La disparition du quatrième pouvoir

08/01/2008
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A partir du deuxième tiers du XXème siècle, les moyens d’information ont bien assumé leur fonction de surveillance et de dénonciation des disfonctionnements et des abus pour garantir la bonne marche du système démocratique. Puis, lorsque la presse est devenue un media de masses grâce aux nouvelles technologies d’impression et de distribution, on a assisté à la création d’une opinion publique, ce qui est fondamental en démocratie. Les moyens d’information sont devenus le « quatrième pouvoir ». Mais, comme dirait un chroniqueeur sportif sans aucune imagination et sans beaucoup de vocabulaire : « Tout ça, c’est de l’histoire ancienne ». En effet, depuis une vingtaine d’années, les moyens d’information ont progressivement abandonné leur fonction de « quatième pouvoir » et se sont transformés en appareil de propagande au service de la globalisation néo-libérale. Le principal changement s’est produit dans les années 80, quand beaucoup de media ont été achetés par des entreprises transnationales et des groupes industriels qui ont complètement transformé le panorama informatif. En France, par exemple, plus des trois quarts des moyens de communication sont devenus la propriété de trois grands groupes industriels, dont deux sont des marchands d’armes et le troisième, une entreprise de travaux publics.

Dans cette nouvelle situation, l’information n’est plus qu’une marchandise dont l’élaboration est uniquement régie par la rentabilité et non plus par des critères de vérité. Cette nouvelle structure de propriété et de pouvoir de la plus grande partie des media s’est transformée en porte-parole pour convaincre l’ensemble des citoyens, reconvertis en une masse de consommateurs, que la globalisation néo-libérale représente ce qui pouvait arriver de mieux dans le monde. C’est pourtant là un message qui prend l’eau de toutes parts quand on considère les renseignements que nous avons sur l’augmentation de la pauvreté, les inégalités croissantes et les dommages écologiques présentés à longueur de pages dans les éditoriaux des journaux et dans les nouvelles télévisuelles et les chroniques radiophoniques. Tout ceci malgré les critères de sélection préalable et de choix dans la présentation des nouvelles.

Tout essai pour s’opposer au monde néo-libéral et à la liberté absolue pour le capital financier se voit disqualifié, ainsi que les critiques contre les entreprises transnationales qui exigent une complète dérégulation, pratiquent la loi de l’entonoir dans le commerce international, préconisent la réduction du rôle de l’Etat à celui d’un simple gendarme et demandent la privatisation à outrance de tout ce qui est public. Toutes les informations qui dénoncent ces mensonges sont attaquées immédiatement par tous les media grands et moyens, ces mêmes media qui ont cessé d’être le quatrième pouvoir de la démocratie.

En Amérique Latine, depuis quelques années, plusieurs gouvernements s’opposent à la globalisation néo-libérale avec plus ou moins de succès. C’est sans doute parce que l’Amérique Latine, durant les dernières décennies, a beaucoup souffert des mesures féroces et dogmatiques appliquées avec les moyens dévastateurs du néo-libéralisme. Le Venezuela, l’Argentine, la Bolivie et l’Equateur essayent ensemble actuellement, avec quelques différences de méthode, de trouver des chemins nouveaux pour réorganiser l’économie et la redistribution de la richesse. C’est pour cela qu’ils doivent toujours supporter les terribles attaques frontales de tous les moyens d’information qui essayent de discréditer toutes ces tentatives pour mettre en place une meilleure justice sociale. Les attaques vont jusqu’à falsifier les faits et les données pour cacher les réalités. On utilise même des mensonges en présentant toutes ces recherches pour une meilleure justice sociale comme des projets camouflés d’autoritarisme. On utilise, par exemple, les défauts évidents et les erreurs personnelles d’Hugo Chavez pour discréditer son intention d’établir une manière plus juste d’organiser son pays. On prétend que c’est de la mauvaise foi et souvent même on lui prête les pires intentions dictatoriales.

Nous pouvons lire dans les media des critiques d’une grande férocité contre l’Equateur, le Venezuela ou la Bolivie, mais on y parle avec beaucoup moins de violence de l’évident autoritarisme de Monsieur Poutine, de ses retentissantes violations des droits humains et de ses velléités nationalistes qui menacent tous ses voisins. Quand avons-nous pu lire des attaques aussi rudes contre la dictature chinoise, contre ses nombreuses exécutions de condamnés à mort, contre ses violations massives des droits humains et contre ses féroces agressions du milieu ambiant ? Jamais !...

La raison de tout cela est évidente : la Russie de Poutine qui dérive à toute vitesse vers un nouveau tsarisme autocratique, et la dictature chinoise ne remettent pas en cause la manière néo-libérale de concevoir l’économie. Ils présentent la passion des néophytes et des nouveaux convertis et sont même beaucoup plus néolibéraux que les plus irrédentistes « néo-conservateurs » occidentaux.

Si nous, les citoyens, n’essayons pas de récupèrer rapidement ce « quatrième pouvoir », cela devient très préoccupant. Pour cela, nous devrions penser dès à présent à la façon de faire face à ce nouveau péril pour la démocratie, le péril des grands media qui sont devenus des agents de propagande du néo-libéralisme et les « commissaires politiques » qui interdisent tous les essais pour trouver une meilleure justice.

Xavier Caño
Ecrivain et journaliste espagnol

Source: Centro de Colaboraciones Solidarias (CCS), España.
www.solidarios.org.es


https://www.alainet.org/es/node/125099
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