.
 
La Communauté internationale n’est pas en reste. L’AUF parle de la refondation de l’enseignement supérieur en Haïti. Le Président dominicain, l’envoyé spécial Bill Clinton, le Secrétaire General des Nations-Unis réfèrent à l’envi à la « refondation » ou au « rebuilding » d’Haïti ». Le site du PNUD créé pour accompagner la reconstruction d’Haïti a pour adresse : www.refondation.ht. Il devient courant au niveau des bailleurs de fonds de parler de refondation de l’Etat, de refondation de la justice, refondation de l’éducation, refondation du lien social, etc.
 
Cette détermination des dirigeants à ne pas reconstruire comme avant devrait rassurer. Se pourrait-il que l’ampleur des dégâts du 12 janvier ait provoqué chez eux une prise de conscience telle qu’ils ont fini par prendre la dimension de la tâche à accomplir ?
 
Dans les lignes qui suivent, nous nous évertuerons à :
 
-  Examiner la portée, le contenu, les orientations et les modalités de la refondation proposée ;
 
-  Déterminer les lignes de rupture entre le « Plan d’Action pour le Relèvement et le Développement National » (PARDN) et les différents plans ou programmes récemment proposés pour Haïti ;
 
-  Apprécier la faisabilité et la désirabilité du dit plan.
 
Nous en profiterons pour nous référer également à la tentative de refondation entreprise par le peuple haïtien au lendemain de la chute des Duvalier et consacrée par la Constitution de 1987. Entre le PARDN et le Projet de « Changer l’Etat » de 1986-1987, existe-t-il des convergences ? Comment se positionnent-ils sur le plan de :
 
o La souveraineté nationale ;
 
o De l’organisation politique ;
 
o Des orientations économiques ;
 
o De la vision sociale ;
 
o De la dimension culturelle ?
 
Sommes-nous sur le chemin de la vraie refondation ?
 
1- Le « Plan d’Action Pour le Relèvement et le Développement National d’Haïti » (PARDN)
 
Le « Plan d’Action Pour le Relèvement et le Développement National d’Haïti » (PARDN) présenté le 31 mars 2010 à New-York lors de la Conférence Spéciale sur Haïti ne jure que par la Refondation. Il a d’ailleurs été rebaptisé « Plan Stratégique pour la Refondation d’Haïti [5] ». Tout un chapitre est consacré à « la Vision et les Orientations pour la Refondation d’Haïti ». Et l’essentiel du document est consacré aux quatre grands chantiers qui constituent le cadre de la Reconstruction :
 
a. La refondation territoriale ;
 
b. La refondation économique ;
 
c. La refondation sociale ;
 
d. La refondation institutionnelle.
 
Prometteur, direz-vous. Jusqu’à ce qu’on y regarde de plus près. Les causes identifiées de nos malheurs, la définition et la portée de la refondation envisagée, les orientations économiques retenues, la méthodologie utilisée, le contenu des programmes et projets font déchanter très vite.
 
La méthodologie utilisée pour l’élaboration de ce « Plan Stratégique » constitue un modèle d’exclusion. Du national en général et des forces vives de la nation en particulier. Toute une pléiade d’experts, essentiellement étrangers, a été mise à contribution. La plupart des secteurs du pays ont été soigneusement évités, à part le secteur privé des affaires ;
 
La définition et la portée de la refondation envisagée ? Simplement décevantes. On retrouve difficilement l’intrépidité des concepts utilisés pour expliquer que rien ne se ferait plus comme avant. Un exemple, la portée de la refondation institutionnelle :
 
« La refondation institutionnelle s’attaquera immédiatement à la remise en fonctionnement des institutions étatiques en priorisant les fonctions les plus essentielles, la redéfinition de notre cadre légal et réglementaire pour mieux l’adapter à nos besoins, la mise en place de la structure qui aura le mandat de gérer la reconstruction, l’établissement d’une structure de transparence et de reddition de comptes qui rende la corruption impraticable sur notre territoire » [6].
 
Parle-t-on bien de refondation ? ;
 
Quant aux orientations économiques retenues, elles ne sont pas nouvelles. Le cadre macro-économique privilégie la lutte contre l’inflation dont le taux sera « maintenu en dessous de 10% sur la période ». En ce qui concerne l’investissement privé, « une politique d’incitation adéquate sera élaborée pour favoriser notamment l’implantation d’industries manufacturières, de zones franches, de parcs industriels et de zones de développement touristique » (pp.26). Rien de nouveau sous le soleil, donc. On nous apprend par ailleurs que « les ONG sont des opérateurs essentiels à la mise en œuvre du PARDN » (pp. 51). Et pour bien comprendre le sens de la refondation promise : « les investissements privés dans l’économique comme dans le social vont constituer la colonne vertébrale de la refondation de notre pays » (pp. 9). Dans le social aussi !
 
Le contenu des programmes et projets va dans le même sens. A titre d’exemple, les actions prévues dans le cadre de la « refondation territoriale » pour les prochains 18 mois :
 
-  La reconstruction des zones dévastées ;
 
-  Le réseau de transport national (maillage routier) ;
 
-  La préparation à la saison cyclonique et la gestion des risques et désastres ;
 
-  Les pôles régionaux de développement et rénovation urbaine ;
 
-  L’aménagement du territoire et le développement local ;
 
-  L’aménagement des bassins versants. (pp.12-19).
 
