Les paysans et les paysannes exigeons l’officialisation pleine et intégrale du guarani à tous les effets au Paraguay
Message des organisations paysannes aux candidats des élections présidentielles de 2008
22/03/2007
- Opinión
Nous voulons obtenir la justice, la vérité, l’équité et la prospérité en guarani ! Assez de mensonges, de tromperies et de fausses promesses pendant les élections ! Nous voulons que justice soit faite !
Nous soussignées, ORGANISATIONS PAYSANNES de l’ensemble du Paraguay qui représentent de façon directe ou indirecte 2 234 761 personnes habitant dans des zones rurales (soit 43,28 pour cent de l’ensemble de la population nationale, chiffres de 2002) et des centaines de milliers d’autres citoyens qui ont leurs origines et leurs familles dans des zones rurales (en 2002, par exemple, près de 40 pour cent de la population d’Asunción n’était pas née dans la ville), nous adressons aux candidats des élections présidentielles de 2008, quels qu’ils soient, pour leur faire entendre notre voix. Et nous le faisons un an à l’avance afin que notre message leur parvienne haut et clair, de la façon la plus limpide possible.
Nous avons une soif et une faim infinie de justice. Une soif de justice que nous traînons derrière nous depuis des siècles et qui touche tous les domaines : l’accès à la terre, la santé, les infrastructures, l’éducation, l’eau, le prix de nos produits, le travail, le guarani.
Nous sommes las des vols, de l’invisibilité, de la violence, du mépris, des duperies, de la répression, des escroqueries, des assassinats, de la paupérisation, de la famine. Nous sommes désespérés d’avoir dû émigrer pendant des décennies et de devoir encore le faire aujourd’hui par centaines de milliers. Nous en avons assez d’avoir un État corrompu et corrupteur qui nous a marginalisés, ignorés, réprimés, combattus, assassinés, paupérisés et analphabétisés, oui, nous disons bien analphabétisés.
Nous n’avons jamais perçu auparavant – parce que nous n’avons jamais été éduqués ni formés à cette fin, que ce soit à l’école ou dans les moyens de communication – le rôle que jouaient au Paraguay les langues guarani et espagnole dans le maintien et la perpétuation de notre situation de marginalisation, d’exploitation, de paupérisation, de tromperie et de violence. Mais nous commençons lentement à le comprendre. Nous commençons à ouvrir les yeux. Et ce que nous voyons nous remplit de rage et de colère. Rage face à l’escroquerie colossale et brutale dont nous avons été victimes durant tout ce temps. En niant l’égalité et la justice au guarani, l’État a détruit nos parents et nos grands-parents ainsi que les parents de leurs parents ; il nous a détruits nous et nos enfants.
Au Paraguay, 3 946 904 personnes sur les 5 163 198 habitants que comptait le pays en 2002 parlaient guarani (76 pour cent de la population). Près de 30 pour cent de l’ensemble de la population nationale avaient le guarani pour unique langue. Soixante pour cent de tous les ménages paraguayens étaient de langue guarani, chiffre qui s’élevait à 82,5 pour cent dans les zones rurales (contre 8,5 pour cent seulement de langue espagnole) et se maintenait à 42,6 pour cent dans les zones urbaines.
