La politique revient au premier plan du débat public

11/04/2010
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Des thèmes politiques reviennent en première position dans le débat public, tandis que la crise humanitaire demeure aigue, trois mois après le séisme qui a causé une catastrophe sans précédent dans la capitale et plusieurs villes d’Haïti.
 
La rénovation du personnel politique et les initiatives prises par l’administration du président René Préval pour la reconstruction suscitent d’intenses interventions de dirigeants politiques de tous bords.
 
Nouveau contexte politique
 
Un ex haut responsable de l’État qui souhaite garder l’anonymat estime, dans une entrevue accordée à AlterPresse, que la catastrophe du 12 janvier a tout de même modifié les enjeux politiques et imposé « une situation d’exception ».
 
Avant la date fatidique du 12 janvier, « la plateforme présidentielle Unité était mise en branle pour gagner les législatives qui devaient avoir lieu le 28 février, opérer des changements au niveau de la constitution et partir en force à la conquête des présidentielles et locales de la fin de l’année », analyse-t-il.
 
Ces prévisions tombent maintenant à l’eau, mais, juge-t-il, face au pouvoir en place, c’est le vide, « il n’y a rien ».
 
Petite victoire de Préval
 
L’opposition n’a pas réussi à obtenir le rejet par la chambre des députés de la loi controversée de prolongation pour 18 mois de l’état d’urgence, décrété par le gouvernement au lendemain du séisme.
La chambre basse a approuvé cette loi le 8 avril, en dépit de la prise de position d’une quarantaine d’organisations de différents secteurs politiques et civils, y compris des structures appartenant à la sphère d’influence « lavalas », de l’ex président Jean Bertrand Aristide.
Maintenant le sénat doit dire son mot, avant que cette loi puisse être mise éventuellement en application.
Le pouvoir soupçonné de se servir du malheur de la nation...
« Nous pensons que le pouvoir utilise la catastrophe pour tenter de se renforcer », déclare à AlterPresse Evans Paul, dirigeant de la plateforme d’opposition nommée Alternative.
Cette déclaration doit être mise en rapport avec la volonté exprimée par le président René Préval de voir des élections présidentielles et législatives se réaliser avant la fin de l’année, afin qu’il puisse laisser le pouvoir le 7 février 2010.
L’Organisation des États Américains (OEA) a mis fin le week-end écoulé à une mission d’évaluation des conditions de la tenue de prochaines élections jugées évidemment indispensables. Il appartient aux Haitiens de décider s’ils vont organiser des compétitions générales ou non, souligne l’OEA.
Selon Evans Paul, « le premier problème (qui se pose dans le contexte actuel) est l’absence de confiance ». « Tout le monde pense que le président est juge et partie », ajoute-t-il, en soulignant que « Préval n’a pas la dimension d’un arbitre ».
Quelle opposition...
Un autre problème important, selon l’ancien haut responsable d’Etat consulté par AlterPresse, est qu’ « on ne sent pas le poids d’une plateforme politique qui pourrait prendre une direction (…) qui pourrait créer un effet d’entrainement », à moins d’une « surprise » à la dernière minute.
Il pense qu’il est « indispensable qu’un mouvement social se reconstitue et pose le problème de la reconstruction en recourant aux ressources internes ».
« Ce qui est réellement en jeu, c’est la dépendance du pays et tout ce que cela implique », opine la même source.
A propos du relèvement d’Haiti
Les secteurs politiques sont unanimes à saluer la générosité de la communauté internationale qui a promis près de 10 milliards de dollars sur 3 ans pour l’exécution d’un plan de relèvement soumis par le gouvernement le 31 mars à New-York.
« Nous ne pouvons sortir seuls » de la catastrophe dans laquelle le pays est plongé, estime l’interlocuteur d’AlterPresse. Mais il s’interroge sur l’impact réel que peut avoir cette aide, tenant compte des limites qui pourraient être liées aux décaissements et des conditions dans lesquelles elle sera mise en oeuvre.
Evans Paul lance le défi de voir bientôt apparaitre des « ponts » et des « écoles »...
Un processus aux mains des étrangers
Dans le fond, c’est tout le processus suivi par le gouvernement depuis 3 mois qui est mis en cause par les milieux politiques, y compris la méthode jugée « exclusive » employée dans l’élaboration du plan gouvernemental.
« Nous avons laissé le processus aux mains des étrangers », avec 250 experts internationaux mobilisés pour élaborer le document, reproche la source d’AlterPresse.
Évidemment, le gouvernement réfute ces jugements. Dans le cadre d’une démocratie représentative, l’important est de consulter les élus, soutient le premier ministre Jean Max Bellerive, qui a été interrogé par AlterPresse.
Bellerive espère « une mobilisation globale » autour du plan. « On ne peut se mobiliser autour d’une division », dit-il, mais plutôt « autour d’actions concrètes ». Il soupçonne les adversaires de l’équipe au pouvoir de vouloir en réalité sa « mort politique » et celle du président René Préval.
« Éviter une reconstruction exogène »
La mobilisation devait commencer dès le 12 janvier, quand un million de gens dans les rues « attendaient une parole », souligne l’ancien haut fonctionnaire consulté par AlterPresse.
« Mais personne n’a parlé à ce peuple. Dieu seul sait l’importance thérapeutique du discours dans ces circonstances », insiste la source. « Quand le président se tait, qui peut parler ? Il a le devoir de parler et quand il ne le fait pas il tétanise le reste de la nation », martèle-t-il.
« Sommes-nous à la hauteur des positions politiques que nous occupons face a un pays qui se dégrade ? », se demande-t-il en invitant à cesser « les querelles stériles face à 300.000 morts en 30 secondes ».
L’enjeu le plus important aujourd’hui et pour les années à venir, serait de « sortir d’une économie de rentes pour entrer dans une économie de production », en valorisant entre autres des entrepreneurs locaux et en passant des contrats avec des organisations paysannes. Il faudrait également mettre en place « un système éducatif pour créer les connaissances techniques nécessaires ».
Telle serait la condition pour « éviter une reconstruction exogène ».
 
https://www.alainet.org/es/node/140751
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