Un véritable catalogue que ce « Plan Stratégique pour la Refondation Nationale ». On cherche encore et le stratégique et la refondation
 
2- Les causes de nos malheurs : en milliards de dollars US
 
Il est vrai que l’analyse des causes identifiées de nos malheurs ne pouvait conduire à de meilleures propositions. Certes l’on reconnait que « un bilan aussi terrible ne résulte pas seulement de la force de la secousse sismique » (pp. 5, par. 2). Mais les explications trouvées ne convainquent guère de la nécessité de refonder : « Il est le fait de la densité de population excessive, de l’absence de normes de construction adéquates, de l’état catastrophique de l’environnement, de l’utilisation désordonnée des sols et du déséquilibre dans la répartition des activités économiques » (ibid.) ;
 
Dans le cadre d’une véritable quête de refondation, on s’attendait à une sérieuse introspection, à une identification des causes profondes avant d’indiquer un changement radical de cap, de nouvelles orientations majeures. Comment en est-on arrivé à cette « densité de population excessive » ? A quoi est due « l’utilisation désordonnée des sols » ? Que recouvre le « déséquilibre dans la répartition des activités économiques » ? Comment en finir avec l’exclusion ? Comment élargir l’espace de citoyenneté ? Comment recouvrer la souveraineté ? Comment renforcer et élargir les assises de la nation ? Quels facteurs expliquent cette segmentation à l’ extrême de la société ? Pourquoi ce pays, phare et inspirateur de liberté, d’indépendance et d’auto-détermination à travers les continents, parait ne plus pouvoir se prendre en charge ?
 
Bien entendu, aucune référence au système économique en vigueur plus porté sur la recherche de rentes, l’extorsion de surprofits, l’approfondissement des inégalités, le maintien de la précarité et de la misère que sur la création de richesses, la valorisation des ressources nationales, la satisfaction des besoins essentiels, l’élargissement de la marche interne, la création d’emplois.
 
En réalité, la refondation annoncée est faite de grandes idées incantatoires mais plus fondamentalement d’un volume faramineux de millions et de milliards devant être dépensés dans 20 chantiers : 3.9 milliards sur 18 mois (pp. 45) et 11 milliards sur 10 ans [7]. Les problèmes fondamentaux du pays apparaissent comme étant des problèmes de financement et il suffirait que les milliards se déversent pour que le paradis nous soit ouvert. D’ailleurs, toute cette politique pour la refondation est élaborée à l’ intention des bailleurs de fonds, comme le reconnait le document lui-même dès sa première phrase [8].
 
3- La CIRH : le renforcement de la tutelle
 
Et pour s’assurer que les milliards arrivent, on n’hésite pas à se défaire de ce qui restait de posture légale, morale, culturelle, constitutionnelle. On n’hésite pas à créer la « Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti » (CIRH) dont la composition et la mission jurent avec l’indispensable maitrise des leviers de la reconstruction/refondation par les représentants légitimes de l’Etat et les forces vives de la nation.
 
C’est que, précise le PARDN (pp.9), « il faut une « rupture dans les approches utilisées jusque là ». « L’importance des problèmes à résoudre, des moyens à mobiliser appellent de nouvelles façons de faire, véritablement une nouvelle forme de coopération, une responsabilité mutuelle Haïti-Communauté Internationale dans les résultats à atteindre ». La notion de souveraineté nationale devient donc une notion obsolète, dépassée, anachronique.
 
D’où la fameuse Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH) dont la composition et la direction sont réputées paritaires : 28 membres au départ dont 14 haïtiens et 14 étrangers. Du coté haïtien, on retrouve notamment des représentants des trois Pouvoirs de l’Etat, du secteur privé, des syndicats, des autorités locales, des ONG, etc. Coté étranger, figurent notamment les grands bailleurs bilatéraux et multilatéraux [9]. Sa présidence est assurée conjointement par le Premier Ministre Haïtien et l’ancien président américain Bill Clinton. Il est aussi prévu un droit de véto du Président haïtien sur ses décisions.
 
Il importe de souligner :
 
-  Le déficit de représentativité de certains membres haïtiens, censés représenter des secteurs dont des composantes majeures n’ont pas été consultées, ce qui réduit leur fonctionnalité au sein de l’organisme. Des dénonciations ont été faites en ce sens à propos des représentants du Parlement, des syndicats, des ONG ;
 
-  Les révélations du Premier Ministre Jean-Max Bellerive le 2 juin à Punta Cana selon lequel « les membres haïtiens de la CIRH ne connaissent rien de leur mission, de leurs attributions, ni de qui ils reçoivent leurs émoluments » [10].
 
On ne peut s’empêcher de formuler la question : quel est le poids réel d’un Président de la République et d’un Premier Ministre haïtiens face à un ancien président américain et des représentants d’institutions financières internationales, tuteurs confirmes depuis des lustres ?
 
Quant à ses missions et attributions, elles sont des plus inquiétantes : « la mission de la CIRH est d’assurer la planification stratégique, la coordination et la mise en œuvre des ressources provenant des bailleurs bilatéraux et multilatéraux, des organisations non gouvernementales et du secteur privé des affaires, en offrant toute la transparence et la responsabilité nécessaires. La CIRH œuvrera à optimiser les investissements et contributions de ces entités », précise l’article 9 de l’Arrêté Présidentiel du 6 mai 2010.
 