Le Paraguay a appliqué pendant deux cents ans (1811-2007) un régime d’ « apartheid linguistique » contre le guarani, contre nous. Un régime qui a marginalisé la population ayant le guarani comme langue unique, principalement les paysans. Le Paraguay a été et est encore aujourd’hui un pays de paysans. D’ailleurs, nous possédons tous des racines paysannes. On a construit un État opprimant le guarani dans lequel tout a été fait en espagnol et rien n’a été fait en guarani. Le guarani n’a servi que pour mourir en défendantla Patrie. Les classes dirigeantes paraguayennes comptent des milliers de personnes qui ne parlent que l’espagnol (ou l’allemand et l’espagnol ou l’anglais et l’espagnol ou le portugais et l’espagnol ou même l’espagnol et le guarani), mais pas une seule personne dans tout le pays qui ne parle que le guarani. Pas une seule ! Pourquoi ? Le guarani n’est-il pas la langue première, autochtone et majoritaire du Paraguay ? Ne l’a-t-il pas toujours été ? Nous qui parlons le guarani, qui avons combattu en guarani, qui avons utilisé le guarani comme une « arme défensive nationale » ne sommes-nous pas morts par milliers pendant la Guerre de la Triple Alliance et la Guerre du Chaco ? Ou est-ce que cela veut dire que nous vivons encore dans le modèle colonial des maîtres et des serfs au lieu de prôner l’égalité des êtres humains ? L’espagnol doit-il encore être « karai ñe’ê », la « langue du Seigneur », du maître, de l’exploiteur, du propriétaire foncier ? Est-ce que l’espagnol, l’allemand du mennonite ou le portugais du Brésilien doit-il être « karai ñe’ê » ? Et nous, que sommes-nous ? Qu’est-ce que notre langue ? Ne sommes-nous pas les maîtres du pays ? Le pacte « hispano-guarani » qu’a tant vanté et proclamé la meute bien alimentée du « nationalisme hurlant » visait-il dans le fond à tuer le guarani, à marginaliser et à paupériser ceux qui le parlent pour tout donner à l’espagnol ? Pourquoi un citoyen ne parlant que l’espagnol peut-il accéder à la fonction publique alors qu’il doit travailler et servir une population parlant majoritairement la langue guarani, tandis qu’il n’y a pas de fonctionnaires – qui pourraient être nos enfants – ne parlant que le guarani ?
L’État paraguayen nous a analphabétisés en appliquant sa politique d’ « apartheid linguistique », doublée d’interdictions à l’égard du guarani, pendant de longues périodes de notre histoire. Les Paraguayens et Paraguayennes n’ont jamais été alphabétisés en guarani depuis 1811. Jamais. Mais l’État n’a pas non plus alphabétisé en espagnol d’une façon adéquate, efficace et appropriée l’ensemble de la population, et encore moins les paysans. Ceci n’a jamais été une priorité nationale. Le résultat de ce contexte d’ « apartheid linguistique » frappant le guarani a été que, deux siècles durant, des millions de Paraguayens et Paraguayennes, des millions de paysans et paysannes n’avons pas pu participer de façon active à la vie sociale, culturelle, économique et intellectuelle dela Nation. Nous n’avons pas pu y participer avec notre langue première, le guarani. Et on ne nous a pas non plus appris de façon adéquate l’espagnol. Nous avons été sciemment trompés et marginalisés – ce qui est le pire, le plus grave et condamnable devant n’importe quelle cour des droits de l’homme – par les classes dirigeantes du Paraguay qui ont profité de notre situation d’oubli, d’humiliation et de vulnérabilité totale. Nous ne l’avons pas oublié et nous ne l’oublierons jamais. Un pays dans lequel les monolingues espagnols doivent apprendre, à contre-cœur, le guarani lorsqu’ils vont travailler ou à vivre à l’intérieur du pays et dans lequel, en dépit de cette situation, l’État paraguayen n’a jamais fonctionné en guarani, n’est pas un pays juste ou normal ! Le Paraguay est un État anormal qui serait durement sanctionné pour cause de violation grave des droits de l’homme et des droits linguistiques s’il faisait partie de l’Union européenne.
Durant des décennies, les politiques nous ont sermonnés et harangués en guarani à la veille des élections. Ils nous ont fait des milliers de promesses en guarani. Promesses qu’ils n’ont jamais tenues. Mais ils ne nous ont jamais promis quoi que ce soit pour le guarani. Et ils n’ont jamais rien fait pour le guarani. Ils ont aboyé leurs promesses puis s’en sont retournés à Asunción sans rien faire pour que nous puissions participer, en nous donnant une formation et des informations en guarani, d’une façon pleine et normale à la vie nationale et pour que nous puissions contrôler leurs actions. Pire même, ceux qui ont aboyé leurs fausses promesses en guarani n’ont même pas daigné transmettre le guarani à leurs enfants et petits-enfants, auxquels ils ont préféré donner une éducation « bilingue » en espagnol et anglais ou dans une autre langue et, si possible, aux États-Unis ou en Europe. Le guarani a été utilisé pour nous soumettre, pour nous manipuler, pour nous tromper. Il n’a pas été utilisé dans le but de nous faire progresser, de façon collective ou individuelle, dans notre vie économique, culturelle et sociale.
