« Réflexions pour la construction d’un état moderne en Haïti »

Elections : L’heure est venue de finalement penser le développement

21/02/2006
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Pour qu’un monde soit un monde, il faut de grands rêves et la volonté inlassable de les incarner ". André MALRAUX Ça y est, le peuple souverain a parlé. La compéttion électorale, débutée le 7 février 2006, a donné un nouveau mandat présidentiel à Monsieur René Garcia Préval. Les Haïtiens se sont dirigés massivement vers les bureaux de vote pour donner mandat à une nouvelle équipe de dirigeants, qui aura la lourde tâche de diriger le pays durant les cinq prochaines années. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette victoire ne donne droit à personne de jouer à la mégalomanie. Surtout lorsque l’on sait que cette victoire (51.15%) est le résultat d’une tractation entre la communauté internationale, le Conseil électoral provisoire (CEP) et le gouvernement intérimaire pour des raisons d’État. Ce n’est certainement pas un chèque en blanc pour les caïds de toute catégorie dans le royaume des bêtes sauvages. Il s’agit clairement d’un vote pour le changement. Cela dit, il serait tout à fait légitime de se questionner sérieusement sur les bases sociologiques de cet électorat qui a bien voulu accorder un second mandat présidentiel à Monsieur René Préval qui n’avait pourtant objectivement rien fait de concret pour l’amélioration de la vie quotidienne des Haïtiens lors de son précédent mandat. Rappelons simplement, pour ne pas raviver inutilement des tensions, que le quinquennat de l’ancien président a été caractérisé par une grave crise institutionnelle et des cas d’assassinat politiques non encore élucidés. Mais le peuple a parlé démocratiquement et sa décision est souveraine, donc irrévocable. En tout cas, les différentes lignes ouvertes dans les stations de radio de la capitale et des villes de province ont très bien démontré le fait que les Haïtiens en ont ras-le-bol de la violence, des crises politiques, de la misère, du chômage, de la paupérisation et du sous-développement. Alors qu’on ne vienne pas nous diriger par coup de slogans et de promesses sans lendemain. D’un autre côté, l’opposition et la classe politique en général doivent se ressaisir et mener une opposition constructive allant dans le sens de l’intérêt de la collectivité. Ces dirigeants politiques doivent procéder à une auto-évaluation en structurant entre autres leurs partis politiques et aussi en réexaminant leur approche vis-à-vis les populations déshéritées du pays. En somme, ils doivent apprendre à faire la politique autrement. On doit enterrer les hâches de guerre. Les couteaux ont volé assez bas durant cette longue campagne électorale. Il faut apprendre à boire sa honte en sachant perdre dignement. En réalité, il serait préférable de mettre de côté notre égoïsme en apprenant à voir la patrie avant des intérêts personnels et mesquins. L’heure est venue de finalement penser le développement. Soyons des patriotes du développement. Le pays doit entrer dans la modernité. Cri pour un État moderne en Haïti S’il y a bien un élément qui soit évident et palpable, c’est que la population haïtienne dans sa grande majorité réclame à cor et à cri un vaste changement, un changement allant dans le sens de la construction d’un État moderne en Haïti. Toutefois, les indicateurs macroéconomiques et éducationnels dont nous avons à notre disposition ne nous permettent pas d’envisager la réalisation d’un tel État dans les cinq prochaines années. Mais si l’on ne fait rien dès maintenant ces données catastrophiques, connues pratiquement de tous, risquent d’être totalement irréversibles, du moins difficilement corrigibles dans les cinq ans à venir Il faudra à la prochaine équipe une bonne dose de compétence et de gestion de deniers publics pour pouvoir faire face aux grandes difficultés qui l’attendent. En effet, selon l’Enquête sur les conditions de vie en Haïti (2001), 56 % de la population haïtienne, soit 4,4 millions de personnes, se situent au-dessous de la ligne de pauvreté extrême d’un dollar américain. Toujours selon cette même enquête, 76 % de la population, à savoir précisément 6.2 millions d’individus sur une population de 8.1 millions sont au-dessous de la ligne de pauvreté de deux dollars par personne, par jour. Ce sont là des chiffres qui donnent le vertige. C’est dire qu’on ne peut pas plaisanter avec le destin de la nation. Notre seule issue probablement serait de recourir aux investisseurs externes. Là encore il faudrait quasiment faire des miracles pour les inciter à venir investir en Haïti. Car, entre 1990 et 2002, pour prendre les derniers chiffres disponibles, le volume des investissement dans le pays demeure insignifiant. Il représente moins de 1 % de l’ensemble des capitaux étrangers privés dans les Caraïbes. Dans un monde de plus en plus exigeant réclamant une main-d’œuvre qualifiée dans toutes les sphères d’activité, on constate, une fois de plus, le retard considérable d’Haïti. En effet, comment être concurentiel lorsqu’on a sur son sol plus de 500 000 enfants qui n’ont pas accès à l’éducation de base ou quand seulement 35 % des enfants atteignent la cinquième année de l’école primaire ? C’est donc clair que la qualité et l’efficacité de l’éducation offerte est très faible par rapport à la moyenne régionale. Aussi difficilement croyable que cela puisse paraître, le pays a suffisamment de ressources disponibles pour pouvoir faire face à ses maux en pensant le développement. En fait, pour remédier à la situation, il nous faut un peu de volonté, des idées et des stratégies clairement énoncées. Mais préalalement on doit établir un climat de confiance. Le marronage auquel nous sommes habitués ne nous mènera nulle part. C’est vrai, comme nous le rappelle Michel Crizier, que la confiance ne résout pas tous les problèmes mais elle contribue à ce qu’ils soint vécus de façon plus constructive. Les idées, les dirigeants haïtiens en ont à revendre ! Il suffit de les écouter attentivement pour constater cet état de fait. Ce qu’ils ont tendance à ignorer, c’est que les idées ne sont, pour ainsi dire, rien sans stratégie. Et une stratégie n’a de sens, si l’on ose dire, que si l’on dispose d’une connaissance approfondie des ressources humaines disponibles. Autrement énoncé, un bon plan de développement bien pensé et mis en œuvre par des personnes compétentes peut sortir le pays de sa misère et de son sous développement chronique. Osons penser le développement. http://www.alterpresse.org/article.php3?id_article=4197
https://www.alainet.org/es/node/114420
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