A noter qu’elle ne contrôle pas seulement les ressources de l’aide publique au développement, qu’elle soit destinée aux ONG ou au Trésor Public. Les projets du secteur privé des affaires sont également de son ressort.
 
En outre, en vertu de l’article 10 dudit arrêté présidentiel, c’est à elle que revient la charge du « développement et de la révision continue du plan de développement d’Haïti », l’évaluation des « besoins et des écarts » de même que la définition des « priorités d’investissements ». « Elle approuve les propositions de projets en regard de leur concordance avec le Plan d’action d’Haïti ». Elle peut élaborer des projets ou les solliciter, elle « décide de la recevabilité des soumissions externes ».
 
Et ce n’est pas tout : elle intervient dans la délivrance des titres de propriété, dans la délivrance de licence pour la construction d’hôpitaux, de générateurs électriques, de ports et autres projets de développement économiques.
 
Le comble : « La CIRH conduit ses actions dans le cadre de la loi sur l’état d’urgence » [11]. En clair, pas de balises pour cette instance étrange et bizarre qui peut passer des contrats avec qui elle veut, octroyer ou refuser des terrains, des licences de fonctionnement, des autorisations d’investissement, approuver ou rejeter des projets et ce, sans être redevable d’aucune instance. Dans un article publie dans Le Nouvelliste du 30 aout 2010 [12], Jean-André Victor a dénoncé l’incompatibilité entre le mandat constitutionnel du Premier Ministre et la fonction de co-président de la CIRH, la « confusion dans les rôles et dans les compétences », la banalisation de la fonction présidentielle, le « rôle ambigu du gouvernement haïtien ». Le profil institutionnel de la CIRH, conclut-il, « ne s’accorde point avec la loi haïtienne sur l’administration publique ».
 
Mais qu’importe ! Pourvu que les milliards arrivent !
 
4- Les milliards qui tardent
 
Or il se trouve que déjà des couacs se font entendre dans la course aux milliards :
 
e. Les milliards qui ne viennent pas ;
 
f. Les milliards qui viennent et qu’on n’identifie pas ;
 
g. Les milliards que l’on dépense et qu’on ne retrouve pas ;
 
h. Les milliards qui se ramassent à travers le monde, aux USA, En République Dominicaine, au Moyen-Orient, à travers le monde et qui ne traversent jamais les frontières d’Haïti ;
 
Au soir du 31 mars 2010, la délégation haïtienne présidée par le président de la république lui-même se frottait les mains. Les promesses obtenues à l’occasion de cette grande conférence internationale sur Haïti tenue à New-York au siège des Nations-Unies allaient au-delà des demandes : 5.3 milliards sur 18 mois alors que le gouvernement avait requis 3.9 pour la même période dont 350 millions d’appuis budgétaires pour l’exercice en cours. Ou en est-on six mois après le séisme ?
 
« Au 12 juillet 2012, seulement 10% des 5.3 milliards de dollars promis à Haïti lors de la conférence de New-York ont été décaissés [13] », nous apprennent les co-présidents de la CIRH, Bill Clinton et Jean-Max Bellerive, lesquels précisent, de manière pressante : « Sans un calendrier de décaissement fiable, la Commission est incapable de planifier, de financer des projets ou répondre rapidement aux besoins immédiats ».
 
Ils ajoutent : « Le gouvernement haïtien a fait tout ce qui lui a été demandé par les bailleurs de fonds pour inspirer confiance, garantir la transparence et assurer que pas un seul sou ne serait perdu dans la corruption. ». Ils insistent : « Nous ne pouvons pas tourner le dos au gouvernement haïtien et à son peuple dès qu’arrive le moment de débourser [14] ».
 
On pourrait citer les récriminations à peines voilées notamment contre les ONG, « pour qu’elles soumettent leurs projets pour approbation » et contre la Banque Mondiale « pour qu’elle évite aux fonds d’être bloqués par des procédures redondantes » [15].
 
Au moment où les ONG en Haïti ont déjà dépensé plus de 2 milliards de dollars [16], où, à travers le monde et dans tous les continents, les collectes en faveur d’Haïti n’en finissent pas sans compter les interminables rencontres internationales sur Haïti, le gouvernement haïtien tarde à trouver les 350 millions pour combler son déficit budgétaire pour l’exercice 2009-2010 [17].
 
5- Refondation mon amour !
 
Et puis, qu’est-ce qui différencie le PARDN de tous ces plans, stratégies et programmes de développement ou de reconstruction ou de relance qui apparaissent régulièrement a chacune de nos multiples sorties de crise de ces vingt dernières années ? Citons notamment :
 
- L’EERP (Economic Emergency Recovery Program), élaboré en 1993 en plein coup d’état, dans la perspective du retour à l’ordre constitutionnel ;
 
- La Stratégie de Reconstruction Economique et Sociale, encore appelé le plan de Paris, qui accompagnait la reprise du pouvoir de J-B Aristide, en 1994 ;
 
- Le Programme Economique 1996-1999 datant de 1996 en soutien à la première présidence Préval
 
- Le Cadre de Coopération Intérimaire (CCI) conçu en 2004 pour appuyer le gouvernement de transition ;
 
- Le CCI ajusté élaboré en 2006 à l’accession du président Préval ;
 
- Le DSNCRP en 2007.
 