Nous voulons que tous nos enfants connaissent l’espagnol. Nous mesurons toute l’importance de l’espagnol dans le monde. Mais nous voulons aussi que nos enfants connaissent d’autres langues, le plus possible de langues. Et nous voulons préserver notre langue ; nous voulons obtenir la justice, la vérité, l’équité et la prospérité en guarani ; nous voulons préserver notre identité culturelle, parce que nous ne sommes pas et nous n’avons jamais été ni espagnols, ni brésiliens, ni argentins, ni italiens, ni allemands. Nous sommes paraguayens, tout simplement paraguayens, quel que soit le sang qui coule dans nos veines, et notre langue première est le guarani. Nous voulons sauvegarder notre identité dans un monde de plus en plus globalisé et homogène. Nous revendiquons la justice sociale et l’identité, tous deux en guarani. Ce qui nous distingue dans le monde, c’est notre identité linguistique et culturelle. Nous avons observé que les paysans danois et que tous les Danois veulent vivre en danois et connaître l’anglais et d’autres langues. Nous avons observé que les paysans néerlandais et que tous les Néerlandais veulent vivre en néerlandais et connaître l’anglais et d’autres langues. Nous avons observé que les paysans catalans et que tous les Catalans veulent vivre en catalan et connaître l’espagnol et d’autres langues. Nous souhaitons avoir le droit de vivre en guarani, connaître l’espagnol et parler d’autres langues.
Au moment où nous rédigeons cette lettre ouverte, un avant-projet de loi sur les langues du Paraguay est mis à débat. Nous ne pouvons qu’applaudir cette initiative. Nous espérons qu’il sera approuvé et qu’il entrera en vigueur. Et qu’il sera doté d’un budget suffisant et d’un calendrier clair quant à sa mise en œuvre. Ceci dit, nous n’allons plus croire aux fausses promesses ni aux lois qui ne sont que du vent. Non. Désormais, nous ne croyons plus qu’en nous-mêmes et à ce que nous faisons. Nous allons utiliser le guarani de façon systématique et nous allons dénoncer dans le monde entier la situation d’ « apartheid linguistique » qu’a connue et que connaît encore aujourd’hui le Paraguay. En outre, la loi doit prévoir, sans la moindre équivoque ni hésitation, sous peine de constituer une nouvelle duperie et un nouveau mensonge, que tous les Paraguayens et toutes les Paraguayennes, sans exception, apprennent correctement à l’école le guarani, l’espagnol et une troisième langue, et que les locuteurs d’autres langues paraguayennes puissent conserver leurs langues. C’est la condition minimale, non négociable, pour garantir l’égalité entre les Paraguayens.
Nous avons vécu l’échec dela Réforme éducative, qui a été provoqué par le propre gouvernement et qui a été acclamé par les moyens de communication favorables à l’ « apartheid linguistique » paraguayen. N’ayant pas aboli le régime d’ « apartheid linguistique » implicite et n’ayant pas modifié l’image sociale diffusée par les moyens de communication sur le guarani, cette Réforme n’a atteint aucun des objectifs qu’elle s’était fixés : faire en sorte que tous les écoliers paraguayens apprennent le guarani, l’espagnol et une troisième langue. Et ce n’est pas tout car elle a même fait pire. En effet, bon nombre des paysans et des paysannes qui parlons le guarani comme langue première ou unique avons demandé que nos enfants ne soient pas scolarisés en guarani parce que nous avons constaté que le régime d’ « apartheid linguistique » n’avait absolument pas évolué. Dans quel pays normal du monde assisterait-on à une telle situation ? Et les élèves possédant l’espagnol comme langue unique n’ont pas appris le guarani, qui a été confiné à l’école et qui n’a pas pu occuper une place normale et constante à la télévision, à la radio, dans la presse, dans la musique, etc.
