Le FSM à Karachi, un vent d’ouverture
27/03/2006
- Opinión
Déterminés ! C’est sans doute l’adjectif qui qualifie le mieux les acteurs de la société civile pakistanaise, qui se battent depuis des mois pour maintenir le Forum Social Mondial (FSM) de Karachi du 24 au 29 mars 2006. Quel plus bel exemple pour illustrer la forte mobilisation citoyenne que connaît le Pakistan ! Qu’ils soient défenseurs des droits des femmes, des minorités, des travailleurs, des pêcheurs, des enfants, etc., tous ont travaillé conjointement pour que cette rencontre soit un événement à porté mondiale. Le tremblement de terre qui a durement frappé le Cachemire et les régions alentours le 8 octobre dernier aurait pu les obliger à l’annuler : les bénévoles et associations membres du comité d’organisation se sont mobilisés dans les actions de secours et une grande partie des engagements financiers a été versée pour le soutien aux victimes. Mais ils n’ont pas renoncé. La catastrophe les a contraints de reporter le FSM de 2 mois, mais elle n’a pas empêché ces hommes et femmes pakistanais de rassembler leurs efforts pour relever le défi de ce forum polycentrique et de prolonger et amplifier les combats entrepris lors des forums de Bamako et Caracas.
Etre au FSM pour agir avec les Pakistanais
De son retour de mission au Pakistan, Jean-Pierre Dardaud, président de l’association Frères des Hommes, en est convaincu : « Le FSM de Karachi est le rendez-vous incontournable. Soutenir, comprendre et agir, tels sont les enjeux fondamentaux qu’offre ce forum. Il permettra tout d’abord de manifester une présence solidaire auprès d’acteurs du continent asiatique engagés dans la construction d’un autre monde sur des bases non violentes, laïques et démocratiques.» Une solidarité vitale dans un contexte régional où l’abus de pouvoir des sphères religieuse, militaire ou gouvernementale est omniprésent et où le non respect des droits et l’exclusion des femmes, des minorités, des travailleurs, etc., sont quotidiens.
Ainsi, comme l’a rappelé Mohammed Ali Shah, leader de l’organisation Pakistan Fisherfolk Forum, lors de sa visite à Paris en février dernier, le Pakistan a connu depuis sa création en 1947 des régimes militaires successifs qui n’ont pas laissé de place à la démocratie. La tenue de cet événement à Karachi offre ainsi l’opportunité inédite d’un espace ouvert où chacun, qu’il soit asiatique, africain, américain ou européen pourra s’exprimer librement. Le groupe des femmes du FSM en est convaincu : cette rencontre n’empêchera certes pas la terre de trembler, mais elle permettra incontestablement de construire un monde plus juste !
Le refus de la violence au cœur des tensions internationales
L’image du Pakistan souvent véhiculée dans la presse internationale est très réductrice et cette rencontre à Karachi est l’occasion de découvrir l’autre visage de ce pays particulièrement complexe. Ce FSM nous offre en effet la possibilité de mesurer la vitalité de ces acteurs de la société civile pakistanaise et de constater la portée universelle des débats et combats qu’ils mènent quotidiennement dans cette région du monde. L’adhésion à la non-violence des mouvements d’émancipation sociale en est un exemple. Ainsi, J.P. Dardaud a été très impressionné de voir comment les participants de la rencontre nationale des « travailleurs liés » à Hyderabad ont tous applaudi le juge Ghaus Mohammed alors qu’il les encourageait à continuer de croire en la justice et à ne pas faire appel à la violence.
Enfin, sur le plan géostratégique, la tenue du FSM dans cette région du monde représente un enjeu vital. Cette zone est sans conteste le centre névralgique des tensions internationales, comme en attestent les altercations récentes entre l’Iran et l’Agence internationale de l’énergie atomique. Une course aux armements nucléaires causée en partie par les critères d’accession à la puissance fixés par les pays occidentaux engendre un impact négatif sur le développement socio-économique mais aussi démocratique de ces pays : les budgets de santé, d’éducation, d’emploi, etc., sont quasi inexistants et l’espace d’expression ne cesse de se réduire. Le Pakistan et son voisin, l’Inde (pour ne citer qu’eux) n’échappent pas à cette militarisation à tout prix, phénomène qui contamine également la société pakistanaise. C’est pour cette raison, explique Mohammed Ali Shah, que pour tous les acteurs de la société civile du pays, ce FSM représente un espoir énorme de voir les choses changer.
Un combat qui est le nôtre
Parce qu’un autre monde est possible, les citoyens pakistanais ont choisi de défier les politiques fondamentalistes et la militarisation en reprenant le flambeau allumé par leurs amis brésiliens, indiens, maliens et vénézuéliens. Depuis plusieurs mois maintenant, une immense campagne de sensibilisation et de mobilisation autour du FSM de Karachi s’est mise en place dans l’ensemble du pays. De Karachi à Islamabad, les organisateurs du Forum social mondial sont partout : qu’il s’agisse de réunions d’agriculteurs, de pêcheurs, de travailleurs, de syndicalistes, de jeunes, de femmes, etc., ils prennent la parole pour inviter les gens à participer à cet événement mondial. Accompagnons-les dans ce combat qui est aussi le nôtre !
Comité de rédaction : Frères des Hommes
Source : Frères des Hommes.
Extrait de cet article paru dans la revue « Altermondes » n°5 de Mars –
https://www.alainet.org/es/node/114703
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