Tous ces plans, programmes et stratégies partagent avec le PARDN les caractéristiques suivantes :
 
-  Forte composante d’aide publique au développement. La question financière apparait comme étant le problème fondamental à résoudre pour « décoller » ;
 
-  Le secteur privé et les ONG sont privilégiés comme acteurs principaux du développement ;
 
-  L’économie est orientée systématiquement vers l’exportation (sous-traitance et agriculture d’exportation) ;
 
-  La libéralisation du commerce extérieur, des changes et des taux d’intérêt sont élevés au rang de dogme.
 
-  Le social est confié à l’humanitaire, essentiellement international ; une part appréciable des besoins alimentaires de la population est comblée par les surplus agricoles des pays donateurs ;
 
-  Ils sont constitués d’un catalogue de projets disparates sans cohérence interne ;
 
-  A la conception (pour ne pas dire aux commandes), on retrouve les mêmes institutions internationales et les mêmes ambassades (Banque Mondiale, FMI, UE, USAID, …).
 
On pourrait ajouter comme autres caractéristiques communes : le format des conférences internationales qui les ont enfantés, la publicité qui les entourent, les premiers couacs et les premières plaintes sur l’aide qui tarde à se concrétiser, …
 
Ainsi, à reprendre les mêmes politiques, avec les mêmes instruments, les mêmes actions, les mêmes stratégies, les mêmes justifications, on retrouve difficilement la refondation promise de manière tellement tonitruante. Avec en plus « l’accélération de la prise en charge officielle [18] » d’Haïti par la communauté internationale, selon le mot de Hérold Jean-François.
 
C’est peut-être la raison pour laquelle, Madame Michaelle Jean, tout gouverneure générale du Canada qu’elle est, n’a pu retenir ce cri du cœur : « Le temps est, je crois, venu de rompre avec la logique de l’assistance qui a transformé Haïti en un vaste laboratoire de toutes les expériences, de tous les essais et de toutes les erreurs de l’aide, d’une somme de stratégies lacunaires qui n’ont jamais rien donné, rien produit, rien réalisé de réellement durable [19] ».
 
6- La longue marche du peuple haïtien vers la refondation
 
Pourtant, le peuple haïtien n’a pas attendu le 12 janvier pour penser à la problématique de la refondation de la nation.
 
Prôné par des patriotes depuis les années 70, selon Suzy Castor [20], ce terme traduit la « nécessité de rupture, de dépassement et de renouvellement qui mettent en cause d’importantes structures, institutions et pratiques de caractère politique, social et culturel », précise Gérard Pierre-Charles. Pour Franklin Midy, le projet de refondation, « en tant qu’imaginaire social de masse, remonte aux années 1980. Il a été à l’horizon du vaste mouvement social pour le changement qui a conduit à la chute de la maison Duvalier et plus tard a la montée au pouvoir du mouvement lavalas » [21].
 
Quoi qu’il en soit, la chute du régime des Duvalier a vu fleurir à travers le pays de nombreuses organisations démocratiques et populaires (associations paysannes, syndicales, estudiantines, professionnelles, politiques, civiques, féminines, comités de quartiers). Elles étaient mues par un leitmotiv très simple mais très porteur : « Changer l’Etat ». « Tet ansanm, tet anplas », précisait-on. « Changer l’Etat pour le rapprocher des citoyens et le mettre au service de la nation » [22].
 
Colloques, conférences, ateliers, congrès, mais aussi manifestations de rue, émissions radiophoniques pointaient l’index sur le pays dont on ne veut plus et produisaient, dans la réflexion, dans les débats, le pays à construire, le pays à refonder.
 
Il fallait en finir avec l’exclusion et la marginalisation de larges couches sociales des attributs de la citoyenneté, avec les pratiques criantes d’exploitation, avec les rapports sociaux inégalitaires, avec le modèle d’accumulation excluant et l’économie de rente, avec la concentration et la centralisation des pouvoirs au service de l’Exécutif lié à l’oligarchie, avec la dépendance des grandes puissances, avec les injustices criantes de toutes sortes ayant trait à l’économique, au politique, au social et au culturel.
 
Sur le plan politique, les débats portaient sur la manière de passer de l’Etat prédateur, excluant et parasite à l’Etat fort, stable, légitime, souverain, décentralisé, mis au service la nation tout entière. Sur le plan économique, il fallait travailler à sortir de la logique des deux pôles qui se reproduisent indéfiniment et qui bloque le progrès économique. Le pole de misère et de rareté ou l’on retrouve les 85% de la population qui auraient intérêt à générer le progrès économique mais n’en ont pas les moyens et le pole d’abondance et de gaspillage qui tout en disposant des moyens n’a pas intérêt à augmenter sa productivité, compte tenu de ses rentes [23]. Il fallait également une politique économique privilégiant la croissance autocentrée et autodynamique, rompant avec le cycle de la dépendance continue, précisait-on. Sur le plan social, on réclamait la fin de la marginalisation et la garantie à tous les citoyens des droits à la santé, à l’éducation, au travail, au logement. Sur le plan culturel, il fallait promouvoir l’acceptation de la communauté de langue et de culture, reconnaitre et valoriser les savoirs locaux.
 