Messieurs les candidats, Mesdames les candidates : où se trouve votre programme concernant la langue guarani ? Où se trouve votre programme concernant la justice linguistique au Paraguay ? Où est-il ? Nous voulons le connaître. Nous voulons que vous le diffusiez à toute la nation. Nous voulons que vous l’expliquiez à toute la nation. Mesdames les candidates et Messieurs les candidats, nous vous invitons à vous exprimer le plus souvent possible en guarani à Asunción afin de rappeler aux partisans de l’apartheid que le guarani est la langue première de la nation dans l’espoir qu’ils fassent un geste pour corriger deux siècles marqués par l’injustice et le manque de pitié et d’humanité à l’égard de millions de Paraguayens et de Paraguayennes.
Signature :
MCNOC – Mesa Coordinadora Nacional de Organizaciones Campesinas, Luis Aguayo, mcnoc@conexion.com.py
OÑP – Okaraygua Ñemongu’e Paraguáipe- MCP Movimiento Campesino Paraguayo, Fermín Bobadilla, mcp@highway.com.py
OLT – Organización de Lucha porla Tierra , Narciso Ruiz Díaz, oltparaguay@gmail.com
ONAI – Organización Nacional de Aborígenes Independientes, Mario Rivarola
UCN – Unión Campesina Nacional, Daniel Duarte
CNSL – Coordinadora Nacional Sebastián Larrosa, Mercedes Fleitas
OCN – Organización Campesina del Norte, Asunción Duarte, ocnpy@hotmail.com
OCM – Organización Campesina de Misiones, Mario Talavera
OCP – Organización Campesina de Paraguarí, Sergio Orsuza
ACMD – Itapúa
CONAMURI – Coordinadora Nacional de Organización de Mujeres Trabajadoras Rurales e Indígenas, Julia Franco, conamuri@rieder.net.py
FNC – Federación Nacional Campesina, Odilón Espínola, fncparaguay@gmail.com
ONAC – Organización Nacional Campesina, Angel Giménez, onac@telesurf.com.py
CNUCIP – Coordinadora Nacional de Unidad Campesina, Indígena y Popular, Tomás Zayas, tomaszayas@yahoo.es
OCRC – Organización Campesina Regional de Concepción, Edilberto Saucedo, ocrc1995@yahoo.com
ACADEI- San Pedro
MAP – Movimiento Agrario Popular, Jorge Galeano, agrariopopular@yahoo.es
Nous soussignées, ORGANISATIONS PAYSANNES de l’ensemble du Paraguay qui représentent de façon directe ou indirecte 2 234 761 personnes habitant dans des zones rurales (soit 43,28 pour cent de l’ensemble de la population nationale, chiffres de 2002) et des centaines de milliers d’autres citoyens qui ont leurs origines et leurs familles dans des zones rurales (en 2002, par exemple, près de 40 pour cent de la population d’Asunción n’était pas née dans la ville), nous adressons aux candidats des élections présidentielles de 2008, quels qu’ils soient, pour leur faire entendre notre voix. Et nous le faisons un an à l’avance afin que notre message leur parvienne haut et clair, de la façon la plus limpide possible.
Nous avons une soif et une faim infinie de justice. Une soif de justice que nous traînons derrière nous depuis des siècles et qui touche tous les domaines : l’accès à la terre, la santé, les infrastructures, l’éducation, l’eau, le prix de nos produits, le travail, le guarani.
Nous sommes las des vols, de l’invisibilité, de la violence, du mépris, des duperies, de la répression, des escroqueries, des assassinats, de la paupérisation, de la famine. Nous sommes désespérés d’avoir dû émigrer pendant des décennies et de devoir encore le faire aujourd’hui par centaines de milliers. Nous en avons assez d’avoir un État corrompu et corrupteur qui nous a marginalisés, ignorés, réprimés, combattus, assassinés, paupérisés et analphabétisés, oui, nous disons bien analphabétisés.
Nous n’avons jamais perçu auparavant – parce que nous n’avons jamais été éduqués ni formés à cette fin, que ce soit à l’école ou dans les moyens de communication – le rôle que jouaient au Paraguay les langues guarani et espagnole dans le maintien et la perpétuation de notre situation de marginalisation, d’exploitation, de paupérisation, de tromperie et de violence. Mais nous commençons lentement à le comprendre. Nous commençons à ouvrir les yeux. Et ce que nous voyons nous remplit de rage et de colère. Rage face à l’escroquerie colossale et brutale dont nous avons été victimes durant tout ce temps. En niant l’égalité et la justice au guarani, l’État a détruit nos parents et nos grands-parents ainsi que les parents de leurs parents ; il nous a détruits nous et nos enfants.
