La Martinique : un enjeu stratégique

22/04/2012
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Si elle ne couvre que 1100 Km2 et ne compte que 400.000 habitants, la Martinique est néanmoins une base essentielle sur laquelle s’appuie la politique des impérialistes européens dans la région. Ce « Département Français d’Amérique (DFA)» est utilisé comme un véritable cheval de Troie pour leur intervention.
 
La domination coloniale perdure
 
Avec la complicité de ses alliés dans les institutions internationales, la France est parvenue à  jeter un voile sur la domination coloniale qu’elle exerce en  Martinique. En imposant le statut départemental en 1946, elle a prétendu avoir réalisé la décolonisation du pays et, désormais, tout ce qui s’y passe est déclaré « affaire interne ». Les défenseurs des droits des peuples sont priés d’aller voir ailleurs.
 
N’importe quel analyste sérieux, se penchant sur la réalité des rapports liant la Martinique à la France et sur les politiques  menées dans notre pays, ne peut qu’y constater la persistance du colonialisme : Encadrement de toutes les administrations en quasi totalité par des ressortissants « métropolitains », économie extravertie au service de la métropole, présence de forces armées utilisées dans les conflits sociaux, justice à deux vitesses, permanence du racisme,  etc. Les conséquences désastreuses sur la majorité de la population au plan social et psychique, les inégalités criantes ne peuvent être gommées par l’existence d’infrastructures modernes, visant à faire de la Martinique une vitrine de la grandeur française dans la région, pas plus que par des acquis sociaux, obtenus aux prix de luttes incessantes et sanglantes. Jusqu’en 1974, les grèves se sont soldées par l’assassinat de travailleurs par les forces de répression françaises. D’ailleurs,  comme dans le reste du monde, ces acquis sociaux sont laminés par la politique néolibérale agressive qui prévaut aujourd’hui. 32% de la population active est au chômage (62% pour les moins de 25 ans) ; 20 % de la population vit  au-dessous du seuil de pauvreté.
 
Depuis quelques années, les Gouvernements Français successifs affirment prendre en compte les « spécificités » de la Martinique. Il s’agit là d’un leurre. S’ils  ont mis en œuvre une politique de décentralisation à partir de 1982, c’est parce qu’ils y ont été contraints, d’une part, par la montée en puissance des mouvements autonomiste puis indépendantiste, mais, d’autre part, par la nécessité de moderniser les structures administratives, trop jacobines, de leur propre pays. Mais, aucun pouvoir politique notable n’a été consenti aux collectivités locales. La tutelle sur la Martinique est restée totale à tous points de vue.
 
La montée en puissance des revendications identitaires et la percée électorale des indépendantistes, qui ont été largement majoritaires au Conseil Régional de 2006  à 2010  (la majorité actuelle est autonomiste), a contraint le gouvernement à organiser des consultations référendaires, soi-disant pour permettre à la population de s’exprimer à propos de  la mise sur pied d’une  Collectivité Nouvelle. Mais celle-ci, impérativement inscrite « dans le cadre de la République Française », est, elle aussi, dénuée de tout pouvoir politique. Il faut dénoncer,  ici, le fait que toutes les consultations organisées dans le pays ont lieu dans un contexte de désinformation massive, de chantage à la suppression des acquis sociaux, excluent  le tiers de la population martiniquaise émigrée en France et qu’y participent les Français de passage y compris les  membres de l’armée et des « forces de l’ordre ».
 
Une plate-forme pour l’intervention impérialiste
 
La construction de l’Union Européenne, dont la France est l’un des moteurs, a pour conséquence que la Martinique n’est plus seulement une colonie de ce pays mais qu’elle est devenue un pion  essentiel dans la réalisation des objectifs stratégiques des impérialistes européens.
 
- La France qui se targue d’être un pays caribéen peut  occuper des sièges dans les instances régionales. Là, elle peut s’opposer aux intérêts des pays de la zone (Par exemple en faisant obstacle à leur volonté  de limiter le passage des bateaux transportant des déchets nucléaires).
 
- La pénétration commerciale des produits européens  peut se faire à partir de l’aéroport international et du « port d’éclatement » de la Martinique.  L’Etat Français et les investisseurs européens, derrière la volonté affichée de « coopération régionale » et camouflés dans des entreprises  qui n’ont de martiniquaises que le nom, tentent d’assurer leur main mise sur le marché caribéen.
 
- Le pays est une base d’appui de la plus haute importance pour la surveillance, le renseignement et les interventions militaires dans la région. (Avec la Guadeloupe, la Martinique à servi de relais lors de la guerre des Malouines et de l’invasion de Grenade ; des manœuvre militaires conjointes sont régulièrement organisées par la France et les USA.)
 
- La France cultive les divisions entre les peuples caribéens. La politique de plus en plus xénophobe qui a cours en Europe est exacerbée sous l’égide des autorités françaises. Les candidats à l’immigration subissent discriminations et humiliations, et nos voisins, même quand ils sont solvables et  qu’ils souhaitent faire des séjours limités (pour, par exemple, participer à des événements culturels ou sportifs), ont les pires difficultés à obtenir des visas.
 
Toute cette réalité nous amène à affirmer, en conclusion, que l’accession à la souveraineté du peuple Martiniquais est l’une des conditions nécessaires au renversement de la domination impérialiste dans l’ensemble de notre région
 
- Robert SAE. Co-fondateur et porte-parole du Conseil National des Comités populaires (CNCP), organisation indépendantiste martiniquaise; ancien Conseiller Régional et municipal. Editorialiste politique.
 
Cet article est paru en espagnol dans la revue d'ALAI América Latina en Movimiento, No. 474, "La descolonización inconclusa", avril 2012.  http://alainet.org/publica/474.phtml
 

 

https://www.alainet.org/de/node/157374
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