Une véritable refondation de l’Etat et de la nation, qui pose les problèmes structurels du pays et propose des solutions dans l’intérêt de toute la nation et de ses citoyens.
 
7- La Constitution de 1987 : pour « Changer l’Etat »
 
Mieux encore, cette vision d’un nouveau pays et d’un nouvel Etat est reprise pour l’essentiel par la Constitution de 1987 qui prescrit les réformes à mettre sur pied dans tous les domaines pour parvenir à sa concrétisation.
 
Tout en mettant l’accent sur l’indépendance et la souveraineté nationales, elle s’est attelée à démocratiser l’exercice du pouvoir, à rapprocher l’Etat du citoyen, à promouvoir la « participation des citoyens aux grandes décisions intéressant la vie nationale » (Préambule no 7 de la Constitution). Dans cette perspective, en plus des trois pouvoirs traditionnels, Exécutif, Législatif et Judiciaire, elle introduit deux autres piliers : les Institutions Indépendantes et les Institutions Décentralisées [24].Une importance capitale est accordée à la Décentralisation : de nouvelles collectivités territoriales sont créées avec leurs organes respectifs, lesquels se voient attribuer des fonctions conditionnant le fonctionnement des pouvoirs exécutif et législatif et dans la mise en place d’importants organismes de l’Etat (participation du Conseil Interdépartemental au Conseil des Ministres, désignation des juges par les Assemblées Municipales et Départementales, désignation de membres du Conseil Electoral Permanent). La Constitution de 1987 fait de la décentralisation le mode d’organisation de l’Etat et la condition indispensable au bon fonctionnement de ses organes.
 
Sur le plan économique, la Constitution « garantit la liberté économique tant qu’elle ne s’oppose à l’intérêt social » (Art. 245 [25]). L’entreprise privée est protégée dans la perspective de « l’accroissement de la richesse nationale » et de « la participation du plus grand nombre au bénéfice de cette richesse » (ibid.). Dans cette perspective, elle crée l’Institut National de la Réforme Agraire (INARA), « chargé d’organiser la refonte des structures foncières et de mettre en œuvre une réforme agraire au bénéfice des exploitants réels de la terre » (Art. 248). L’agriculture, l’industrie nationale, l’accumulation du capital national, la production nationale orientée prioritairement vers la satisfaction des besoins nationaux, la solidarité entre les diverses composantes du corps économique national, la protection du marché interne sont des orientations clairement promues, infligeant ainsi une sévère défaite au projet « concurrent » - le « Plan Américain pour Haïti », selon la malice populaire - parrainé par les bailleurs de fonds.
 
Sur le plan social, l’éducation, plus précisément la scolarisation massive, devient « la première tache de l’Etat et des collectivités territoriales » (Art. 32.2) qui « doivent mettre l’école gratuitement à la portée de tous » (Art. 32.1). Elle décrète par la même occasion la campagne d’alphabétisation (Art. 32.9). Elle promeut l’enseignement supérieur et relève l’importance de l’Université d’Etat d’Haïti (Art. 208-211). La famille et l’enfant dans leur sens large sont protégés. Elle n’admet plus de discrimination entre enfants naturels, légitimes et adultérins. « Tout timoun se timoun ». Elle garantit les droits sociaux, notamment le droit au logement, au travail, à l’éducation, à la protection sociale, pour tous les citoyens.
 
Pour la première fois, le créole devient langue officielle au même titre que le français (Art. 5). Une académie haïtienne est créée pour fixer et développer la langue créole. La liberté de conscience et de religion est garantie. Désormais toutes les législations discriminant le vaudou sont rapportées. Et des dispositions sont prévues pour protéger et promouvoir le patrimoine culturel matériel et immatériel de la nation.
 
Ces dispositions issues du mouvement populaire revendicatif de 1986 et consacrées par la Constitution devraient entamer une véritable rupture avec l’état traditionnel : la place accordée à la décentralisation, la création de l’INARA, le retour à la formule dessalinienne concernant la non-discrimination des familles et des enfants, L’élévation du créole au rang de langue officielle, la création d’une académie chargée de le promouvoir, l’importance accordée à la scolarisation massive, à la campagne d’alphabétisation, à l’enseignement technique, professionnel et universitaire et le rôle que l’Etat et les collectivités territoriales devraient y jouer constituent des innovations majeures, parfaitement compatibles avec une refondation de la nation qui deviendrait ainsi plus inclusive, tout en généralisant l’espace citoyen [26].
 
8- Le combat systématique des pouvoirs traditionnels contre la Constitution et la refondation
 
Toute la politique de ces dernières années s’est attachée à ruiner l’option de refondation telle que conçue par le mouvement démocratique et populaire et consacrée par la Charte Fondamentale.
 
Les politiques économiques appliquées ont été exactement celles contre lesquelles s’était opposée la mobilisation démocratique et populaire et contraires à celles prescrites par la Constitution.
 
La Constitution a prescrit un Etat fort devant promouvoir et protéger la production nationale agricole et manufacturière, orientée prioritairement vers la satisfaction des besoins essentiels de la population dans le cadre d’un système économique dont les composantes sont solidaires et où l’accumulation du capital national garantit le progrès économique. L’Etat et les Collectivités territoriales sont les seules entités au profit desquelles peuvent être établis des monopoles (Art. 250). L’Etat est autorisé à gérer des entreprises publiques (Art. 252).
 