Au Paraguay, 3 946 904 personnes sur les 5 163 198 habitants que comptait le pays en 2002 parlaient guarani (76 pour cent de la population). Près de 30 pour cent de l’ensemble de la population nationale avaient le guarani pour unique langue. Soixante pour cent de tous les ménages paraguayens étaient de langue guarani, chiffre qui s’élevait à 82,5 pour cent dans les zones rurales (contre 8,5 pour cent seulement de langue espagnole) et se maintenait à 42,6 pour cent dans les zones urbaines.
Le Paraguay a appliqué pendant deux cents ans (1811-2007) un régime d’ « apartheid linguistique » contre le guarani, contre nous. Un régime qui a marginalisé la population ayant le guarani comme langue unique, principalement les paysans. Le Paraguay a été et est encore aujourd’hui un pays de paysans. D’ailleurs, nous possédons tous des racines paysannes. On a construit un État opprimant le guarani dans lequel tout a été fait en espagnol et rien n’a été fait en guarani. Le guarani n’a servi que pour mourir en défendant
L’État paraguayen nous a analphabétisés en appliquant sa politique d’ « apartheid linguistique », doublée d’interdictions à l’égard du guarani, pendant de longues périodes de notre histoire. Les Paraguayens et Paraguayennes n’ont jamais été alphabétisés en guarani depuis 1811. Jamais. Mais l’État n’a pas non plus alphabétisé en espagnol d’une façon adéquate, efficace et appropriée l’ensemble de la population, et encore moins les paysans. Ceci n’a jamais été une priorité nationale. Le résultat de ce contexte d’ « apartheid linguistique » frappant le guarani a été que, deux siècles durant, des millions de Paraguayens et Paraguayennes, des millions de paysans et paysannes n’avons pas pu participer de façon active à la vie sociale, culturelle, économique et intellectuelle de
Durant des décennies, les politiques nous ont sermonnés et harangués en guarani à la veille des élections. Ils nous ont fait des milliers de promesses en guarani. Promesses qu’ils n’ont jamais tenues. Mais ils ne nous ont jamais promis quoi que ce soit pour le guarani. Et ils n’ont jamais rien fait pour le guarani. Ils ont aboyé leurs promesses puis s’en sont retournés à Asunción sans rien faire pour que nous puissions participer, en nous donnant une formation et des informations en guarani, d’une façon pleine et normale à la vie nationale et pour que nous puissions contrôler leurs actions. Pire même, ceux qui ont aboyé leurs fausses promesses en guarani n’ont même pas daigné transmettre le guarani à leurs enfants et petits-enfants, auxquels ils ont préféré donner une éducation « bilingue » en espagnol et anglais ou dans une autre langue et, si possible, aux États-Unis ou en Europe. Le guarani a été utilisé pour nous soumettre, pour nous manipuler, pour nous tromper. Il n’a pas été utilisé dans le but de nous faire progresser, de façon collective ou individuelle, dans notre vie économique, culturelle et sociale.
Nous voulons que tous nos enfants connaissent l’espagnol. Nous mesurons toute l’importance de l’espagnol dans le monde. Mais nous voulons aussi que nos enfants connaissent d’autres langues, le plus possible de langues. Et nous voulons préserver notre langue ; nous voulons obtenir la justice, la vérité, l’équité et la prospérité en guarani ; nous voulons préserver notre identité culturelle, parce que nous ne sommes pas et nous n’avons jamais été ni espagnols, ni brésiliens, ni argentins, ni italiens, ni allemands. Nous sommes paraguayens, tout simplement paraguayens, quel que soit le sang qui coule dans nos veines, et notre langue première est le guarani. Nous voulons sauvegarder notre identité dans un monde de plus en plus globalisé et homogène. Nous revendiquons la justice sociale et l’identité, tous deux en guarani. Ce qui nous distingue dans le monde, c’est notre identité linguistique et culturelle. Nous avons observé que les paysans danois et que tous les Danois veulent vivre en danois et connaître l’anglais et d’autres langues. Nous avons observé que les paysans néerlandais et que tous les Néerlandais veulent vivre en néerlandais et connaître l’anglais et d’autres langues. Nous avons observé que les paysans catalans et que tous les Catalans veulent vivre en catalan et connaître l’espagnol et d’autres langues. Nous souhaitons avoir le droit de vivre en guarani, connaître l’espagnol et parler d’autres langues.