Les politiques appliquées au cours de ces 25 dernières années se situent aux antipodes de ces dispositions. Priorité à la sous-traitance dont on a voulu faire le moteur de l’économie, aux importations de produits de base, à l’affaiblissement de l’Etat, aux ONG, à la privatisation ouverte ou masquée d’entreprises publiques rentables ou rendues artificiellement déficitaires, à l’ouverture tous azimuts aux marchés extérieurs, a l’economie de rente. Le rôle primordial assigné à l’aide internationale sous toutes ses formes jure de manière criante avec la volonté manifeste de se prendre en charge, tel que le prescrit la Constitution.
 
On a tout fait pour faire échec à la Réforme Agraire :
 
-  L’INARA réduite à sa plus simple expression et privée de ressources ;
 
-  Des distributions de terre réalisées dans la plus grande opacité, sans aucun cadre juridique ou économique, sans projet global, à partir de dépossessions dont les motivations et les justifications ne sont pas toujours très claires ;
 
-  Le refus de consacrer les mesures adoptées par une législation appropriée ;
 
-  Des initiatives concentrées dans une région bien déterminée alors que les terres de l’Etat sous-exploitées ou faisant l’objet de spéculations pullulent à travers le pays.
 
Une parodie de réforme agraire se traduisant par l’augmentation de l’insécurité foncière dans les rares zones concernées.
 
Quant à la décentralisation dont le rôle dans la mise en place du nouvel Etat est fondamental, on ne compte plus les manœuvres, les unes plus grossières que les autres, entreprises pour empêcher sa concrétisation. La dernière en date concerne les élections indirectes qui devaient avoir lieu en 2007 et mettre ainsi en place les Assemblées Municipales et Départementales ainsi que les Conseils Départementaux et le Conseil Interdépartemental, conditions indispensables pour la mise sur pied du Conseil Electoral Permanent, de la Commission de Conciliation de même que pour régulariser la situation d’importants officiers du Pouvoir Judiciaire. Une cabale est inventée contre le Conseil Electoral qui avait programmé ces élections. A celui qui le remplace, on assigne d’autres missions. Et le tour est joué. De telle sorte que l’édifice institutionnel établi par la Charte Fondamentale demeure partiel, incomplet, bancal, illégitime. On pourrait parler également des réticences du Pouvoir Exécutif dans le partage des compétences avec les Mairies et les CASEC, dans l’éducation, la santé, l’environnement, la culture, la fiscalité ou encore de la faiblesse des ressources allouées aux Collectivités Territoriales. Tout cela témoigne de la volonté manifeste des divers Exécutifs d’après 1987 de bloquer l’avènement du nouvel Etat.
 
Les rares avancées effectuées dans le domaine de la reconnaissance du créole comme langue nationale et langue officielle ont été surtout le fait des medias, des intellectuels et de certaines instances progressistes fonctionnant en dehors de l’Etat. Rares ont été les initiatives prises au niveau de l’Etat pour inscrire dans les faits le nouveau statut de notre langue nationale. L’Académie Nationale de la langue créole n’a jamais été mise sur pied.
 
On pourrait trouver beaucoup d’autres exemples de l’absence de volonté politique d’appliquer les prescrits constitutionnels : l’éducation pour tous, la campagne d’alphabétisation, le financement de l’Université d’Etat d’Haïti, etc.
 
Au bout du compte, c’est le même Exécutif qui tirera à boulets rouges sur la Charte Fondamentale arguant qu’elle est la source de toutes les instabilités.
 
Ainsi tous les pouvoirs qui se sont succédé de 1987 à nos jours se sont fait un point d’honneur de se refuser systématiquement à « changer l’Etat », à refonder la nation. Ne sont-ce pas les mêmes qui parlent aujourd’hui de refondation ?
 
Il est loisible et même légitime de se demander : comment expliquer que le projet le plus populaire, le plus légitime, qui puisse à la fois se prévaloir d’un consensus national et d’une mobilisation populaire très nette tout en constituant une exigence de la Charte Fondamentale – appelé par ailleurs le « Projet National [27] » - soit celui qui a été jeté aux oubliettes, réprimé, méprisé ? Et que l’autre – « le Plan Américain pour Haïti », ou la stratégie des bailleurs de fonds - , qui a été vertement et ouvertement combattu, qui a été identifié comme étant ce qu’il ne fallait pas faire a été celui qui a eu gain de cause tout au cours de la période ? Comment expliquer que la négation de la refondation nous revienne aujourd’hui comme étant l’expression de la vraie refondation ?
 
Il importe de rappeler les points suivants [28] :
 
-  La stratégie des bailleurs de fonds a pu compter sur des leviers économiques, financiers, politiques et militaires, autrement plus convaincants que sa force théorique, sa capacité à expliquer la réalité et à la transformer en faveur du bien-être durable des populations ;
 
-  Ses promoteurs ont fait montre d’une détermination et d’une constance exemplaires. Les moyens utilisés ne sont pas toujours très orthodoxes : par exemple la contrebande pour libéraliser le commerce extérieur, le sabotage d’entreprises publiques pour promouvoir leur privatisation, la corruption pour affaiblir l’Etat ;
 
-  Les différentes crises qui parsèment les 25 ans de la transition ont toujours trouvé, au moment de leur apparent dénouement, la présence constante et significative des bailleurs de fonds, prêts à accompagner la nécessaire « reconstruction » : EERP en 1993, Stratégie de Reconstruction Economique et Sociale en 1994, CCI en 2004, CCI ajuste en 2006, DSNCRP en 2007, PARDN en 2010. Bien entendu chacun de ces moments de « sollicitude » permet d’avancer dans l’agenda originel qui demeure immuable, quelles que soient les conditions de départ.
 
-  Chaque fois que le projet national semble avoir une chance d’être mis en œuvre, un événement parmi les plus sanglants vient changer la donne : par exemple, le massacre électoral du 28 novembre 1987 [29], le coup d’Etat du 29 septembre 1991. Dans la même veine, on peut citer les massacres paysans perpétrés à Jean-Rabel, à Piatre, à Danti en 1987, au Plateau Central et à Bocozelle en 1989 ; répressions et persécutions à travers le pays en 1992 et 1993, en tant qu’entreprise d’affaiblissement de la mobilisation démocratique et populaire.
 
Les acteurs de ces entreprises se retrouvent parmi la conjonction de forces qui n’ont aucun intérêt dans la Refondation : l’oligarchie traditionnelle, alliée à l’armée, bénéficiant du support d’une frange de la communauté internationale qui refuse tout changement véritable, toute authentique refondation.
 
Ne sont-ce pas ces mêmes forces que nous retrouvons au cœur de la Refondation en 2010 ?
 
La Communauté Internationale, très présente avec ses millions, sa MINUSTHA, ses ONG et ses institutions de financement. Le gouvernement haïtien, le même Exécutif depuis 20 ans qui s’est donné pour tâche d’éviter la vraie refondation et qui s’en prend maintenant à son instrument le plus parlant, la Constitution. Une partie de l’oligarchie locale, bénéficiaire de tous les projets de sous-traitance, de libéralisation commerciale, détentrice de rente séculaire et partenaire visible du PARDN.
 
9- Les voies et moyens d’une authentique refondation de l’Etat et de la nation
 
Les dégâts extraordinaires enregistrés à l’occasion du séisme du 12 janvier sur les plans humain, physique, économique et social ont mis à nu les profondes faiblesses structurelles de notre société frappée en plein cœur de sa capitale devenue République et dans ses symboles les plus représentatifs.
 
Il faut reconstruire mais sur de nouvelles bases. Il faut refonder, disent les autorités. Mais vingt-cinq ans auparavant, le peuple haïtien avait déjà convenu de la nécessité urgente de profonds changements structurels dans tous les champs de la vie nationale : l’économique, le politique, le social, le culturel. Changer l’Etat, disait-on.
 
Il faut refonder la nation. Mieux asseoir ses fondations. Elargir sa base citoyenne. Créer les conditions nécessaires pour la rendre plus sûre, plus conviviale, plus souveraine, plus forte de ses citoyens qui se retrouvent des appartenances communes, une patrie commune, des objectifs communs.
 
Il faut en finir avec :
 
-  ce modèle d’accumulation qui bloque le développement des forces productives en permettant à 0.05% de la population d’accaparer 40% du revenu national et en assignant moins de 2 dollars US par jour à 80% de ses travailleurs ;
 
-  cette distribution spatiale des pouvoirs et des ressources qui concentre 65% des activités économiques dans la zone métropolitaine [30] et empêche au pays de prendre la mesure de ses potentialités, de ses capacités ;
 
-  ces multiples dichotomies riches/pauvres, noirs/mulâtres, créole/français, chrétiens/vodouisants, urbain/rural, qui empêchent de former une véritable communauté où ses membres se retrouvent soudés par des intérêts communs et où les différences, au lieu de marquer la supériorité ou l’infériorité, sont plutôt enrichissantes ;
 
-  ces accrocs massifs et intensifs portés à la souveraineté nationale à travers la longue présence militaire étrangère, cette dépendance alimentaire, économique, financière, qui se précise, se nourrit et s’amplifie chaque jour, empêchant à la nation de se prendre en charge.
 
Il importe donc, il est urgent, de refonder la nation.
 
Mais quelle refondation ? Quelle stratégie ? Le PARDN dont le discours héroïque peut faire illusion ? Avec sa CIRH et sa logique de « responsabilité mutuelle Haïti-Communauté Internationale [31] » ?
 
En réalité, le PARDN n’est autre qu’une version actualisée de tous ces plans et stratégies imposés de l’extérieur, qui évitent les forces vives de la nation dans leur élaboration, se gardent de poser les problèmes structurels dans leur profondeur et définissent les problèmes fondamentaux de la nation comme procédant de difficultés financières. Ses résultats sont connus : destruction progressive de l’agriculture et de l’industrie nationales, accroissement de la pauvreté, de l’insécurité alimentaire, du chômage, démantèlement de l’Etat, perte de la souveraineté nationale, instabilité permanente. Ses parrains se constituent du consortium d’acteurs qui s’est évertué durant les 25dernieres années à ruiner et à ignorer tous les acquis du peuple haïtien dans son combat pour un mieux-être et à parsemer d’obstacles de toutes sortes sa marche vers la refondation, notamment la Constitution de 1987.
 