Au moment où nous rédigeons cette lettre ouverte, un avant-projet de loi sur les langues du Paraguay est mis à débat. Nous ne pouvons qu’applaudir cette initiative. Nous espérons qu’il sera approuvé et qu’il entrera en vigueur. Et qu’il sera doté d’un budget suffisant et d’un calendrier clair quant à sa mise en œuvre. Ceci dit, nous n’allons plus croire aux fausses promesses ni aux lois qui ne sont que du vent. Non. Désormais, nous ne croyons plus qu’en nous-mêmes et à ce que nous faisons. Nous allons utiliser le guarani de façon systématique et nous allons dénoncer dans le monde entier la situation d’ « apartheid linguistique » qu’a connue et que connaît encore aujourd’hui le Paraguay. En outre, la loi doit prévoir, sans la moindre équivoque ni hésitation, sous peine de constituer une nouvelle duperie et un nouveau mensonge, que tous les Paraguayens et toutes les Paraguayennes, sans exception, apprennent correctement à l’école le guarani, l’espagnol et une troisième langue, et que les locuteurs d’autres langues paraguayennes puissent conserver leurs langues. C’est la condition minimale, non négociable, pour garantir l’égalité entre les Paraguayens.
Nous avons vécu l’échec de
Messieurs les candidats, Mesdames les candidates : où se trouve votre programme concernant la langue guarani ? Où se trouve votre programme concernant la justice linguistique au Paraguay ? Où est-il ? Nous voulons le connaître. Nous voulons que vous le diffusiez à toute la nation. Nous voulons que vous l’expliquiez à toute la nation. Mesdames les candidates et Messieurs les candidats, nous vous invitons à vous exprimer le plus souvent possible en guarani à Asunción afin de rappeler aux partisans de l’apartheid que le guarani est la langue première de la nation dans l’espoir qu’ils fassent un geste pour corriger deux siècles marqués par l’injustice et le manque de pitié et d’humanité à l’égard de millions de Paraguayens et de Paraguayennes.
Signature :
MCNOC – Mesa Coordinadora Nacional de Organizaciones Campesinas, Luis Aguayo, mcnoc@conexion.com.py
OÑP – Okaraygua Ñemongu’e Paraguáipe- MCP Movimiento Campesino Paraguayo, Fermín Bobadilla, mcp@highway.com.py
OLT – Organización de Lucha por
ONAI – Organización Nacional de Aborígenes Independientes, Mario Rivarola
UCN – Unión Campesina Nacional, Daniel Duarte
CNSL – Coordinadora Nacional Sebastián Larrosa, Mercedes Fleitas
OCN – Organización Campesina del Norte, Asunción Duarte, ocnpy@hotmail.com
OCM – Organización Campesina de Misiones, Mario Talavera
OCP – Organización Campesina de Paraguarí, Sergio Orsuza
ACMD – Itapúa
CONAMURI – Coordinadora Nacional de Organización de Mujeres Trabajadoras Rurales e Indígenas, Julia Franco, conamuri@rieder.net.py
FNC – Federación Nacional Campesina, Odilón Espínola, fncparaguay@gmail.com
ONAC – Organización Nacional Campesina, Angel Giménez, onac@telesurf.com.py
CNUCIP – Coordinadora Nacional de Unidad Campesina, Indígena y Popular, Tomás Zayas, tomaszayas@yahoo.es
OCRC – Organización Campesina Regional de Concepción, Edilberto Saucedo, ocrc1995@yahoo.com
ACADEI- San Pedro
MAP – Movimiento Agrario Popular, Jorge Galeano, agrariopopular@yahoo.es
https://www.alainet.org/es/node/120206
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