La Constitution ? Elaborée dans un cadre largement participatif, votée à plus de 90% par le peuple haïtien, objet de ce que Marcel Gilbert appelle l’Unité historique de peuple, elle constitue un excellent cheval de bataille à seller, à alimenter, à entretenir, pour obtenir la vraie refondation.
 
Elle est toujours en vigueur. Il faut lutter pour son application. Car en dépit du temps passé, le pays profond est encore prêt :
 
-  Pour une vraie décentralisation, des pouvoirs et des ressources ;
 
-  Pour une authentique Réforme Agraire ;
 
-  Pour la scolarisation universelle, la campagne d’alphabétisation,
 
-  Pour la concrétisation du statut de la langue créole et la valorisation de la culture nationale ;
 
-  Pour un « Etat fort et stable, capable de protéger les valeurs, les traditions, la souveraineté, l’indépendance et la vision nationales [32] » ;
 
-  Pour « une nation haïtienne socialement juste, économiquement libre et politiquement indépendante [33] ».
 
- Fritz Deshommes, Économiste, Vice-recteur à la recherché de l’Université d’État d’Haiti
 
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[2] L’Etoile, LA PRESSE CANADIENNE/Fred Chartrand-POOL, 15 février 2010
 
[3] Le nouvelliste, 22-2-10, Sommet régional, Playa del Carmen
 
[4] Franklin Midy, « Haïti : tutelle furtive, colère sociale manifeste », in Rencontre no 22-23, juillet 2010, pp. 26
 
[5] Voir Dossier de Presse du Ministère de la Culture et de la Communication en date du 28 mars 2010
 
[6] Plan d’Action pour le Relèvement et le Développement National d’Haïti, pp. 9. Sauf indication contraire, les prochaines citations dont les pages sont indiquées dans le texte sont tirées de ce même document.
 
[7] Montants demandés par le gouvernement dans son PARDN. On verra que les engagements des bailleurs seront différents : plus importants à moyen terme, moins élevés à long terme
 
[8] “Le Plan d’action pour le Relèvement et le Développement d’Haïti que nous présentons a nos partenaires de la communauté internationale …,” lit-on dans l’introduction.
 
[9] Haïti Libre. “ Haïti- CIRH. Liste officielle et complète de tous les représentants de la CIRH. 16 Juin 2010.
 
[10] Roberson Alphonse, « La CIRH enfin opérationnelle », Le Nouvelliste du 16 juin 2010.
 
[11] Arrêté Présidentiel du 6 mai 2010 fixant la mission et les attributions de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti.
 
[12] Jean-André Victor, « La CIRH est-elle mal partie ». Le Nouvelliste des 30 et 31 juillet 2010.
 
[13] Bellerive, Jean-Max et Clinton, Bill. « Finishing Haiti’s Unfinished Work”. The New-York Times du 12 juillet 2010
 
[14] Ibid.
 
[15] Ibid.
 
[16] Le Nouvelliste du 15 juillet 2010
 
[17] Office of the Special Envoy. “Key Facts as of July, 30. 2010 »
 
[18] Suzy Castor, Christian Rousseau, Hérold Jean-François et Gérald Mathurin. « Les impacts du tremblement de terre du 12 janvier ». Rencontre no 22-23, juillet 2010, pp. 11
 
[19] Journées du réseau français dans le monde 2010 - Première séance plénière intitulée « Haïti se relève » Paris, le mardi 20 juillet 2010
 
[20] Ibid., pp.9
 
[21] Franklin Midy, « Haïti : tutelle furtive, colère sociale manifeste », in Rencontre no 22-23, juillet 2010, pp. 27
 
[22] Des hommes, Fritz, « Décentralisation et Collectivités Territoriales en Haïti », Editions Cahiers Universitaires, Port-au-Prince, 2004 (pp. 15)
 
[23] Deshommes, Fritz. « Néo-libéralisme, Crise Economique et Alternative de Développement », Imprimeur II, Port-au-Prince, 1995, (pp. 189)
 
[24] Bureau du Premier Ministre/PNUD. “Bilan Commun de Pays”. Port-au-Prince, 2000
 
[25] Sauf indications contraires, les articles cités entre parenthèses sont tirés de la Constitution de 1987
 
[26] Notons que la Constitution a été massivement approuvée le 29 mars 2007 par le peuple haïtien. Sur un total de 1, 496,210 votants, 99% ont voté oui.
 
[27] Voir pour plus de détails Deshommes, Fritz. « Haiti:La Nation Ecartelée/ Entre Plan Américain et Projet National”. Editions Cahiers Universitaires, Port-au-Prince, 2006.
 
[28] Ibid., pp.289-290
 
[29] Voir à ce sujet le très documenté ouvrage de Daniel Roussière, Jenane Rocher, Gilles Danroc :”Les élections du 29 novembre 1987”, publié en 1998 par la Commission Justice et Paix des Gonaives
 
[30] PARDN, pp.5
 
[31] Ibid.
 
[32] Constitution de 1987. Préambule no 2
 
[33] Ibid, # 3
 
https://www.alainet.org/es/node/148624?language=es
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